Aménagement commercial

L’Assemblée de Corse veut mettre un coup d’arrêt aux grandes surfaces

La course effrénée entre grandes enseignes pour l’installation de surfaces commerciales contre tout respect des orientations stratégiques prises par l’Assemblée de Corse, notamment le Padduc, entraîne un désastre au niveau économique et commercial, mais aussi social, environnemental, voire sociétal. La majorité nationaliste s’empare du problème et son rapport pour réguler l’aménagement commercial a été adopté ce 31 mai 2018 à une large majorité.

 

L’initiative prise par l’Exécutif, et portée par Jean Biancucci, président de l’Agence d’Aménagement durable, d’Urbanisme et d’Energie, fait suite notamment à la réunion de protestation contre l’installation d’une nouvelle surface commerciale à Lucciana. Mais la démarche se veut davantage structurelle pour peser durablement sur cette problématique qui a vu l’équivalent de 30 stades de football en surface commerciale installée en Corse ces dernières années. Malgré le Padduc, malgré les règles d’urbanisme, faisant fi des protections d’espaces agricoles ou sensibles, ou encore des documents d’urbanisme locaux, ces installations s’imposent inexorablement, et ça n’est plus tolérable. «Les statistiques les plus récentes ont permis de constater que 82% [90% en Corse!] des demandes formulées devant les Commissions départementales d’aménagement commercial ont fait l’objet d’une autorisation ou d’un avis favorable» a rappelé le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, « les parlementaires dans un rapport soulignent la responsabilité du législateur, celle des élus locaux qui sont souvent sous la proximité des porteurs de projets, celle du rôle du juge administratif, qui semble au regard de sa jurisprudence avoir institué un postulat selon lequel l’autorisation des projets est le principe, et le refus une exception tout à fait marginale… on en arrive à une situation totalement intenable».

 

Les conséquences sont désastreuses pour l’organisation de nos sociétés : étalement urbain, anarchie voire écrasement des projets d’aménagement, asphyxie des axes routiers, fermeture des petits commerces et mort économique des centres villes, consommation illégale des espaces sensibles, notamment des espaces agricoles, désordre foncier, incohérence entre les documents d’urbanisme et de planification, au point de les rendre inutiles ou désuets, appauvrissement social, étouffement de la puissance publique au profit de l’intérêt privé, orientations stratégiques de notre Collectivité, mais aussi des collectivités locales, confisquées par cette puissance privée, concurrence tendue, enfin, et même très tendue entraînant des dérives de toutes sortes, pouvant dégénérer en affrontements, c’est dire si c’est grave, avec encore des déséquilibres lourds, notamment sur la régulation du marché foncier.

Les solutions sont pourtant bien identifiées : régulation, requalification urbaine, urbanisme intelligent, équilibre entre ville et campagne, entre quartiers, entre population, politique incitative en faveur de l’emploi bien sûr mais dans un équilibre cohérent, programme coeur de ville par exemple, intégration paysagère, etc., bref de l’aménagement durable! Tel que prôné dans le Padduc, qui est bien plus qu’une directive territoriale d’aménagement, un véritable projet de société, que les Corses ne se sont malheureusement pas encore appropriés malgré son opposabilité. Aussi, le président de l’AUE a fait la proposition d’un document-cadre pour l’aménagement commercial afin de:

– formaliser des demandes d’adaptations législatives relatives à l’aménagement commercial, notamment à la fusion des deux commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) en une commission territoriale d’aménagement commercial (CTAC),

– veiller à la prise en compte du Padduc, ainsi qu’à la demande d’application pleine et entière du principe d’urbanisation limité en l’absence de Schémas de Cohérence Territoriaux,

– aider les établissements publics de coopération intercommunale à faire des choix en matière d’implantation et de développement des fonctions commerciales ; de maîtrise du rythme et de l’intensité du développement des surfaces commerciales; d’organisation des logiques d’évolution des différentes polarités commerciales ; d’urbanisme en favorisant un développement commercial maîtrisé à travers des préconisations d’implantation et d’insertion dans le tissu urbain.

 

L’Assemblée de Corse a adopté le rapport à une large majorité des deux groupes nationalistes et d’une abstention «constructive» du groupe de Jean Charles Orsucci. La droite a voté contre : dont acte!

L’Assemblée de Corse « réaffirme solennellement son opposition aux demandes de création de nouvelles grandes surfaces, lorsque celles-ci contreviennent aux principes du Padduc » et confie à l’AUE, en concertation avec les Agences et Offices concernés (particulièrement l’Agence du développement économique et l’Office de développement agricole et rural), la co-construction de ce document-cadre, en y associant également « l’ensemble des acteurs et intercommunalités dans le cadre des démarches de programmation territoriale intégrée prévues par la délibération n°17-019 du 27/01/2017». Bien évidemment, ce document- cadre d’aménagement commercial sera soumis à l’Assemblée de Corse après avis de la Chambre des Territoires et du Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Corse.

 

En attendant, l’Assemblée de Corse interpelle l’Etat et demande « au préfet de refuser les autorisations, notamment de permis de construire lorsque les projets sont clairement en opposition avec les dispositions du Padduc».

 

Fabiana Giovannini.

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