U Fundatore

Une erreur grossière à balayer, c’est la politique qui fait l’économie et non l’inverse

Max Simeoni
Max Simeoni
A pulìtica face l’ecunumìa, dicìa Màssimu Simeoni. È micca u cuntrariu. L’avemu vista torna sta settimana cù a crisa di i trasporti… A salvezza di u pòpulu corsu è a custruzzione di a so ecunumìa si feranu cù u putere di fà a lege. Ci tocca à avvene cuscenza è sprimene a vuluntà. Eccu un artìculu ch’ellu scrivìa u nostru fundatore di sittembre 2018.

 

Une erreur grossière à balayer, c’est la politique qui fait l’économie et non l’inverse

par Max Simeoni

 

On nous rabat les oreilles que ce qui importe c’est l’économie, c’est l’entreprise qui crée les emplois, qu’il faut traiter les problèmes concrets : déchets du consumérisme qui encombrent les trottoirs ou ces « déchets » sociaux (?), ces 60.000 pauvres selon les normes officielles. On oppose ce soit disant réalisme à la demande répétitive de nouvelles institutions, on ironise à ce sujet, « il faudrait commencer par les appliquer et non à peine octroyées en redemander »…

Comme disait De Gaulle, on saute comme des cabris « économie ! économie ! »… Or c’est faux et les sauteurs sont de mauvaise foi ou, le plus souvent, ignorants.

C’est la politique qui fait l’économie. On a l’économie qu’elle permet ou qu’elle veut, avouée ou occulte.

 

L’Histoire de la politique française l’atteste sans restriction depuis plus de deux siècles. De 1818 à 1913, une loi scélérate, la Loi douanière, taxait les marchandises de l’île pour l’entrée en France continentale et celles de France entrant dans l’île en détaxe totale. L’économie corse est asphyxiée après un siècle de ce régime. Un an après, en 1914, la Grande Guerre tue 12.000 Corses de 20 à 45 ans, des procréateurs. Il ne reste pas assez de bras pour les travaux des champs.

La France victorieuse étend son empire colonial. En concurrence d’ailleurs avec son alliée britannique ; à deux elles se partagent l’Afrique et l’Extrême Orient. L’île, réservoir d’hommes pour ses guerres, le devient aussi pour l’encadrement de son Empire. Elle continue de se vider, sa population autochtone vieillit. Quelle économie autre aurait-elle pu avoir ? Les résidents ou les retraités de l’armée qui retournent « pensionnés » au village, maintiennent la maison pour les vacances des leurs, exilés, et poussent enfants et neveux aux études pour l’ascenseur social, et en faire des cadres en exil pour la gloire de « la plus grande France ».

La deuxième Grande Guerre mondiale, en 1940, 20 ans après la première, débouche sur la décolonisation en Indochine (Dien Bien Phu et les accords de Genève), la guerre d’Algérie (« la pacification »), l’effondrement de la IVe République, le Général De Gaulle et les accords d’Evian en 1962, et les premiers balbutiements de la construction européenne.

L’État français, boosté par le plan Marshall américain pour soustraire l’Europe à la pression de Staline, baigne dans l’euphorie des « trente glorieuses ». Il a à traiter le reflux des colons d’Afrique du Nord. Son administration l’anticipe secrètement. La Corse peut servir. Les conditions sont propices. Elle est vide, 160.000 habitants en 1960. La Somivac du PAR (plan d’action régionale) attribue 90 % des lots aux pieds-noirs. Le tourisme fera rentrer des devises. Il devra être massif et rapide pour éviter les tensions sociales. Ce plan d’aménagement de la Corse est présenté comme un Eldorado pour tous les insulaires. Les grandes compagnies financières ont déjà fait main basse sur des kilomètres de rivages (Rotschild sur les Agriates, la Testa Ventilegna, etc). Il était prévu 70.000 techniciens à faire venir pour ce développement touristique. Un emploi fixe, c’est une ou deux personnes. Un début de noyade des indigènes sans une seule école hôtelière dans l’île.

Ce plan dit d’aménagement de la Corse est rebaptisé « plan de déménagement des Corses », surtout après que l’ARC ait divulgué le rapport de l’Hudson Institute commandité par la Datar et qu’elle voulait tenir secret. L’État jacobin français est pris en flagrant délit de préméditation de génocide du peuple corse qu’elle a exploité, affaibli et elle s’apprête à lui donner le coup de grâce par l’économie, le tourisme à son profit (investissements massifs de capitaux), le transfert de population…

Donc la Corse est acquise par les armes des Rois de France qui étudie par le Plan Terrier le profit qu’elle peut en tirer, aussitôt balayés par la Révolution de 1789, elle instaure son jacobinisme comme fondement du peuple français, elle fait table rase du passé et n’y reconnaît comme mythologie légitime que les Gaulois (un seul État, un seul peuple, une seule langue…)

La République devenue Empire colonial est décolonisée par les « indigènes ». La Corse est sa dernière colonie et aussi par sa géographie un impératif de sa sécurité pour elle et tous les États de l’Europe. Il est normal pour tous qu’ils puissent être garantis. Base militaire de Sulinzara, légion étrangère, sécurité certes, et aussi interventions extérieures et pourquoi pas base d’essais atomiques souterrains à l’Argentella pour remplacer celle perdue du Hoggar algérien colonial.

 

De nos jours, les enjeux sont plus apparents, et les risques majeurs.

L’État jacobin de Macron est conduit à se raidir. Le cérémonial qu’il a peaufiné pour l’anniversaire du préfet Erignac en est la démonstration irréfutable qui s’est imposée à lui par l’avènement d’une majorité natio à la CdC. Il lui fallait refermer la trappe et il s’emploie à la sceller si les natios majoritaires ne changent pas de stratégie. La porte est fermée avec un écriteau : « vous ne faites pas la loi, et vous ne la ferrez jamais… » Ce qui veut dire que le sauvetage du peuple corse n’aura pas lieu, que cette cause n’est pas recevable, qu’il n’y aura pas d’autonomie réelle avec des pouvoirs législatifs, des moyens financiers pour la réaliser. Macron à tous les atouts en main. Les natios sont englués par rapport à l’État : ils doivent négocier les compétences et les moyens afférents enfermés dans cet art. 72-5. La moindre de leur proposition réformatrice doit passer par toutes les procédures des députés et des sénateurs.

Oui c’est bien la nomenclature et la technostructure parisienne qui font la loi. C’est plus que jamais l’heure de la régionalisation – déconcentration préfectorale. Foin de l’autonomie et même du Padduc (bilinguisme étatique et non coofficialité, lois ordinaires et pas de statut de résident, fin des arrêtés Miot et lois du marché pour les biens familiaux indivis). La course d’un statut l’un après l’autre était le fait qu’on pouvait les croire comme des petits pas vers l’autonomie. L’État central pouvait se prêter à ce jeu tant qu’on était minoritaires et dans l’opposition en Corse pour se justifier au nom du suffrage universel. Le suffrage universel ne peut pas être reconnu dans l’île s’il pose problème au culte jacobin de la République. Ni vous ne faites la loi, ni vous ne pouvez participer à la faire.

Mais il y a pire que ce blocage jacobin, il y a une perversion des natios eux-mêmes quand ils accordent trop d’intérêt aux jeux électoralistes dans des institutions qui permettent tout au plus de gérer sans rien pouvoir changer de fondamental, de boucher quelques menus trous, de définir des projets sans pouvoir commencer à les exécuter.

Volens nolens, ils participent à la fin de leur peuple par carence politique. Leur priorité est de mobiliser leur peuple et non d’offrir une image de course du coude à coude sur des listes pour des mandats inopérants et des coalitions stériles.

 

Les cabris sautent dans l’étable en criant, les noirs « économie ! économie ! », les blancs « mandats ! mandats ! », les bariolés, « les deux… »

Il n’empêche que le sauvetage et la reconstruction de notre peuple ne pourra se faire qu’avec le pouvoir de faire la loi et de l’exécuter, ce projet historique appelle à la conscience de ce peuple des véritables dangers et à sa volonté lucide de les écarter à commencer par les dés pipés des institutions actuelles. Les natios ne peuvent pas déchoir à ce point.

Vite un mouvement populaire organisé d’émancipation. •