Ghjustizia è verità per Yvan Colonna

Septième semaine

Près de deux mois après l’assassinat d’Yvan Colonna, l’actualité de la Corse reste sans réponse sur ce qui s’est passé ce 2 mars 2022 à la Maison d’arrêt d’Arles. Globalement le calme est revenu dans les rues, mais toujours pas de négociations entamées du côté du gouvernement.

 

 

11 avril. Incarcérés depuis le mois de mai 1999, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi retrouvent la Corse. Comme il avait été annoncé, la levée de leur statut de DPS entraîne leur rapprochement à la prison de Borgu. Pour le président du Conseil exécutif Gilles Simeoni, « c’est l’épilogue d’un long combat judiciaire et politique, qui a été mené depuis plusieurs années. Satisfaction et soulagement bien sûr pour Pierre Allessandri, Alain Ferrandi et leur famille. L’application du droit, enfin. En même temps bien sûr, il est triste qu’il ait fallu l’assassinat d’Yvan Colonna pour que les choses s’accélèrent enfin ». Jean Félix Acquaviva, député de Haute-Corse surenchérit : « il aura malheureusement fallu un drame absolu. Cet acte doit être suivi d’autres liés au respect du droit pour les projets de semi-liberté. Et le processus de règlement de la question corse doit débuter. Maintenant ».

Mais toujours pas de nouvelles du côté du gouvernement concernant ce processus…

Deux députés à l’assemblée nationale, François Pupponi et Bruno Questel, tous deux LREM, déposent une résolution pour la création d’une Commission d’enquête parlementaire sur les circonstances de l’assassinat d’Yvan Colonna. Plus contraignante (les personnes interrogées doivent prêter serment et s’exposent donc à des sanctions pénales) et donc plus efficace que les enquêtes en cours. « Il n’y a pas de place pour le parjure ou le mensonge » explique Brunon Questel.

Rappelons que le rapport intermédiaire de la commission des lois n’a pas été rendu public sous ordre de Matignon. « Au mieux tout n’a pas été dit, au pire on ne nous a pas dit la vérité. Je n’arrive pas à comprendre si la directrice a dit la vérité que les services de renseignements n’avaient pas alertée l’administration pénitentiaire et la prison de la personnalité de l’assassin d’Yvan Colonna », a encore commenté Brunon Questel.

 

12 avril. Le Parquet requiert six à huit mois de prison avec sursis à l’encontre d’un jeune manifestant de 20 ans. Interpellé alors qu’il portait une cagoule et était en possession d’un couteau lors de la manifestation de Bastia le 6 mars dernier. En réalité, il quittait la manifestation alors que celle-ci s’envenimait. Le jugement a été mis en délibéré.

Dans la nuit, un incendie criminel détruit une villa à Pianòttuli Caldarellu. Sur place, sont bombés « Per tè Yvan », « Fora a Francia » et « IFF », mais aussi « Action des jeunes pour la renaissance de la Corse » et le nouveau sigle « AJRC ». Une nouvelle génération de clandestins est-elle en train de s’installer plus ou moins maladroitement ? En effet, la propriétaire est corse bien qu’installée en Suisse et se révolte : « Je ne reconnais plus mon pays, mon village, je ne sais plus ce qui se passe, c’est inhumain. Ma maison de famille est à Mocca Croce. J’ai passé mon bac à Ajaccio, ma mère y a été professeure pendant 20 ans, elle était adorée. Mes grands-mères étaient de Campile, Cacciaguerra, et de Zonza Giudicelli. J’ai élevé mes enfants dans l’amour de la Corse. Parlu corsu tutti i ghjorni. Mes enfants ont appris le corse, mes petits-enfants le comprennent et chantent le Dio vi Salvi Regina à toutes les grandes manifestations. »

Pendant ce temps, toujours aucune réaction d’apaisement du côté du gouvernement.

 

13 avril. On découvre deux nouvelles constructions visées par un incendie criminel, à Conca cette fois-ci. Toutes deux comportent des tags : « IFF » et « Fora ».

À Aiacciu, des militants effacent les tags racistes ou injurieux visant les français ou les arabes qui étaient apparus à la suite de la manifestation du 3 avril. Une action saluée sur les réseaux sociaux. « Yvan n’était absolument pas raciste. Si ces tags étaient à la suite de cette manifestation, notre devoir était simplement de les effacer. On ne pourra pas tout effacer, mais voir ces tags cela fait mal, surtout vis-à-vis d’Yvan » ont expliqué Félix Bonardi et Philippe Carlini. Ils lancent un appel à la jeunesse : « il ne faut pas que la jeunesse s’expose, qu’elle se brûle. Il faut, tels les mots d’Yvan, que la jeunesse travaille, se cultive, apprenne à l’école, puisse demain participer à l’économie de notre île ; si demain par malheur, on se blesse ou l’on a un casier judiciaire alors que l’on a une ambition dans telle ou telle activité et qu’on ne peut pas la faire, ce serait extrêmement malheureux ».

 

15 avril. France 3 Via Stella titre sur sa page web : « Série d’incendies criminels dans un contexte politique troublé ». Nos confrères dénombrent « 11 résidences secondaires visées par des attentats et des incendies criminels dans l’île. Si ces différentes actions n’ont pas été revendiquées, elles s’inscrivent dans un contexte politique tendu marqué par l’agression mortelle d’Yvan Colonna ». Un décompte néanmoins antérieur à l’agression, puisque Fr3 Via Stella parle d’un recensement sur trois mois et demi, mais précise : « entre le 7 et le 14 avril, pas moins de six maisons ont brûlé dans l’île » avec des tags « IFF » bombés sur les murs.

La suite nous dira si ces actions ont toutes ou pour partie un lien entre elles. •