par François Alfonsi.
La réponse apportée par Emmanuel Macron au Plan de sauvegarde de l’économie voté par l’Assemblée de Corse à l’unanimité le 27 novembre 2020 est une forme de déni de réalité inquiétant pour l’avenir.
Parlant des indicateurs économiques de la Corse, le Président de la République écrit « qu’ils témoignent d’améliorations du paysage économique encourageantes (…) tout cela nous laisse à penser que les dispositifs mis en place commencent à porter leurs fruits. »
Ou bien il y croit vraiment, et il est aveugle. Ou bien il sait parfaitement qu’il n’en est rien. De toutes façons, cette réponse ne présage rien de bon !
Le reste du courrier exprime que l’État refuse de s’inscrire dans la démarche de dialogue lancée par l’Exécutif nationaliste qui est à la tête des institutions de la Corse. Ce qu’il confirme expressément dans un passage, intentionnellement souligné en gras : « ce sont ainsi 50 M€ de crédits relance territorialisés qui sont immédiatement mobilisables par le Préfet de Corse. » Le « Préfet de Corse » est ainsi intronisé « général en chef » de la lutte contre la crise économique sur l’île, et le Président de l’Exécutif invité à seulement donner son avis « dans un cadre de négociations permettant de prendre en compte la spécificité des dispositifs de soutien économique mis en place sur l’île. »
Sur les propositions de l’Assemblée de Corse, votées à l’unanimité et portées par les acteurs économiques insulaires, pas un mot, ni même une allusion. Ce courrier est significatif de l’impasse politique dans laquelle nous sommes, alors que la crise sanitaire n’en finit pas, et que la crise économique jette la Corse dans une situation très difficile.
Car les indicateurs économiques sont en fait très préoccupants, à commencer le premier d’entre eux qui annonce une chute du produit intérieur brut (PIB) de la Corse de près du double de celle qui est annoncée sur le continent. À l’évidence, une économie insulaire est plus impactée que les économies continentales correspondantes. Cela est vrai pour les Baléares en Espagne, pour la Sardaigne en Italie, pour la Crête en Grèce, et pour la Corse dans l’ensemble français. Pour toutes ces îles, la proximité métropolitaine fait que la pandémie y suit les mêmes évolutions que sur le continent voisin, tandis que la structure insulaire de l’économie, à très forte composante touristique, très sensible aux risques de ruptures d’approvisionnement en raison de l’insularité, démultiplie les impacts économiques et les pertes d’emplois.
Les amortisseurs sociaux, massivement actionnés dans la première partie du confinement, ont certes limité l’impact de la crise dans un premier temps, tandis que la demi-saison finalement réalisée cet été a évité une déroute économique totale. Mais la nouvelle période de paralysie économique que nous traversons, et dont nous ne sortons pas, ne bénéficie pas des mêmes soutiens (par exemple les mensualités des prêts aux entreprises sont prélevées alors qu’elles avaient été suspendues au printemps ; idem pour les charges patronales). Même si la vaccination a commencé, tout indique que la pandémie sera encore très présente au printemps, et qu’à nouveau la saison touristique prochaine est plus qu’incertaine.
L’économie corse va prochainement connaître le point de basculement. Durant la première phase du printemps 2020, comme tout un chacun, chaque entité économique a tenu sur ses « réserves » ; la période actuelle est en train de les épuiser. Au printemps, le virus circulant sans faiblir, et la vaccination se faisant attendre ici, et ailleurs dans les principaux bassins d’émission de touristes, la saison ne pourra pas repartir dans des conditions normales.
À quand le retour à normale ? Au début de l’été ? Ou à l’automne ? En Corse cela change tout ! Comment s’y prépare-t-on ? Qui entend l’angoisse qui monte chez tous les acteurs économiques, chez les étudiants privés d’études normales et même de vie étudiante tout court, chez les populations précaires soudain « débranchées » des petits boulots qui les aidaient à survivre, parmi les acteurs culturels obligés de tout arrêter, spectacles, festivals, fêtes villageoises, dans les centres villes et les villages où la vie sociale s’évapore chaque jour un peu plus, etc.
Imagine-t-on une seconde répondre à cette urgence économique avec un préfet à la baguette, mis là par un État aveugle et fermé au dialogue avec les responsables économiques et politiques corses ?
L’attitude de l’État est un déni de la réalité économique ; elle est aussi un déni de la réalité politique. •