Le 10 juillet 2017, au lendemain du discours du Président de la République Emmanuel Macron face au Congrès à Versailles, mais aussi du discours de politique générale du Premier ministre Edouard Philippe, qui qualifiait de « vote identitaire » l’élection de trois députés nationalistes corses au Palais Bourbon, Edmond Simeoni réagissait au micro de notre confrère Alta Frequenza, toujours avec un regard lucide sur le combat qu’il reste à mener. S’il y a une urgence aujourd’hui, c’est de percevoir cette évidence de ce combat politique bien loin d’être gagné. Stemu à sente à i so messagi è à l’indiatura ch’ellu ci hà lacatu. Dicìa un mese dopu, sott’à u tendone di Femu a Corsica : « O zitè, il faut être très attentif au respect de la démocratie et de l’éthique. Ce n’est pas un ingrédient supplémentaire dans la démarche que nous faisons. Réfléchissez, ce pays a failli ne plus exister, parce que les forces liguées de l’État et du clanisme local ont réduit la démocratie à l’état de serpillère et parce que la probité est devenue une pratique de dérision (…) Alors j’insiste véritablement pour que ces concepts, que vous partagez tous j’en suis sûr, deviennent demain une règle de conduite absolue. »
« Je n’ai jamais eu le sentiment que Macron avait un profil pour comprendre la Corse et s’y intéresser. Par sa formation, par son métier, par l’ascension qu’il a eu, par l’absence de fibre sensible à ce problème de latinité, de Méditerranée, et en général un peu cette fermeture au monde littéraire, aux valeurs humanistes, c’est un pur produit du marketing et de l’économie. Donc je ne suis pas surpris du tout. J’ai quand même remarqué le faste à Versailles,
Louis XIV, la majesté, la fermeté, l’autorité, j’ai dit sur internet en gros « passez manants et rien à voir ! » Quant aux propos du Premier ministre, ils m’ont beaucoup plus inquiété dans la mesure où il va être le maître d’ouvrage de la politique décidée. Si Macron est fermé, ce n’est certainement pas sur le premier Ministre qu’il faut compter pour débloquer la situation, mais j’estime que réduire au détours d’une phrase 50 ans de combats, de sacrifices, une aspiration constante à la liberté, de tout temps on s’est insurgé contre les barbaresques, contre les romains, contre les pisans, contre les génois, contre les français, on a lutté contre les nazis, on a lutté contre toutes les forces, on a lutté pour l’émancipation nationale, et aujourd’hui il vient, il dit c’est protestataire, c’est identitaire, ma sunnieghja o chè ? U prublema hè ch’ellu ricusu di piglià in contu a dimensione pulìtica di u prublema corsu è aghju compiu ssa pìccula riflessione, diciendu à pàrtesi di e lotte, ùn vedu micca ciò chì ci aspetta. È sè no vulemu salvà ssu pòpulu, sè no vulemu custruì una nazione muderna, aparta, tullerante è altra, à parte a lotta rispunsèvule, ùn ci hè micca altri mezi.
C’est totalement claquemuré, d’autant plus qu’ils s’inscrivent dans le droit fil que Mitterrand annonçait en 1980. Mitterrand avait parfaitement compris le sens du combat, de la volonté d’émancipation nationale. Ce qu’ils ont fait c’est qu’avec quatre statuts, ils ont géré la crise en ne donnant jamais de pouvoir important à cette assemblée, et surtout ils n’ont pas introduit en Corse la démocratie qui aurait permis aux forces de progrès, dont nous, d’accéder aux responsabilités. Ils ont donné toutes les clés du système au système claniste qui lui verrouille encore plus le pari. Donc c’est pour ça qu’il y a eu de fausses réformes, insuffisantes, frileuses, et je pense que Paris a spéculé surtout sur le fait qu’il arrive en Corse 3 ou 4000 personnes par an, donc il y a nécessairement une dilution de l’identité, de la corsitude et autre. Ensuite il n’y a pas de développement économique, donc les jeunes ne peuvent pas rester, Paris spécule sur la lassitude et la déperdition chronique, classique, inévitable du sentiment national. Il s’est trompé parce que la Corse fabrique des Corses et jamais nous n’avons été aussi décidés, aussi nombreux comme tous les résultats en attestent. Donc c’est dans le droit fil d’une fermeture. Ce n’est pas un dogme républicain, c’est le dogme intangible d’une royauté sûre d’elle, arrogante, qui oublie que le monde change. C’est tout. Nous allons le leur rappeler. » •