Cullettivu A Maffia Nò A vita Iè

Una chjama à tutta a sucietà

Ce vendredi 1er octobre 2021, devant l’Assemblée de Corse à Aiacciu, le Collectif A Maffia Nò A Vita Iè a lancé un triple appel : au « pouvoir régalien », aux élus insulaires, aux citoyens. Deux ans après sa fondation par des citoyens issus de divers horizons, le Collectif ne cesse d’interpeller la société toute entière sur le danger de la maffia et des dérives qu’elle entraîne. Voici le texte.

 

« Le 25 septembre 2019 était publié le texte fondateur de notre Cullettivu.

Nous indiquions agir dans trois directions : l’État, la classe politique insulaire et les citoyens afin de contribuer à stopper la dérive mafieuse.

Deux ans plus tard, malgré une sensibilisation sans précédent, force est de constater que la Corse est toujours sous pression, la liste des assassinats et attentats mafieux ne cesse de s’allonger.

Confrontés à cette sinistre réalité, nous avons donc décidé de formuler ce triple appel.

 

Au pouvoir régalien…

1. Nous exhortons les responsables des pouvoirs régaliens à mener une action réelle contre la voyoucratie en s’attaquant aux porosités politique et économique.

Même si quelques enquêtes ont permis de mettre en relief l’étendue de la toile mafieuse, l’impunité est toujours de mise : la liste des assassinats restés sans réponse judiciaire est toujours aussi désespérément longue. Quant aux nombreux attentats commis contre des entreprises, particulièrement dans le secteur des déchets et des travaux publics, aucune enquête n’est venue éclairer leur origine. Pas une d’entre elles n’a permis de démasquer un coupable ! On en arriverait presque à s’interroger sur l’existence même de ces investigations.

L’absence de contrôle réel dans le domaine de l’urbanisme, dans les appels d’offre, les très faibles répercussions des rapports de la Chambre Régionale des Comptes, le silence voire la complicité de hauts fonctionnaires, dont le séjour dans l’île s’est prolongé un peu trop longtemps, sont tout aussi insupportables.

Dans toutes leurs interviews les Préfets usent complaisamment de la langue de bois et des euphémismes, voilant ainsi la réalité d’une mafia. Cette pudibonderie de façade leur permet de justifier leurs demi-mesures.

On constate la même retenue dans la communication de hauts magistrats, en particulier chez les deux procureurs de Bastia et Aiacciu, nouvellement nommés. Il serait souhaitable que, sans plus tarder, ils lisent l’ouvrage collectif : « Juges en Corse », qui réunit les témoignages de certains de leurs prédécesseurs, et qui décrit si bien la rélité : peut-être enfin, seraient-ils plus enclins à mobiliser plus fortement leurs services.

Il est par exemple, scandaleux que des rapports de police établis à la demande de magistrats sur de grandes bandes mafieuses n’aient jamais été suivi d’effets, alors que les complicités d’élus ou de fonctionnaires y sont soulignée.

Nous n’ignorons pas que certains magistrats ont fait ou font encore tout leur possible pour faire avancer des dossiers mais le résultat d’ensemble est accablant.

 

Aux élus…

2. Nous nous adressons solennellement à̀ la Présidente de l’Assemblée et au Président de l’Exécutif pour qu’enfin, se tienne la session sur la mafia si souvent annoncée et jamais programmée.

Au sortir d’une campagne électorale, où pour la première fois, grâce à l’action des collectifs anti mafia, cette question fondamentale a été enfin abordée, il convient de changer de cap et d’en finir avec la politique de l’autruche…

Nul n’est dupe. Là aussi le déni des uns, ou la rumeur colportée par les autres, font des ravages. Le contexte n’a jamais été aussi malsain et nous sommes très préoccupés par la nature et le développement de rapports de force qui risquent de pourrir, et pour longtemps, le monde politique insulaire.

Nous appelons à la transparence totale pour briser toute tentation de complicité vis à vis de mafieux, qui imposent leurs propres règles du jeu et se plaisent à souffler sur les braises.

Par ailleurs, nous exhortons au refus d’un retour vers le futur qui, de façon irresponsable, donnerait l’illusion que la violence politique pourrait constituer un remède à la violence mafieuse. Comme si notre société avait décidé de se mithridatiser. Dans cette matière-là, les enseignements de l’histoire sont sans appel : c’est bien le contraire qui risque de nous arriver !

Cette session devrait donc constituer une priorité, car toutes les actions, tous les projets dépendront de la capacité de la société corse à identifier les pratiques mafieuses et à les rejeter.

Nous sommes disponibles pour qu’elle soit irriguée par les éléments d’analyse que nous avons pu recueillir et nous saurons produire aussi des propositions concrètes.

 

Aux citoyens…

3. Au niveau de la société civile, nous souhaitons convaincre le plus grand nombre d’acteurs possible, en particulier les jeunes, de participer à la construction d’une Corse soulagée du joug mafieux.

Nous allons multiplier les rencontres, les réunions et les interventions pour porter notre démarche auprès de tous.

Nous enrichirons nos relations avec les syndicats et les associations citoyennes pour renforcer les synergies. Car il ne peut y avoir de réels progrès sociaux, environnementaux ou économiques avec un système de pression sciemment entretenu, pour assouvir les convoitises de certains prédateurs.

 

(Mais, on a déjà pu constater que la sensibilisation contre la réalité mafieuse a, en peu de temps produit quelques effets. Car, ici comme ailleurs, seul l’investissement citoyen est porteur d’espérance. Qu’il s’agisse de spéculation immobilière, d’enjeu climatique, de politique des déchets, le travail remarquable d’associations opiniâtres a permis de limiter la casse et de révéler les véritables enjeux.

Il faut que toute la société civile se mobilise C’est le sens même de notre combat de lanceurs d’alertes, c’est l’objectif de la démarche que nous avons initiée il y 2 ans et qui a déjà reçu le soutien officiel de plus de 5000 citoyens insulaires. Nous intensifierions notre action au service de l’intérêt collectif du peuple corse. » •

Aiacciu, 1u d’ottobre 2021.