Divagazione animale

Vulemu cambià avà ?

Maryline Taddei, gravement blessée aux deux membres inférieurs suite à une charge de bovins, a créé l’association Cambià Avà le 4 juin dernier pour faire entendre la voix des victimes de ce fléau de la divagation animale. Depuis, nombre d’initiatives ont été prises.

 

Rencontre avec le maire de Bastia, en juin, puis les maires de Petrusella et Coti Chjàvari en juillet, participation et prises de parole à la réunion publique d’Olmi Cappella le 24 juillet, à l’appel du maire, Frédéric Mariani, victime d’intimidations pour avoir voulu parquer des bovins en divagation sur sa commune, réunion avec le préfet de Haute-Corse, François Ravier, rencontre avec les maires d’Olmi Cappella et de Pioghjula, et même avec le maire de Chateauneuf-les-Martigues, car le phénomène pèse aussi dans certaines régions agricoles sur le continent.

Aujourd’hui, Cambià Avà entame un nouveau cycle de réunions dont la première s’est tenue ce 5 septembre à Linguizetta, appelant les élus, notamment les maires, chargés selon la loi de régler les problèmes de divagation animale sur leur commune, mais aussi les élus de la Collectivité de Corse, sans qui il n’est pas possible de trouver une solution car les maires manquent de moyens pour agir, les représentants de l’État, et les agriculteurs, à se parler pour mettre en place ensemble des solutions pérennes à ce fléau qui cause énormément d’accidents, parfois très graves, et qui en causera de plus en plus si le statu quo perdure.

Le débat était suivi d’un « apéritif blanc » en solidarité aux victimes de toutes ces années, « la couleur blanche étant aussi le symbole de la paix, de la pureté et de la sagesse ».

Une dizaine de maires, élus municipaux ou agriculteurs ont répondu à l’appel, « mais personne de la Collectivité » a déploré Maryline Taddei ; même si l’Odarc a annoncé prendre des initiatives prochainement.

 


« Cambià Avà a pour objectif la défense des victimes d’animaux de rente en divagation
dans tous les lieux urbanisés et sur les routes »
a expliqué Maryline qui a fait part de sa triste expérience. Une charge de bovins le 7 novembre 2020 lui a valu 8 mois d’hospitalisation, de multiples opérations, qui ne sont malheureusement pas terminées puisqu’elle sera de nouveau hospitalisée pour subir une autre opération réparatrice en janvier prochain. Et elle n’est pas la seule. 10 personnes ont été victimes d’accidents avec des bovins depuis la création de l’association Cambià Avà, et d’innombrables autres sont recensées depuis des années, blessées, parfois très gravement, perdant l’usage d’un membre, et parfois hélas décédées. Sans parler des accidents avec des touristes imprudents. Mais les blessures physiques ne sont pas les seules. De tels accidents entraînent aussi toutes sortes de conséquences graves dans la vie des victimes, handicap, perte d’emploi, séquelles psychologiques, vie familiale bouleversée, parfois divorce ou séparation, dégâts matériels (lors d’accidents de voiture). « Grâce à mes amis j’ai transcendé cet horrible accident en quelque chose de positif en créant cette association, en essayant de rassembler les victimes, afin d’agir auprès des pouvoirs publics pour qu’enfin on trouve des solutions à ce fléau » confie Maryline qui dénonce aussi la maltraitance animale, « pè a difesa di e troppe numerose vittime di l’animali sbandunati in ogni lochi di Corsica. Sè noi ci’arrizzemu oghjè in un associu, ùn hè micca per entre in guerra ! Ma à u cuntrariu, cerchemu i mezi è e manere per truvà e sfarenti suluzioni cun tutti. Sta dimarchja ci purterà à truvà un pianu di salvezza di sta calamità. Per quessu oghjè emu fattu sta chjama à l’eletti di a corsica sana. »

D’autres initiatives similaires seront prises, un peu partout en Corse, tant ce phénomène sévit du nord au sud de l’île, dans l’intérieur, mais aussi de plus en plus dans les villes, car les bêtes en manque de soin, parfois rendues à l’état sauvage, s’approchent des lieux urbanisés pour se nourrir.

 

Ce fléau est le résultat d’une politique agricole de rente, souvent pour maintenir la vie dans l’intérieur, auprès de personnes qu’on improvise agriculteurs. C’est le système « pousse au crime » des primes à la vache qui ne favorise pas la production mais la détention de bovins. Au point d’ailleurs que même des fonctionnaires ou des professions libérales déclarent des animaux qu’ils laissent divaguer dans le maquis… ces personnes font beaucoup de mal au monde agricole. Mais le fléau est aussi la résultante d’une désertification de l’intérieur, avec de vrais éleveurs qui ont vieilli, ne peuvent plus s’occuper de leurs bêtes, parfois décèdent, sans que le bétail soit repris par un autre éleveur, ou que la famille, éloignée, ne puisse s’en charger. Ainsi, au fil des années, des bêtes livrées à elles-mêmes se sont répandues dans le maquis, s’y sont reproduits, et on compterait, selon les autorités, quelque 20.000 animaux abandonnés, principalement des bovins.

Inévitablement, ils s’approchent des lieux habités et c’est parfois le drame.

 

Comment régler le problème ? C’est toute la complexité car même à supposer que l’on mobilise des moyens pour regrouper ces animaux, il n’est pas pensable de les abattre. Ils ne sont pour rien dans nos politiques défaillantes et le lascia corre qui a perduré durant trop d’années. Seul un véritable plan de remise sur le circuit de l’élevage de ces animaux est susceptible de peu à peu résorber les troupeaux sauvages. Ce qui suppose une campagne de capture pour les parquer, les traiter par des services vétérinaires, éliminer les animaux malades, donner à des éleveurs ou à des associations humanitaires les animaux sains. Ce qui suppose aussi d’adapter les règles car lorsque l’on n’a pas de suivi vétérinaire d’animaux, leur consommation est interdite. Il faut donc des budgets, des réponses juridiques et administratives, bref un véritable plan de résorption de ces animaux en divagation. Mettre tous ces moyens en route c’est une question de volonté politique.

C’est à tout cela que réfléchit ou appelle à réfléchir Cambià Avà. Saluons son implication et le courage des victimes qui ont déjà tant à faire pour essayer de retrouver une vie normale. Leur engagement citoyen est remarquable car il vise avant tout l’intérêt général, et à éviter de prochaines victimes.

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Fabiana Giovannini.