Campagne électorale d’Emmanuel Macron

L’Europe prise en otage

Ce 19 janvier, lors de la session du Parlement Européen à Strasbourg, Emmanuel Macron a inauguré les six mois de la Présidence française de l’Union Européenne. En refusant de reporter cette période de six mois, ce qui aurait permis de la dégager des enjeux électoraux français, il a créé les conditions d’un débat faussé, pour ensuite le reprocher à ses contradicteurs. Le comble de l’hypocrisie !

 

 

Le débat sur la nouvelle Présidence du Conseil au sein de l’Union Européenne a lieu tous les six mois, chaque fois qu’un État, en l’occurrence la Slovénie, cède la place à celui qui va lui succéder durant le semestre qui suit, en l’occurrence la France à compter du 1er janvier 2022. C’est une sorte de « marronnier » de la vie politique européenne.

Les vingt-sept États-membres se succèdent en effet à ce poste, et prennent à chaque fois la présidence des travaux des différentes institutions de l’Union Européenne. Le titre est ronflant, mais la réalité est beaucoup plus modeste. Il s’agit en fait de désigner, pour chaque réunion, sommet européen comme simple réunion technique, celui qui va présider la séance et distribuer la parole. Leur rôle consiste aussi à contribuer à la préparation de chaque réunion, en apportant des moyens humains et matériels.

Le discours qui a précédé celui d’Emmanuel Macron dans les mêmes conditions a été celui du Président slovène début juillet 2021. Rien n’a été retenu de ce passage d’un Président temporaire de l’Union Européenne, très controversé, populiste d’extrême droite, et aucune de ses préférences partisanes n’a été un marqueur de l’action de l’Europe entre juillet et décembre 2021. Car le rôle technique attaché à ce poste est le même pour tous les chefs d’État, quels qu’ils soient. Aussi la neutralité est le cœur même de la fonction induite par cette présidence de six mois.

 

Il est déjà arrivé que le calendrier mécanique de la succession de ces présidences temporaires se télescope avec le calendrier politique de l’État concerné. Aussi le traité de Lisbonne a-t-il codifié un usage qui consiste à mutualiser entre trois États prévus pour se succéder la préparation de la présidence à venir. Ainsi, la Tchéquie et la Suède ont collaboré activement à la préparation des dossiers en vue du programme de travail du premier semestre 2022. La France pouvait donc demander un report pour ce qui la concerne compte tenu de son agenda électoral, et permuter avec la Tchéquie qui lui succède dans l’ordre de la liste établie. C’est d’ailleurs ce qu’avait déjà fait en son temps l’Allemagne d’Angela Merkel.

La conséquence la plus pratique, et la plus dommageable pour l’Europe, de l’entêtement français de faire coïncider la responsabilité européenne d’Emmanuel Macron avec sa propre campagne électorale, sera la suspension de cette présidence à compter de début mars, au bout de seulement deux mois. Ensuite le candidat sera neutralisé par sa campagne, et aucun gouvernement légitime ne sera effectif avant la tenue des élections législatives en juin.

Lui, ou son successeur, seront paralysés durant les quatre derniers mois de la Présidence française qui, en réalité, n’aura duré que deux mois.

Cette présidence française de l’Union Européenne sera donc une présidence tronquée, ce qui sera dommageable pour l’Europe comme pour la France. L’image d’Emmanuel Macron en Europe est souvent flatteuse. Ses discours, ses postures ont, probablement sincèrement, porté à travers l’Europe l’image d’un chef d’État pro-européen. Mais le mélange des genres qu’il a décidé d’opérer à travers cette présidence française maintenue à tout prix jette bien sûr un doute sur la sincérité de ses engagements.

Et, après avoir pris en otage l’Europe pour ce grand show électoral, le comble de l’hypocrisie a été de reprocher aux représentants des forces politiques concurrentes d’avoir répondu sur le même registre.

Du grand art manipulatoire ! •