par Max Simeoni
Dans l’article d’Arritti de la semaine précédente, je vous disais l’impérieuse nécessité selon moi, d’un parti organisé au sein du Peuple Corse pour mener une lutte d’émancipation.
Je n’ai jamais cessé de dénoncer les différents statuts particuliers consentis par les gouvernements socialistes (Defferre, Joxe, Jospin et le dernier en date Cazeneuve) et j’ai toujours fustigé l’électoralisme des nationalistes qui présidait à la course aux mandats. Cette course pour des mandats d’une institution dont les pouvoirs locaux, en coalition d’abord, puis Gilles Simeoni seul, sont aux mains d’une majorité nationaliste « absolue ». Les compétences et les financements croisés sont tels que sa gestion est limitée et dans l’incapacité d’agir valablement sur les causes qui entraînent la disparition progressive du Peuple Corse mais aux yeux de l’opinion cette majorité en a l’entière responsabilité, la responsabilité de tout ce qui ne va pas.
Le statut Cazeneuve a un seul mérite à mes yeux, celui d’avoir mis en lumière le rôle hostile du pouvoir du centralisme jacobin. Sans intermédiaires clanistes qui lui servaient d’alibis et d’exécutants, il a dû mettre en première ligne ses préfets pour garder le plus possible de maires sous son influence face à cette majorité inattendue que personne n’avait vu venir. Il n’est guère certain que Cazeneuve aurait supprimé les conseils généraux s’il avait pensé à un tel cas de figure.
L’ascension rapide des nationalistes a été le résultat d’une conjoncture du système électoral centralisé à Paris dont l’effondrement favorable aux nationalistes n’a été perceptible qu’après leur progression rapide. Les clans ne trouvaient plus d’accroches dans la capitale. Le système de la Ve République de De Gaulle, élection au suffrage universel directe du Chef de l’État et regroupement des partis de la gauche et de la droite pour l’élire et lui donner une majorité parlementaire en soutien pour entreprendre des réformes et sortir de la « chienlit » des partis charnières de la IVe République qui faisaient et défaisaient les gouvernements. De Gaulle démissionne, comme il avait dit, suite à son échec du référendum de 1969. Ses héritiers gaullistes ont joué la cohabitation, espérant accéder à la Présidence de la République, premier signe d’une déviance, et finir par faire des primaires. Dans l’île, l’incertitude des clanistes sans le relais des conseils généraux est tel qu’ils ne savent plus à quels saints se vouer. À qui mise sur Juppé (L. Marcangeli), Fillon (C. de Rocca Serra), etc. La coalition nationaliste n’a pas d’opposition structurée mais elle se trouve pour discuter face à un Président neuf qui commence par l’humilier (lors de la commémoration d’Erignac) accompagné de Chevènement. Fin de la période de grâce, gilets jaunes, le ton change, les ministres débarquent, Mme Corse est nommée… Ils tâtent le terrain d’autant plus que dans la coalition les autonomistes n’ont pas fusionné, elle se disloque et Gilles Simeoni reprend seul la main. Il a le savoir-faire diplomatique et la légitimité du suffrage universel. Il cherche à regrouper toutes les bonnes volontés au-delà des nationalistes. Mais pour moi il n’a aucune garantie suffisante ni du côté élyséen, ni du côté politique local, hexagonal ou parisien. C’est une crise politique importante sans prophétie possible. Il est un homme seul, donc vulnérable. S’il ne peut pas continuer pour n’importe quelle raison, qui peut le remplacer ?
Un parti qui a le pouvoir politique réel à la démocratie exemplaire, tant il est vrai que toute avancée de l’esprit démocratique est parallèle à celle du Peuple Corse vers son émancipation. La violence politique clandestine a montré ses limites et l’impasse qui en résulte pour notre cause historique, quelles que soient les motivations patriotiques de ses partisans.
Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de mettre en place un parti à sa hauteur avec les élections présidentielles et législatives très proches.
Je crois utile, et même indispensable, de savoir comment le concevoir et le mettre en place. Je suis évidemment prêt à en discuter. Ici, je vais simplement avancer quelques principes en ce sens et je compte apporter chaque fois un peu plus de précisions.
Il s’agit de donner le pouvoir d’initiation de construction politique à ce parti organisé à la base au sein du Peuple Corse. Sa mission constante sera pédagogique : bien faire comprendre les enjeux. Certes de pouvoir traiter les enjeux immédiats au mieux et ils sont nombreux. Avec 60.000 précaires et autant en voie de le devenir comment pourraient-ils ne pas l’être ? Pourquoi l’île est la plus pauvre des régions ? Pourquoi avec le soi-disant moteur du développement le tourisme qui représente 20 % de son PIB, trois fois plus que les régions les plus touristiques qui n’ont que 6 à 7 % ? Dans quelle mesure les profits de ce moteur se répartissent ? À qui il profite le plus ? Il s’agit de faire comprendre qu’on est victime d’un système colonialiste à deux phases historiques. Une phase de non développement car la République, préoccupée d’édifier un Empire colonial au nom de valeurs universelles, avait besoin d’encadrer ses conquêtes et de conduire ses guerres. Non développement (loi Douanière de 1818 à 1913) et réservoir d’hommes vont de pair – 160.000 habitants en 1962, date des accords d’Evian et fin de l’Empire colonial avec l’indépendance de l’Algérie – ; réservoir vidé, la République veut le rentabiliser par le tout-tourisme, la preuve se voit dans le rapport secret commandité par la Datar où il est envisagé d’en finir avec les restes de ce peuple pour mieux disposer d’un territoire en renouvelant ses habitants.
Nous parlerons ici des grands traits de l’implantation locale. Il s’agit de structurer le parti dans chaque région, structure transversale où les militants à jour de leur cotisation et adhérents à la charte du parti, participent à des réunions régulières qui sont définies statutairement. Ils élisent un bureau (président, secrétaire et trésorier) qui animent l’action des militants. Ils ont un local et y assurent une permanence. Tout est défini par des statuts et par un réglement intérieur. Chaque militant connait le processus de décision. Ils ont des réunions statutaires au moins une fois par mois, et d’autres réunions à la demande du bureau. Ce sont eux qui désignent les candidats qui partipent aux organes de coordination. La démocratie va de pair avec la lutte d’émancipation du Peuple Corse. Chacun est informé et se sent responsable des décisions prises. •
Prochain article sur l’instance de coordination.