La vérité ne sortira ni des pronostics, ni des sondages, mais des urnes. Au matin du 21 juin, le vote de chacun d’entre nous aura créé une situation politique nouvelle, pour les nationalistes, pour les autres forces politiques, et pour la Corse en général.
Le panorama des forces en présence se décline à travers les dix listes déposées pour ces territoriales 2021.
Deux listes sont d’extrême droite, un courant politique marqué depuis longtemps par son incapacité à être incarné efficacement lors des élections territoriales en Corse. Ce n’est probablement pas avec François Filoni, qui plus est parasité par une liste dissidente un tantinet déjantée, qu’ils y parviendront. Ils pourraient bien rester à nouveau hors de l’Assemblée de Corse alors même que le parti de Marine Le Pen semble, de son côté, promis à des succès importants ailleurs sur le continent, si l’on se réfère aux sondages.
La gauche n’est officiellement représentée en Corse que par une liste, celle du parti communiste, promise à un score historiquement bas, probablement insuffisant pour être présente au second tour. Cette éviction de la gauche du paysage politique en Corse est un fait durable établi depuis 2017. 2021 ne ferait que le confirmer.
Corsica Ecologia, comme le candidat officiel de la République en Marche, Jean Charles Orsucci, espèrent probablement récupérer plusieurs de ces électeurs déboussolés. Mais l’étiquette ultra-libérale d’Emmanuel Macron est bien lourde à porter pour une liste qui voudrait se positionner à gauche. La liste Orsucci s’en trouve amoindrie. Quant au créneau écologiste, il s’est toujours davantage reconnu en Corse dans le nationalisme modéré que dans la gauche insulaire où il n’a pas de base historique. Or il y a quatre listes nationalistes, qui, nécessairement, ratisseront beaucoup dans le cercle de leurs électeurs réguliers, laissant peu de voix à glaner. Cependant, avec un tissu associatif dense, et une jeunesse de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux, la liste conduite par Agnès Simonpietri peut trouver un électorat nouveau dont elle permettrait l’expression.
Candidat à la victoire finale, Laurent Marcangeli a officiellement l’investiture « Les Républicains », et aussi celle officieuse d’Emmanuel Macron. Edouard Philippe est venu en personne à Aiacciu exprimer cette posture du « en même temps ». L’appareil d’État n’a pas ménagé son soutien, Préfet et ministres confondus. Dès lors, le candidat de l’establishment parisien est le seul qui pourrait menacer la réélection de Gilles Simeoni.
Enfin, quatre listes sur dix sont nationalistes, ce qui atteste de la place importante désormais occupée par cette force politique dans la vie politique de la Corse.
Core in Fronte occupe une place bien établie : 2,58 % en 2015, 6,69 % en 2017, il progresse au rythme des déceptions suscitées par l’action de l’Exécutif au pouvoir. Franchir le seuil des 7 % manqué de peu lors du dernier scrutin semble largement à sa portée. Aura-t-il pour autant une vocation d’éternel opposant ? Mais pour l’heure, c’est ce positionnement qui peut faire son succès électoral ; il s’y tiendra donc sans faiblir.
Issues de la majorité sortante, trois autres listes nationalistes s’opposent, celle du Président sortant du Conseil Exécutif, celle du PNC et celle de Corsica Lìbera. Le favori incontesté pour virer en tête au soir du premier tour est Gilles Simeoni. Il a son noyau Femu solidement regroupé, et aussi le bénéfice de son aura personnelle que nul ne conteste. Un troisième créneau s’ouvre à lui car « l’attelage » formé au soir du premier tour 2015 entre « radicaux » et « modérés » au sein de Pè a Corsica n’avait pas que des partisans parmi ceux à qui l’on destine un discours d’ouverture.
Les deux autres composantes ne peuvent s’affranchir du bilan d’un Exécutif auquel ils ont participé sans discontinuer depuis décembre 2015. Le PNC à l’Agence du Développement Economique de la Corse, Corsica Lìbera à la tête de l’Assemblée, sont tout autant comptables des bilans de la mandature. Mais leur posture désormais est l’opposition à Gilles Simeoni pour expliquer qu’ils auraient fait mieux. Hors des réseaux constitués, politiques, philosophiques, amicaux ou villageois, ce positionnement a peu de chance de trouver un véritable écho.
Dès lors Gilles Simeoni a un seul véritable challenger, Laurent Marcangeli. Ses réserves de voix pour le second tour doivent lui permettre de gagner, sauf s’il était distancé au premier tour.
Dans cette élection, la dynamique du vote utile aura donc un grand rôle à jouer sans attendre d’arriver au second tour. Le 20 juin prochain, il faut que Gilles Simeoni vire en tête, le plus largement possible. Sinon l’avenir de la Corse et de son autonomie seront largement hypothéqués. •