Du 15 au 17 août 1975, à la veille des événements d’Aleria, l’ARC (Azzione pè a Rinascita di a Corsica) tient son congrès annuel, sous chapiteau dressé sur le stade Santos Manfredi à Corti. Il rassemble quelques 10.000 personnes dans une ambiance à la fois enthousiaste et grave après l’échec de la mission Liber Bou, mandaté par le gouvernement, et des dénonciations de l’ARC quant aux fraudes et aux injustices que subit la Corse. En clôture de ces journées, Edmond Simeoni prend la parole durant près de deux heures. Bien avant le drame d’Aleria, ce discours marque un tournant. Il y développe toute la détermination de l’ARC et réaffirme la solution au problème corse : l’autonomie. Extraits.
« Certains prétendent que nous n’avons pas de programme. Je n’ai pas l’intention de vous le développer, car Autunumia l’a fait, certes de façon incomplète et le travail est perfectible. Mais ce sera l’affaire de demain, car l’heure n’est plus au programme. Des institutions claires excluant le séparatisme, des voies démocratiques, des choix d’un développement économique et social reposant sur l’information des citoyens. Et vous savez bien que seule l’autonomie interne permet d’établir la planification, car maintenant, celle que nous avons dénoncé, ce sont les technocrates étrangers qui la font. Vous savez bien que seule l’autonomie interne peut restaurer la vie civique et vous savez maintenant que ceux qui la corrompent ce sont l’administration et ses complices les clans.
Vous savez bien que l’autonomie interne peut seule promouvoir une agriculture de type communautaire, et vous savez que maintenant c’est une agriculture de gros colons. Vous savez que seule l’autonomie interne peut nous donner un tourisme à l’échelle humaine, respectant nos visiteurs et nos intérêts légitimes. Alors qu’actuellement, l’administration et les clans encouragent le tourisme des trusts et des monopoles. Vous savez que seule une autonomie interne permet de créer une industrie adaptée à nos besoins. Vous savez que seuls, nous pourrons choisir en toute démocratie, à côté du respect de la petite propriété privée, les voies communautaires d’une autogestion librement consentie, et que l’on n’impose pas au peuple, contre ses idées, contre sa vocation, contre sa confession, des schémas importés.
(…) Vous savez que seule l’autonomie interne permettra d’instaurer une véritable politique des revenus, une fiscalité plus adaptée, un rétrécissement justifié de l’éventail des salaires. Vous savez parfaitement que l’autonomie est une véritable révolution, non pas au profit des notables, mais au profit du peuple laborieux, de celui qui travaille et qui se bat.
Vous savez que seule l’autonomie va permettre de créer notre université, (…) telle que l’a défini le directoire, avec sa dimension culturelle, avec sa dimension économique et surtout avec la fin de ce barrage de la sélection du savoir et de l’argent par l’institut de la formation permanente, où le monde estudiantin et le monde du travail seront fraternellement liés. Car c’est une innovation importante. Et Paris, et les clans, ils ne veulent pas de l’accession du monde du travail au savoir ! Vous savez que seule l’autonomie permettra de bâtir une charte du retour, de rétablir l’homme dans une échelle humaine, dans sa dignité et dans sont bien naturel. La Corse est riche ! Elle est riche en moyens financiers. Car comment expliquer que pour un département de 200.000 habitants, la présence de 60 banques, si ce n’est par la justification d’encaisser les 3 à 400 milliards d’anciens francs que doit rapporter le tourisme annuellement d’ici 1985. Et la Corse est riche d’hommes en exil et dans l’île. Nous préconisons un nouvel humanisme révolutionnaire d’un peuple qui aspire à la survie et à l’épanouissement dans son pays. Le département a fait faillite, la région a fait faillite. L’autonomie seule peut assurer sa survie. » •