Ghjustizia è verità per Yvan Colonna

La mobilisation ne faiblit pas

Arritti poursuit son retour sur les événements de la semaine. Plus d’un mois après l’agression meurtrière d’Yvan Colonna dans la prison d’Arles, la mobilisation ne faiblit pas face à un gouvernement toujours de marbre qui prétexte la colère corse pour reporter les discussions promises par Gérald Darmanin.

 

29 mars. On apprend au matin que 36 bungalows d’un camping à Aleria ont été détruits dans un incendie criminel. Pas de revendication. De même, une explosion détruit une villa appartenant à un continental décédé.

À Bastia, jusqu’à tard dans la nuit du 28 au 29, les guérillas urbaines se sont poursuivies. Les CRS ripostant par des jets d’eau et des tirs de grenades lacrymogènes…

Femu a Corsica réunie à Corti rend hommage à Yvan Colonna et appelle « tous les nationalistes mais aussi toutes les forces vives de la société corse » à faire en sorte que « ce processus de négociation historique réussisse ». « Une porte est entrouverte. On sait très bien que le jacobinisme parisien n’a pas disparu. Pour se donner toutes les chances de réussir, il nous faut agréger, élargir à toute la société corse ».

Les rassemblements se poursuivent devant préfectures et sous-préfectures.

 

30 mars. Le collectif d’organisations et de syndicats étudiants se réuni à Corti et appelle « l’ensemble du peuple corse » à une nouvelle manifestation sur ses trois revendications : « ghjustizia è verità per Yvan, libertà pè i patriotti è ricunniscenza di u pòpulu corsu ». « Nous continuerons les manifestations jusqu’à ce que l’État engage un vrai dialogue avec nos élus » martèle la Ghjuventù Indipendentista.

Pendant ce temps, Marc Ollier, directeur de la prison d’Arles, décrit l’agression devant la Commission des lois : « l’attitude d’Elong Abé est dégueulasse ». Il avoue le système vidéo désuet : « soyons clairs. La pénitentiaire ne peut pas sortir des budgets de sous les fagots ». Il explique que l’informatique était en maintenance à ce moment-là, que les écrans sont petits, qu’il y a des erreurs d’alarme, que vu le nombre de caméras et « des images qui défilent en permanence, impossible de détecter quoi que ce soit » (sic). Il ne croit pas à la thèse du blasphème dit-il encore, et dans un sanglot : « il voulait se payer quelqu’un de connu. Excusez-moi, je suis ému, je ne connaissais pas Yvan Colonna, mais c’est un être humain, quoi ! » Que dire ?… Jean Félix Acquaviva ne se contente pas de ces explications, il interroge : « nous sommes là pour traiter de la possibilité d’une préméditation, mais aussi qu’un tiers ait pu commanditer cet assassinat, nous sommes dans notre rôle pour savoir si ces dysfonctionnements – qui est un mot qui, pour moi, est très faible – vont jusqu’au laisser aller volontaire ou pas, voire la connivence ? Et pourquoi ? Ce sont des questions, vu les ombres béantes, qui se posent »*

 

31 mars. Gilles Simeoni s’exprime dans une double page sur Corse-Matin : « Au regard des événements que vit la Corse depuis le 2 mars, il est compréhensible et légitime que les mobilisations se poursuivent. Mais cette aspiration doit s’intégrer dans une stratégie collective et se faire selon des modalités qui permettent au plus grand nombre d’insulaires, nationalistes ou pas, de continuer à se sentir solidaires ainsi qu’ils l’ont été jusqu’à présent et de continuer à être partie prenante des initiatives à venir. Il y a indéniablement un équilibre à trouver, une adaptation à penser et à mettre en œuvre ».

L’Assemblée de Corse débat durant 4 heures à la recherche d’un consensus sur la méthode du processus à engager avec Paris. « Nous n’avons pas le droit d’échouer. Nous n’avons même pas le choix. Nous devons réussir » dit la présidente de l’Assemblée Nanette Maupertuis. Bémol de la droite : « la démocratie corse m’inquiète » dénonce Laurent Marcangeli. « Les notions de peuple corse, de langue corse, de statut de résident seront sur la table » affirme Jean Félix Acquaviva.

« La reconnaissance du peuple corse est l’objet central de tout notre engagement » déclare avec solennité le président du Conseil exécutif : « S’ouvrira à compter de la semaine prochaine un processus à vocation historique, qui doit nous permette de clore un cycle de 50 ans pour la période contemporaine, marqué par des drames, des morts, des milliers d’années de prison, des centaines de femmes et d’hommes qui se sont engagés par tous les moyens, y compris illégaux, et des deux côtés… Si Paris continue de ne pas respecter les urnes, les Corses retourneront immanquablement dans la rue… Le conflit doit cesser, et les conditions sont aujourd’hui réunies pour que ce soit le cas… Ce qui s’est passé depuis le 2 mars trouve son origine dans le manquement aux règles fondamentales de la démocratie, un manquement dont l’État porte la responsabilité exclusive…  Yvan Colonna n’a jamais cessé de clamer son innocence, il souhaitait continuer le combat pour la faire reconnaître. Il a été assassiné dans des conditions aussi atroces qu’incompréhensibles, et constitutives, qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, d’un scandale d’État. Si le droit au rapprochement avait été appliqué à Yvan Colonna, il ne serait pas mort assassiné. Cela pose des questions lourdes sur lesquelles les différents responsables auront à donner toutes les explications ».

Au même moment, l’extrait d’une vidéo d’Yvan Colonna est divulguée sur BFMTV. Il y est interrogé par un détenu basque qui l’a filmé. Il exprime ses inquiétudes face à la colonisation de peuplement et à la « dilution » du peuple corse : « petit à petit on disparaît ». Il déplore les fermetures de l’État : « Chez nous, on est 68 % à être au minimum pour l’autonomie et on ne discute pas ! », et il exprime ses espoirs : « La Corse va se réveiller. Moi j’ai confiance » dit-il en disant sa foi et son aspiration à l’indépendance.

 

1er avril. Toujours des rassemblements de groupes de lycéens et collégiens devant la préfecture de Haute-Corse à Bastia.

La commune d’Aiacciu qui craint les débordements de la manifestation de dimanche, prend un arrêté pour interdire le stationnement et la circulation sur son itinéraire.

Alain Ferrandi et Pierre Alessandri signent leur ordre de transfert vers la prison de Borgu. La date de leur rapprochement n’est pas encore communiquée. L’annonce tombe le matin de la manifestation.

Le Collectif Parlemu Corsu tient conférence de presse devant la préfecture d’Aiacciu. Il dénonce : « Micca suluzioni pulìtica senza lingua corsa, senza cuufficialità… S’è u riassuntu di u prublema corsu hè solu l’ecunumia, allora caccemi a lingua, ùn ne parlemu più ? Nant’à ‘ssa tarra, hè un arasìa di vulè sfassà a nostra lingua ! »

 

2 avril. « Ancu sè i tempi sò contr’à noi, falemu tutti in carrughju dumane pa una ultima stonda è un ultimu abbracciu à Yvan… Evviva a Corsica nazione, evviva u pòpulu corsu » tweete Stéphane, frère d’Yvan Colonna.

 

3 avril. Troisième manifestation en moins d’un mois derrière la banderole « Statu francese assassinu ». Plus de 10.000 personnes défilent à Aiacciu sans qu’aucun signal rassurant côté gouvernement ne soit intervenu malgré les multiples appels du Conseil exécutif de Corse. Des affrontements éclatent à la fin de la manifestation, on déplore une quinzaine de blessés dont deux graves, une jeune femme a le mollet déchiqueté.

Le collectif d’avocats Sustegnu Ghjuventù « s’insurge contre le comportement actuel des fonctionnaires de police et de gendarmerie qui excède très largement le cadre du maintien de l’ordre ». LBD, grenades lacrymogènes, grenades de désencerclement, interpellations violentes de personnes étrangères à la manifestation… les pompiers se plaignent d’être régulièrement gazés. Un temps ils sont empêchés d’intervenir sur une fuite de gaz déclenchée par un tir de grenade. Outre « les atteintes physiques et morales » ces comportements engendrent « de nouvelles réponses dans la rue et alimentent un cycle mettant en danger la santé et la vie des habitants ».

 

4 avril. Au lendemain des violences, Emmanuel Macron s’offusque et annonce le report de la première réunion sur le processus qui devait se tenir Place Bauveau le 8 avril prochain. Ce qui confirme son inflexibilité dans le dossier corse. Gérald Darmanin avait-il une vraie mission d’apaisement ou bien seulement le rôle de jouer la montre dans la perspective de l’élection présidentielle ? « L’autonomie n’est pas un objectif en soi » éclaire le Président de la République. Une seule chose est sûre : Yvan Colonna repose depuis deux semaines sous le ciel de Carghjese et aucune réponse à la hauteur de ce scandale d’État n’a été apportée.

Pendant ce temps, condamnations de tags injurieux à l’encontre du maire d’Aiacciu. Le fossé se creuse y compris au sein de la société corse…

Nouveaux rassemblements devant les commissariats d’Aiacciu et Bastia avec un mot d’ordre supplémentaire : « Libertà » suite aux arrestations intervenues la veille au moyen d’un fourgon banalisé…

Christine Colonna tweete : « Stragégie(s) du chaos, réflexes mortifères et pièges grossiers… un chemin différent est possible pourtant… » Una chjama à di più sulidarità è sumerinu… da ùn cascà ind’è tràppule di u Statu. •

F.G.