Qu’on le veuille ou non, l’issue du scrutin présidentiel américain pèsera lourd sur la marche du monde. La réelection de Trump est encore possible, y compris au terme d’une bataille judiciaire à laquelle il s’est préparé en précipitant la nomination de la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour Suprême qui sera saisie en dernier ressort en cas de contestation des résultats. Espérons que le résultat sera clair et net en faveur de Joe Biden.
Les sondages sont convergents depuis plusieurs mois : Joe Biden réunira davantage de voix que Donald Trump le trois novembre prochain. Mais il n’est pas certain que cela suffise à le faire gagner.
Il y a quatre ans déjà, Hilary Clinton avait réuni plus de voix que Donald Trump, avec 2,1 % d’avance (48,2 % contre 46,1 %), mais cette avance s’était concentrée dans les États les plus peuplés comme la Californie et l’État de New York dont les délégués lui étaient déjà acquis. Par contre les petits États ont été très nombreux à voter Trump, plusieurs États-clefs ont basculé au dernier moment dans le camp conservateur, ce qui a assuré une avance de 77 délégués sur 531 à Donald Trump alors élu à la surprise générale Président des États Unis d’Amérique.
Ce scénario n’est pas exceptionnel. Déjà, il y a vingt ans, il avait bénéficié à George Bush contre Al Gore, et à quatre reprises ce sont les Républicains, majoritaires dans le vote des Blancs vivant dans l’Amérique rurale, qui en ont bénéficié.
On se souvient encore de la conséquence de l’élection de justesse de George Bush Junior en novembre 2000 : en lançant la guerre en Irak pour renverser Saddam Hussein, il a largement contribué à la déstabilisation du Moyen Orient jusqu’à la création de l’État Islamique, événement mondial dont les conséquences se ressentent encore aujourd’hui avec l’assassinat barbare d’un enseignant en région parisienne. Qu’en aurait-il été si Al Gore l’avait emporté ? Impossible de remonter le temps, mais il est probable qu’il en aurait été différemment.
Que ce soit en Palestine où son soutien à Israël a dépassé tout ce qu’avait fait ses prédécesseurs, en Europe où il a donné la main aux partisans du Brexit, en extrême Orient dans le conflit coréen ou vis-à-vis de la Chine, au Moyen Orient où il a torpillé à lui tout seul l’accord sur le nucléaire iranien, sans compter la décision qui deviendra effective à sa réélection de la sortie des USA des accords de Paris sur le climat, la personnalité de celui qui est à la tête de la puissance politique économique et militaire des USA est partout en mesure de changer la donne. Le nom du futur Président des États-Unis n’est indifférent pour aucun citoyen au monde.
Le profil très particulier de Donald Trump, largement imprévisible, ajoute aux enjeux de cette élection du trois novembre 2020, dans un contexte sanitaire qui, aux États Unis comme en Europe, redouble d’intensité.
Logiquement, ce trois novembre, Donald Trump devrait être battu, et Joe Biden élu.
Trump a accumulé les revers politiques depuis plusieurs mois, et se coalisent contre lui de puissants groupes d’opposition, mobilisés contre la situation faites aux minorités de couleur, ou contre son refus obstiné d’adhérer à la lutte contre le réchauffement climatique. Sa gestion de la pandémie du Covid-19 a été dans le déni complet de la maladie, jusqu’à être rattrapé lui-même, en pleine campagne électorale, par la contagion du virus. Les 225.000 morts américains de la maladie sont autant de reproches qui lui sont adressés pour avoir ignoré la souffrance des citoyens au profit d’intérêts économiques de court terme.
Son bilan peu reluisant devrait donc emporter Donald Trump et fermer la parenthèse chaotique que son élection en 2016 a ouverte. Mais son bagout est redoutable, son adversaire assez faible, les Américains de plus en plus repliés sur eux-mêmes, et le débat électoral confus dans un climat plombé par la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Rien ne peut être exclu.
À une semaine du scrutin, les jeux sont faits et la roue tourne.
Le Monde retient son souffle. •