Statut de résident

Un « programme commun » pour R&PS !

Nil Caouissin présente le Manifeste pour un statut de résident en Bretagne.
Nil Caouissin présente le Manifeste pour un statut de résident en Bretagne.
Un média basque interviewant un candidat breton qui a repris et développé une revendication corse, celle du statut de résident : la campagne des régionales en cours dans les différentes régions est l’occasion de vérifier la cohérence des programmes entre les différentes composantes de la Fédération Régions & Peuples Solidaires. Arritti reprend de larges extraits de l’interview donnée par Nil Caouissin, un des leaders de l’Union Démocratique Bretonne, sur cette question, au quotidien Mediabask.

 

Comme pour la question des langues qui a débouché sur la création du Collectif Pour Que Vivent Nos Langues et le vote de la loi Molac, cette mise en commun permet de renouveler le rapport de forces, et de renforcer chacun sur son territoire.

 

Le « statut de résident » nous concerne tous. Au Pays Basque, à la Bretagne et à la Corse, il faut ajouter la Savoie, la Provence, l’Alsace et tant de territoires où l’accès au logement et l’accès à la Terre est de plus en plus difficile pour ceux qui vivent et travaillent au pays. Lors de sa prochaine Université d’Eté, qui aura lieu en Provence à Toulon, R&PS débattra sur les voies et moyens de porter cette problématique au cœur des combats à venir, comme nous avons pu le faire sur la langue il y a deux ans à Aiacciu.

À quelques mois des élections présidentielles et législatives, cela permettra de structurer une démarche commune qui déterminera l’avenir de notre représentation à l’Assemblée Nationale. Actuellement il y a quatre députés R&PS au sein du groupe Libertés et Territoires, trois corses et un breton. Cette présence politique est importante et elle devra être renforcée en juin 2021.

 

Nil Caouissin s’est inspiré des Corses pour mettre au point un « Manifeste pour un statut de résident en Bretagne », publié aux Presses populaires de Bretagne, afin de lutter contre la spéculation immobilière et la multiplication des résidences secondaires.

La Bretagne connaît une hausse importante des prix de l’immobilier, l’idée est de n’autoriser un achat immobilier qu’aux personnes résidant déjà sur le territoire depuis au moins un an afin de faire baisser mécaniquement les prix, ce qui reconvertirait à terme les résidences secondaires en résidences principales. Le parc locatif et les montants des loyers seraient également impacté.

Dans son entretien accordé à Mediabask, Nil Caouissin explique : « Le principe, c’est de lutter contre la spéculation immobilière et réduire l’emprise des résidences secondaires en réservant l’achat sur un territoire donné aux gens qui y vivent depuis un certain temps. La demande corse, c’est cinq ans. Il m’a semblé, dans le contexte breton, qu’un an pouvait suffire pour avoir le droit d’acheter un bien immobilier dans les communes les plus tendues, où il y a déjà beaucoup de résidences secondaires. L’objectif est de faire baisser les prix dans ces zones pour permettre aux gens de s’y loger à l’année. Aujourd’hui, dans une bonne partie du littoral breton, les gens ne peuvent plus se loger, y compris quand il y a du travail sur place. »

Faire baisser les prix de vente en réduisant le nombre d’acheteurs est l’objectif de tout statut de résident et les débats qui animent la Bretagne aujourd’hui ont été abondamment soulevés en Corse. « La demande qui serait restreinte serait essentiellement la demande en résidences secondaires et la demande spéculative. Pour les gens qui veulent s’installer, ce n’est pas un gros problème d’attendre un an avant d’acheter, beaucoup le font déjà. Par contre, on imagine mal des futurs résidents secondaires ou des spéculateurs venir vivre un an spécialement sur place pour faire leur achat » explique encore Nil Caouissin à Mediabask.

 

Neutraliser cette demande spéculative qui est « justement celle qui est la plus inflationniste » règlerait naturellement un problème pesant dans toutes nos régions, de la Bretagne à la Corse, en passant par l’Occitanie, le Pays Basque, la Catalogne, la Savoie ou l’Alsace, celui de l’augmentation exponentielle des résidences secondaires, consommateurs d’espaces.

Nil Couissin : « Je ne propose pas d’exproprier les propriétaires, mais ce qui se passerait, c’est qu’au fur et à mesure de leur remise sur le marché (parce que tous les ans une partie est remise sur le marché), ces résidences [secondaires] seraient achetées uniquement par des gens qui habitent depuis au moins un an dans les environs. Par conséquent, la plupart des acheteurs seront très probablement des résidents principaux, en tout cas des futurs résidents principaux, ce qui fait que logiquement chaque année, le taux de résidences secondaires baisserait. En tout cas c’est l’objectif. »

Comme pour la Corse, la difficulté de mettre en œuvre une telle mesure relève du statut de nos régions et du besoin d’une évolution législative. « L’autonomie des collectivités étant très faible en France, seul le Parlement pourrait permettre ça. Il faudrait passer par le droit à l’expérimentation dans un premier temps. Cela permet de déroger à l’état actuel du droit sur des portions du territoire pour une période donnée, le temps de faire un test. Cela me paraît indispensable parce que le statut de résident n’a jamais été mis en place en France (…) L’idéal pour moi, ce serait qu’il y ait une loi-cadre souple qui permette à tous les territoires qui en éprouvent le besoin de mettre en place un statut de ce type, en les laissant jouer sur les variables comme le nombre d’années d’installation, par exemple. »

Des Îles Öland dans la mer Baltique, en Finlande, à la province de Bolzano dans le nord de l’Italie, jusqu’aux îles Anglo-normandes, Nil Caouissin rappelle que le statut de résident est largement répandu : « Cela prouve deux choses. La première, c’est que l’économie de ces pays ne s’est pas effondrée depuis qu’ils ont un statut de résident. La deuxième, c’est que ce n’est a priori pas contraire au droit européen, puisque ni l’Italie ni la Finlande n’ont été exclues de l’Union européenne. La Grande-Bretagne en est sortie mais pas du tout pour ça. En plus, la version que je propose est plus modérée que ce qui se fait déjà. Dans les îles Öland par exemple, c’est 5 ans de résidence et cela concerne même le droit de vote en plus de l’achat, ce qui n’est pas ce que je demande pour la Bretagne. Si cela existe dans l’Union européenne, le statut de résident tel que je le propose pourrait trouver sa place aussi. »

 

Dans son manifeste, Nil Caouissin se défend de tout sectarisme : « Il ne s’agit pas d’exclure une partie de la population, puisque n’importe qui pourrait venir s’installer en Bretagne, cela reste tout à fait permis, cela n’interdit pas les installations. Que vous soyez né à Dakar, à Paris ou à Carhaix, vous pourriez quand même venir acheter une maison ou un appartement en Bretagne si vous le souhaitez, à partir du moment où vous aurez résidé un an. En fait, la seule différence que cela fait, c’est entre les gens qui veulent vivre en Bretagne et ceux qui veulent juste y posséder quelque chose. Ce n’est pas une discrimination. D’ailleurs, la Ligue des droits de l’Homme corse avait produit un argumentaire là-dessus en 2013, expliquant que le statut de résident, à partir du moment où on ne mettait pas de critères ethniques, d’origine, etc. était un outil d’égalité et pas un outil de repli. J’ajoute aussi que c’est un outil d’accueil et pas un outil de fermeture. »

Reste à savoir si un tel statut répondrait bien à la forte demande de logements en Bretagne comme en Corse ? « La Bretagne est une région qui est en forte croissance démographique », rappelle Nil Caouissin. « Comme il faut arrêter de consommer de la terre agricole et que de plus en plus de gens s’installent, les prix de l’immobilier s’envolent. Si jamais ce statut est mis en place et qu’on arrive à utiliser les logements qui sont aujourd’hui gelés pour les villégiatures, cela permettra de mieux accueillir. »

 

« Cela aura un effet indirect sur la location » dit encore le responsable de l’UDB, « à partir du moment où une partie de la population qui aujourd’hui ne peut pas acheter le pourrait, cela libérerait des places dans le parc locatif. Il y aurait une sorte de jeu de chaises musicales où les résidences secondaires, petit à petit revendues et remises sur le marché, seraient plutôt achetées par des résidents principaux qui libéreraient des places dans le parc locatif et ainsi, indirectement feraient baisser les prix à la location. »

C’est l’un des effets induits espérés de la mesure. Mais pas le seul. Pour Nil Caouissin, il faut freiner les constructions immobilières, « notamment sur le littoral, puisque dans les communes avec beaucoup de résidences secondaires, pour attirer des jeunes les élus ne peuvent pas faire autrement que de construire. Mais pour moi, il faut arrêter ça. Les terres agricoles et les espaces naturels sont des biens précieux. À l’inverse, la construction consomme du sable, du béton… Je ne vais pas vous faire tout le topo sur le réchauffement climatique et sur les tensions qu’on va connaître sur l’énergie, l’alimentation, l’eau… mais oui, je suis convaincu qu’il faut arrêter l’artificialisation des sols, en tout cas freiner très fortement et dans pas trop longtemps, arrêter. Et ce n’est compatible avec l’accueil de la population que si l’on arrive à mieux utiliser le stock de logements existants, que ce soit les résidences secondaires ou les logements vacants. En gros, si on veut concilier écologie et social, il faut trouver un moyen – et le statut de résident en est un – de convertir les résidences secondaires en résidences principales. »

 

Comment le mettre en oeuvre ? Nil Caouissin interpelle les candidats à l’élection régionale, espérant « qu’à l’issue de ces élections il y ait une convention citoyenne en Bretagne sur le sujet du logement, dans laquelle le statut de résident serait proposé » puis porté « au niveau de l’État pour demander ce droit à l’expérimentation. »

Il entend également travailler au niveau européen « avec deux axes principaux : se renseigner sur les territoires et les États qui ont déjà mis en place des régulations fortes, notamment les statuts de résidents mais pourquoi pas d’autres types de régulations aussi, et sur la situation des différents territoires où le problème se pose. »

« Plus on sera nombreux dans les différents territoires de l’Hexagone concernés par ce problème à le réclamer, plus on aura de chances de réunir une majorité. Je sais déjà qu’il va y avoir une coopération corso-bretonne là-dessus. Je sais que du côté de la Savoie, il y a eu quelques velléités aussi. Ma foi, si dans d’autres secteurs il y a cette envie, il faut qu’on se coordonne. »

Voilà qui pourrait devenir un thème fort des prochaines législatives pour la Fédération Régions & Peuples Solidaires ! •