Oriol Junqueras

« Le plus important : Constituer un gouvernement »

130 jours de détention préventive, pour simplement avoir été un des principaux responsables de la Generalitat de Catalunya qui, en organisant un referendum sur l’indépendance de la Catalogne le 1er octobre 2017, a défié Madrid et son gouvernement post-franquiste. Oriol Junqueras, qui n’a jamais commis ou permis la moindre violence durant ce processus démocratique, est un prisonnier politique d’opinion. Avec Joaquim Forn, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, ce sont quatre otages que Madrid maintient de façon totalement arbitraire en détention.

Depuis sa prison il a donné une interview au quotidien El Punt-Avui pour engager les siens dans un processus de rassemblement et de pragmatisme. Les indépendantistes catalans ont gagné les élections ; ils doivent maintenant constituer un gouvernement.

Arritti publie les principaux extraits de cette interview qui donne un éclairage lucide sur la situation de crise politique actuelle en Catalogne.

Comment ça va ?

Plutôt bien. Avec énergie. J’ai conscience que ma captivité peut durer longtemps.

 

Êtes vous confiant sur une liberté conditionnelle avant le jugement ?

Ce serait très bien ! Mais la vérité est que, jusqu’à aujourd’hui, ils ont rejeté toutes les demandes. Le mieux est de ne pas se mettre en tête des espérances vaines.

 

Vous comprenez que vous-mêmes, Forn, Sanchez et Cuixart soyez en prison et les autres non ?

Je pense qu’ils ont choisi des « têtes de turc » selon le rôle qu’ils nous attribuent. De toutes façons, je suis heureux pour ceux qui ont été libérés. J’espère les retrouver tous un jour prochain, et pouvoir les embrasser.

 

Vous avez confiance en une justice équitable ?

Jugez par vous-même. Je crois que chacun est conscient d’où je suis, et pour quel motif.

 

Comprenez-vous que plusieurs ministres et le président soient partis pour Bruxelles?

Vous-mêmes, si c’était à refaire, vous referiez comme vous l’avez fait?

Je les comprends et je les respecte, sincèrement. Pour ma part, je referais de même.

 

Sans vous-même et les autres détenus en prison, la mise en cause de la justice espagnole depuis Bruxelles ou la Suisse aurait moins de force, non ?

Il est évident que sans prisonniers il n’y aurait pas d’exilés. Si l’État espagnol n’avait pas emprisonné des gens, personne ne serait considéré comme s’exilant pour des raisons politiques.

 

Le Président Puigdemont a dit il y a quelques jours que ça avait été une erreur de ne pas déclarer l’indépendance le 10 octobre, et que la Catalogne y était prête. Vous partagez ?

Nous n’avons pas à revisiter le passé si ce n’est pour construire un futur de paix et de liberté. Nous sommes une République et cela durera tant qu’une majorité démocratique et solide le veut.

Pour ma part, je ne nous vois aucun avenir au sein du Royaume d’Espagne, sincèrement.

 

Depuis combien de temps vous-même et Carles Puigdemont vous ne vous êtes pas parlé ?

Ce n’est pas le temps des reproches. Il nous faut être cohérents et rassembler nos énergies. Il n’y a pas de place aujourd’hui aux griefs et aux reproches.

J’en profite pour adresser un salut fraternel à mes cinq compagnons qui sont à Bruxelles.

 

Vous partagez la stratégie du pas de côté de Puigdemont proposant que Sanchez prenne sa suite ?

Oui. Elle a le soutien d’ERC.

 

Pensez-vous que le juge LLarena permettra l’investiture de Sanchez ?

Il y a des précédents juridiques très clairs pour qu’il en soit ainsi. Maintenant nous savons ce qu’il en est de la justice espagnole. La Cour européenne des Droits de l’Homme l’a sanctionnée à plusieurs reprises.

 

Croyez-vous que, quand Puigdemont a renoncé à son investiture en faveur de Sanchez, votre candidature aurait été naturelle en tant que vice-Président ?

Il me semble qu’il n’est pas utile de soulever cette question. ERC est généreuse, elle l’a toujours été. Comme personne.

Je suis d’accord, car le plus important est de constituer le gouvernement. Ce n’est pas une question de personnes ou de leaders. Faire un gouvernement est la priorité. Les noms sont secondaires.

 Que pensez-vous du Conseil de la République qu’ils veulent créer à Bruxelles ?

Pourra-t-il faire ce qui ne peut être fait en Catalogne ?

Ce que je souhaite c’est que tous travaillent pour la Catalogne, avec efficacité et la volonté de servir.

 

Et en Catalogne, que faire ?

Quelle stratégie ?

Regrouper, regrouper, regrouper et persévérer.

Nous sommes un mouvement démocratique et notre force réside dans le peuple. Nous devons nous doter d’une majorité politique solide, transversale, qui déborde l’alliance conservatrice qui veut bloquer tout changement.

Une grande partie du pays a déjà changé. Et ce qui va suivre sera déterminant.

Le mouvement républicain s’est levé pour rester débout, prendre racine et construire un nouveau pays au service de tous. Je suis conscient des difficultés, mais je suis optimiste. Aujourd’hui nous représentons un mouvement de défense des droits civils et politiques, de défense des libertés, contre l’autoritarisme.

 

Croyez-vous que quand il y aura un gouvernement, l’article 155 sera retiré ?

Et que le retrait du 155 permettra de retrouver une certaine normalité ?

Ou que l’on ne retrouvera jamais cette normalité ?

Le chemin le plus rapide pour retourner à l’autonomisme est de redevenir une minorité bruyante. Les temps qui viennent seront difficiles. Ils demandent de faire des compromis, de ne pas faciliter la tâche de ceux qui voudraient nous voir hors des institutions et de nos bases.

La stratégie du « c’est mieux quand c’est pire » n’est pas vraie. Cela ne l’a jamais été. Quand c’est pire, c’est pire. Et quand c’est meilleur, c’est meilleur.

 

Il semble logique d’écarter les personnes à risques, et de ne pas prendre des décisions qui impliquent des emprisonnés ou des recherchés.

Bien sûr, cela semble logique. Surtout si ça ne mène nulle part. Le sacrifice doit servir pour avancer, pas pour reculer.

 

Pour l’heure, ce n’est pas la stratégie de CUP, qui est un partenaire indispensable pour constituer un gouvernement ?

Que pensez-vous de la CUP?

Qu’ils nous aident, qu’ils s’impliquent, qu’ils soient une part de la solution et non une part du problème. Nous devons nous regrouper. Si c’est le cas, nous serons renforcés. Sinon, nous serons affaiblis.

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