Le réseau Eskolim en Corse

Bel encouragement à l’ouverture de la filière corse !

Le réseau des écoles associatives d’enseignement immersif en langues régionales tenait son assemblée générale en Corse ce samedi 27 mars 2021, à Biguglia. Une fierté et un bel encouragement pour l’association Scola Corsa qui entend lancer sa propre filière d’enseignement associatif immersif dans l’île, et pour la ville de Biguglia qui se veut être le site pionnier du réseau en Corse. Ainsi, dès la rentrée prochaine, le maire Jean Charles Giabiconi et son équipe entendent ouvrir une première école à Biguglia. De même, Bastia se positionne pour ouvrir son propre site et plusieurs autres communes ont déjà fait savoir leur intérêt pour la démarche.

 

«L’immersion, c’est une belle image, cela suppose que l’on se mouille. Et pour apprendre à nager, on ne se mouille pas à moitié seulement ! » La métaphore est parfaite ! Elle est du président de l’Institut Supérieur des langues de la République française, qui est le centre de formation du réseau Eskolim, Joan Loìs Blenet, également co-président des Calendreta, l’école associative d’enseignement immersif en langue occitane.

L’enseignement immersif se propose de plonger les enfants dans un bain linguistique total en langue régionale et ce, dès la maternelle, l’enseignement du français étant introduit progressivement après les cours élémentaires. Un enseignement en langue corse, tout au long de la scolarité, une gymnastique du cerveau qui ouvre aux enfants d’importantes facultés cognitives. Ceux qui bénéficient d’un enseignement immersif en langue régionale sont par la suite beaucoup plus à l’aise dans l’apprentissage du français et des autres langues, mais aussi d’autres matières comme les mathématiques. Leurs résultats scolaires en témoignent. Les lycées Seaska ou Diwan comptent parmi les meilleurs résultats de France !

Arritti en a parlé toutes ces dernières semaines (lire nos articles par ailleurs)*, Eskolim est l’association qui fédère tous les réseaux d’enseignement immersif en langues régionales en France : ABCM Zwei Sprachigkeit en Alsace, Bressola en Catalogne, Calendreta en Occitanie, les Ikastolas/Seaska en Pays Basque, et depuis samedi donc, Scola Corsa en Corse ! Ce 27 mars en effet, saisi par sa demande d’adhésion, les délégués d’Eskolim ont accueilli à bras ouvert Scola Corsa dont les instances de l’association viennent d’être renouvelées, et même renforcées par un Conseil d’Administration de 17 membres. Les associations de défense de la langue corse, Praticalingua, Parlemu Corsu, le STC Educazioni, l’Associu di i Parenti Corsi, de nombreux militants de la langue et des élus, ont investi  cette association historique pour la défense et la promotion de la langue corse.

 

Eskolim accueille Scola Corsa

Une vingtaine de délégués du réseau Eskolim ont donc fait le déplacement jusqu’en Corse, ce qui relevait de la gageure dans le contexte sanitaire actuel. Mais toutes les consignes ont été scrupuleusement respectées, les invitations extérieures ont été parcimonieuses, et l’une après l’autre pour éviter les regroupements, plusieurs réunions se sont tenues dans le respect des gestes barrières et des distanciations imposées. L’AG ordinaire du centre de formation d’Eskolim (ISLRF), qui est présidée par Stéphanie Stoll, par ailleurs présidente de Diwan, a ainsi pu se tenir, suivi du temps fort où Scola Corsa a formulé sa demande d’adhésion, puis de l’échange avec l’Inspé de l’Université de Corse, pour la formation des enseignants**.

En marge de ce rendez-vous important, l’association « Scola Corsa di Biguglia » à l’appui de la demande de nombreux parents, s’est constituée et désignera son bureau dans les prochains jours.

De même encore, des réunions de travail en petits comités ont pu se tenir autour des délégués Eskolim et plus particulièrement des directeurs pédagogiques des différents réseaux, pour répondre à toutes les questions qui se posent à la construction d’une filière d’enseignement immersif en Corse. L’adhésion de Scola Corsa au réseau Eskolim a donc prodigué ses conseils juridiques et techniques à Scola Corsa. C’est tout l’intérêt d’un réseau, s’enrichir des expériences et du savoir-faire de chacun !

Les délégués d’Eskolim ont reçu la visite des responsables de l’Exécutif de Corse, le président du Conseil Exécutif Gilles Simeoni, le conseiller exécutif en charge de la langue corse, Saveriu Luciani, la conseillère exécutive en charge de la formation, Josepha Giacometti. Présent également le député Jean Félix Acquaviva, tandis que son collègue Michel Castellani et le Sénateur Paulu Santu Parigi ont fait valoir également leur soutien à la démarche. Enfin la présidente de Eskolim, Stéphanie Stoll et le directeur de Diwan, Gregor Mazo, ont été reçus en mairie de Bastia.

 

Des écoles gratuites, laïques et reconnues par l’Éducation Nationale

« L’enseignement immersif vient en complément de l’enseignement public, a précisé le Président de Scola Corsa, Ghjiseppu Turchini, ce sont des écoles gratuites, laïques, et en convention avec l’Éducation Nationale. Il s’agit d’immersion, ce qui signifie que l’enfant entend parler et parle corse toute la journée, même à la cantine et dans les activités parascolaires le soir. »

« Le système éducatif public touche ses limites et n’est pas capable de produire ses propres cadres, de manière à engendrer véritablement un épanouissement et un renouvellement de la langue au sein même de son système éducatif, alors que les expériences de nos collègues démontrent que le système immersif associatif vient en appui, en émulation, en complément, du système éducatif public. Forts de leurs expériences, nous nous inscrivons dans cette dynamique. »

Stéphanie Stoll, également présidente de Diwan, l’enseignement immersif en langue bretonne, s’est réjouie de voir que le système associatif d’enseignement immersif va se développer en Corse aussi, une filière qui manquait au réseau Eskolim. « L’enseignement immersif, c’est ce dont on a besoin pour former des locuteurs, parler des langues régionales, de leur préservation, de leur transmission en général, ou apporter des mesures qui résolvent une partie du problème, cela ne suffit pas. Aujourd’hui, ce qui forme des locuteurs et assure que l’on continuera à parler, à concevoir, à créer, à imaginer des choses avec nos langues régionales, c’est l’enseignement immersif. Ça fonctionne et on est ravi que les Corses se lancent. On va se donner les moyens pour que vous réussissiez, avec la force que vous avez, le soutien institutionnel qui est impressionnant, nous allons vous apporter cette dynamique associative et partager cette aventure parce qu’humainement c’est très riche. »

« Très heureux d’accompagner le projet corse ! Fondé en 1976, la Bressola dénombre 1027 élèves de la petite section de maternelle à la troisième dans 8 établissements. La structure souhaite ouvrir un nouveau collège à Perpignan dès la rentrée prochaine et un lycée, au sein du même établissement, l’année suivante » témoigne aussi Jean Sébastien Haydn, président de Bressola, les écoles en langue catalane.

« Pour que ça fonctionne, le partenariat entre les collectivités locales et les associations est essentiel » dit encore Stéphanie Stoll.

 

Les deux premiers sites corses à Biguglia et Bastia

« Très instruits par les expériences de nos amis, préparés aux écueils qu’ils ont pu rencontrer, renforcés par les institutions corses, nous sommes prêts à lancer notre propre réseau en Corse, dans un premier temps dans la région bastiaise, puis dans d’autres communes comme l’ont fait par exemple nos amis basques où le réseau Seaska/ikastolas comptent aujourd’hui plus de 400 écoles et près de 4000 élèves » a précisé François Alfonsi, eurodéputé de la Corse, membre du Conseil d’Administration de Scola Corsa.

« C’est avec plaisir que Biguglia accueille les prémices de cette initiative, nous mettrons tout en œuvre pour aider l’associu Scola Corsa à réaliser son projet au sein de notre ville qui porte avec dynamisme ce projet » a confirmé avec enthousiasme le maire de Biguglia, Jean Charles Giabiconi.

« À Bastia, on est très heureux de participer à cette démarche initiée par le député européen avec qui nous avons eu l’occasion de partir au Pays Basque nous rendre compte de l’efficience de ce dispositif associatif. On a bien compris que la réussite tenait dans le savant mélange entre l’investissement institutionnel, enseignant, citoyen. Et donc nous allons préparer dans les meilleures conditions la création d’un site de ce type sur Bastia » a également confirmé Lisandru De Zerbi, adjoint à la langue corse à Bastia.

 

La dynamique associative

« L’apprentissage des langues régionales est absolument essentiel, mais il ne faut pas oublier que l’objectif de cet apprentissage c’est de créer des locuteurs. Et avec le système bilingue, on n’arrive pas à suffisamment de locuteurs pour sauver une langue. On a besoin d’aller plus loin, que les jeunes apprennent mais soient capables et aient envie de le parler. L’usage de la langue est ce qui sauvera ces langues dans les années à venir. C’est l’enjeu principal, qu’il y ait des locuteurs capables d’utiliser la langue dans la vie quotidienne, pas uniquement à l’école, mais dans tout ce qui entoure, et avec le cœur » a plaidé Peio Jorajuria, président de Seaska, fédération des ikastolas, écoles immersives en langue basque.

« On a deux objectifs, évidemment l’immersion, mais aussi la dynamique associative. Avoir des parents qui sont impliqués dans l’avenir de leur enfant, et dans l’avenir de leur commune apporte une plus-value. Nous évidemment, pour financer le réseau de nos écoles, on est obligé de créer ces dynamiques culturelles, associatives, des événements qui vont non seulement conforter l’école, mais aussi conforter la place de nos langues sur nos places de villages. Et c’est par ce biais-là, en faisant des locuteurs mais en créant aussi des lieux où il y aura une utilisation de la langue que l’on sauvera nos langues dans les années à venir. »

L’ensemble du réseau Eskolim scolarise près de 15.000 enfants de la maternelle à la terminale, dans 200 établissements répartis dans cinq régions, avec un personnel (enseignant et Atsem) de près de 1500 personnes.

L’enseignement associatif immersif en langue corse, ce n’est pas seulement une chance de renaissance de notre langue, c’est aussi une aventure humaine tellement forte qu’elle engendre une dynamique économique créatrice de lien social où l’enfant, et l’adulte avec lui, se réapproprie la langue et lui donne la possibilité de réinvestir des espaces où elle n’existait plus. Cette dynamique est porteuse jusque dans l’enseignement public puisque l’existence d’écoles associatives immersives suscitent en règle générale une émulation qui conduit les responsables académiques à davantage soutenir l’enseignement des langues régionales.

Les parents ont donc là un rôle à jouer capital. Par leur confiance et leur implication, ils sont au début d’une aventure formidable qui aidera au renouveau de la langue corse en Corse. Focu à a ceppa ! •

Fabiana Giovannini.

* Lire également nos précédents articles (rubrique Lingua) :
Eskolim : Comprendre et soutenir l’enseignement par immersion
Argumentaire produit par Eskolim sur l’intérêt de l’enseignement associatif immersif (extraits)
École associative d’enseignement immersif en langues régionales : Eskolim en Corse !
Scola Corsa : Avanzemu !

* Institut National du Professorat et de l’Education.