par Max Simeoni
On attend des nouvelles du processus Beauvau… On espérait du président Macron qu’il en parle le 14 juillet. Il s’est tu. Il a parlé ce 24 juillet depuis la Nouvelle Calédonie pour faire le point des 100 jours et des projets du gouvernement. Rien sur la Corse. Rien sur la réforme de la Constitution qui avait été pressentie*. Inquiétant…
L’Assemblée de Corse a délibéré à une forte majorité de 46 voix en faveur de l’autonomie le 5 juillet 2023. Elle a fait ce qui lui était demandé par le gouvernement. Elle a dit ce qu’elle voulait. Les propositions (« les plus unanimes possibles » avait demandé Gérald Darmanin) sont sur la table. 73 % des élus corses ont voté en leur faveur ! Mais le Président se tait et le ministre de l’Intérieur aussi. Il n’est plus revenu dans l’île. Et personne n’a joint le président du Conseil exécutif. « Aucun signe, aucun contact », dit-on, depuis le vote du 5 juillet.
En attendant d’en savoir plus, je continue, amis lecteurs, à rappeler les textes qui ont fait l’histoire de l’autonomisme corse. Parmi les extraits que je souhaite rappeler ici, voici donc le préambule de Autunumìa, publié par l’ARC en 1974. Il situe les enjeux de manière synthétique, pour introduire le livre qui traite des propositions pour une autonomie interne pour le peuple corse. Je le rappelle parce que pour la Corse, parler aujourd’hui de changement de la Constitution et d’une autonomie de plein droit et de plein exercice, ce n’est pas un jeu. C’est vital. C’est poursuivre le cours de l’Histoire de son peuple. Et il ne faudrait pas que l’État s’amuse à la relativiser.
« Le peuple corse n’est pas une communauté conjoncturelle ou artificiellement réunie sous la pression des nécessités économiques ou des événements militaires. Il est une réalité historique, charnelle. Il possède sa langue véhiculaire, son atavisme, son instinct, son comportement spécifiques. Il est enraciné depuis des millénaires dans la terre rude et belle de l’île de Corse. Leur union est indissoluble.
À travers l’Histoire de cette île, passe, comme un fil conducteur reliant les siècles et les évènements, la volonté granitique de son peuple de ne jamais se soumettre ou se démettre. Avant la conquête française, vingt envahisseurs et plus ont abordé ses rivages, apportés par le flux des cupidités militaires ou commerciales. L’attachement du vieux peuple à la « Sainte Liberté » et au respect de son identité profonde a créé, chaque fois, le reflux des prédateurs, sans exception.
Quelques-uns sont restés plus longtemps que d’autres parce que les Corses divisés ou inorganisés devant la force, parfois trompés par l’adresse des politiciens étrangers, souvent trahis par leurs propres notables, n’ont pu traduire comme ils le ressentaient leur sentiment historique de résistance. Mais un jour est toujours venu où leur courage a dominé la puissance, leur lucidité a fait tomber les masques et leur union confondu les traitres.
Les divers occupants sont toujours repartis. Pourtant, à la fin de chaque aventure, beaucoup de ceux qui étaient arrivés, les armes à la main, dans les navires de l’invasion, sont restés en Corse, séduits par la magie d’une nature exceptionnelle, plus sûrement par les qualités d’un peuple qu’ils étaient venus soumettre et qui les a finalement conquis, intégrés, assimilés.
L’Histoire continue. Pas plus qu’un fleuve elle ne peut remonter son propre courant. En cette seconde moitié du XXe siècle, une fois de plus, « le peuple corse est gravement menacé dans sa force vitale, et sur le point de succomber sous le choc d’un combat où d’autres moyens, plus redoutables encore, ont remplacé le cliquetis des armes… »
Le point culminant de la crise est atteint. Après les hésitations coutumières, les divisions, les faiblesses, les aveuglements, la Corse pourtant semble se ressaisir et déjà l’on croit entendre, descendant des montagnes vers la mer, le murmure du vent qui doit engendrer le reflux.
L’ambition des pages qui suivent, inspirées, préparées et mises en forme par l’effort collectif des militants de l’ARC, est de démontrer au plus grand nombre possible de Corses, par une analyse lucide de la situation et une définition claire des moyens de survie, qu’ils doivent prendre maintenant leur place dans le combat hors duquel il n’y a pas d’espoir.
Le passé de la Corse française a lentement et impitoyablement préparé l’agression du présent, à la fois générale et multiforme, que trop de Corses ne distinguent pas derrière une expansion tapageuse dont ils pensent bénéficier alors qu’elle est organisée contre eux. À son tour, l’agression d’aujourd’hui prélude minutieusement à l’exécution du grand dessein colonialiste de demain, inscrit dans les plans et schémas officiels de l’État français : l’élimination totale du peuple corse. Mais rien n’est sans doute perdu parce que les Corses lucides, de plus en plus nombreux et déterminés, surtout parmi les jeunes, ont compris le danger et trouvé la parade.
L’autonomie interne – en permettant la mise en œuvre d’un programme de véritable expansion démocratique, l’ouverture de voies de développement conformes au destin économique et culturel de l’île, le dégagement de moyens financiers issus du produit, actuellement aliéné, de ses propres ressources – représente la dernière chance du peuple corse – mais une chance réelle – de poursuivre le cours de son Histoire ». •
* Au moment de mettre sous presse Arritti, Emmanuel Macron a confirmé une réforme constitutionnelle propre à la Nouvelle-Calédonie « sur la base d’un consensus » a-t-il dit. Mais toujours rien sur la Corse.