Umagiu

20 anni fà, si n’andava à l’eternu Natale Luciani

Militante pulìticu è culturale, Natale Luciani hà cunsacratu a so vita sana pè a Corsica, u so pòpulu è sopratuttu a so ghjuventù.

 

 

L’engagement militant de Natale Luciani commence à l’ARC à la toute fin des années 1960, pour se concrétiser à Nice où il rencontre d’autres étudiants corses avec lesquels il poursuit son action militante. Porté par la passion et la volonté d’apprendre la polyphonie, ils s’impliquent collectivement dans le militantisme culturel et tout particulièrement pour la réouverture de l’Università di Corti.

Passion pour le chant et engagement militant le poussent en 1973 à rejoindre Canta u Populu Corsu où il se positionne comme un acteur majeur du Riacquistu. À la fin des années 1970, alors trésorier du groupe, il décide avec les autres membres de reverser une partie des recettes en soutien aux prisonniers politiques et à la lutte de libération nationale.

Il acquiert très vite une réputation d’homme intègre et sincère porté par un idéal de justice et un engagement totalement désintéressé.

En 1981 dans un esprit de transmission et de perpétuation des fondements de la culture et des valeurs corses, il fonde la Scola di Cantu, qui a vocation à mettre un pied à l’étrier aux jeunes qui veulent apprendre à chanter, à faire de la polyphonie ou même apprendre à jouer de la guitare. « On est de passage sur terre, on chante maintenant demain on ne va plus chanter, et qui il y ait quelqu’un de sain qui puisse reprendre le flambeau, c’est important. »

 

 

Toujours active aujourd’hui, a Scola di Cantu est animée par une équipe dévouée qui a à cœur de poursuivre le travail initié par Natale Luciani. Elle est aussi vecteur d’un fort lien social puisqu’elle permet à des jeunes de se rencontrer, de tisser des liens, en réalité de s’insérer dans la société, elle a à cœur de se représenter dans les villages et dans les quartiers populaires de la cité ajaccienne.

« Ce sont des jeunes qui veulent chanter, c’est vrai, qui se sentent Corses, qui n’arrivent pas bien à l’exprimer, et à travers cela je pense qu’ils arrivent à former leur personnalité, pour plus tard, c’est important » disait encore son fondateur.

Natale Luciani milite également au sein du FLNC où il renforce son implication dans la lutte armée, comme une réaction épidermique, lorsque l’État français durcit, au milieu des années 1980, sa répression envers les militants nationalistes. C’est dans cette atmosphère d’affrontement qu’il est interpellé en avril 1984 pour détention d’explosifs. Lors de son procès en mai 1985, dans la logique de « dignità è fiertà » qu’il tient de son ami Stefanu Cardi, il prend, selon ses mots « tribunal pour tribune » se revendiquant du FLNC et définissant sa résistance face à l’État comme de « la légitime défense ».

Condamné à sept ans d’emprisonnement, il ne fait finalement que cinq ans et est libéré en 1989 grâce à la loi d’amnistie. Dès sa sortie il s’implique politiquement au sein d’A Cuncolta Naziunalista.

 

Dix ans après sa sortie de prison, il opère une prise de conscience, et fait le constat de l’échec collectif des déchirements de la lutte de libération nationale, conséquence des luttes fratricides et de la primauté des intérêts personnels de certains militants au détriment des intérêts du peuple corse.

« Un militant est un homme libre et responsable devant sa conscience, rien et surtout pas l’intérêt de son mouvement ne doit lui faire accepter l’inacceptable. Tous les totalitarismes, tous les fascismes, toutes les mafias prennent naissance dans le recul de la conscience et du courage. Vous voudriez mystifier la clandestinité, pour que les jeunes s’engagent comme des légionnaires au péril de leur vie, de leur liberté et pour quels intérêts, pour quelles ambitions, pour quelles manipulations, pour quelle Corse ? »

 

Après ce désenchantement, il se montre très critique envers la trajectoire prise par le FLNC et ses cadres et prend progressivement ses distances avec la lutte armée pour se consacrer à Canta U Populu Corsu et à la Scola di Cantu. C’est à cette période que « U populu vincerà » remplace « U fronte vincerà » dans l’une de ses plus célèbres chansons l’Armata di l’ombra lors des concerts du groupe. C’est également à cette époque qu’il écrit la chanson Chjaruscuru.

« D’una lotta naziunale
N’aveti fattu un spavechju
Ch’ellu si sbrumi lu spechju
Di la vostra infideltà »

 

Da veru, Natale Luciani ùn hè micca partutu un 7 di dicembre, in fattu ùn hè mai partutu. Hè sempre quì indè u core è indè l’ànima di quelli chì sò passati un ghjornu à a Scola di cantu, quelli chì un ghjornu l’anu intesu cantà. Da veru, a so voce ribomba sempre indè i curridore di u liceu Fesch, da u carrughju di u Borgu sinu à in Bucugnà, da i paesi di l’internu sinu à a Corsica sana.

Per tè, pè a vita. •

Florian Riolacci.