Peut-on être étonné du rejet par le Sénat des «Ordonnances » de la Collectivité Unique ? Si on regarde en arrière pour considérer le chemin parcouru, on mesurera celui qui reste à faire et on évaluera mieux les obstacles à surmonter.
Hollande candidat promet la Charte des langues minoritaires du Conseil de l’Europe. Promesse non tenue. Il se déclare prêt à discuter les propositions des élus. Il sait qu’ils auront du mal à en faire, il sait que les clans auront bien du mal à parler en choeur de l’avenir de la Corse. Il peut voir venir, il gagne du temps.
Avec la ténacité de Maria Guidicelli et Paul Giacobbi qui la laisse faire, au bout de 4 ans, ils sortent le Padduc, le minimum requis pour que les « natios » désormais incontournables puissent embarquer. Il est voté à une large majorité (coofficialité, statut de résident, fiscalité patrimoniale…) Alleluia ! Le moment est dit « historique »… Bigre, la Corse parlerait d’une seule voix à Paris. Mais aussitôt, les gardiens du temple républicain cadenassent. Le Premier Ministre : une seule langue, le français selon la Constitution, le statut de résident anticonstitutionnel, une fiscalité territoriale inadmissible. Les ministres concernés viennent, la ministre des Collectivités locales, Madame Lebranchu et le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, pour faire passer la pilule. Le bilinguisme peut aider la langue corse, les lois ordinaires peuvent museler la spéculation, le patrimoine rural sans les Arrêtés Miot désormais annulés pourra bénéficier de quelques dérogations par Bercy pour un retour définitif au droit commun.
Or, en parallèle, le grand chantier de la Réforme des régions est lancé. Depuis qu’elle est la 22e région, il devient difficile de rattacher l’île à un ensemble continental…. Une assemblée unique? Un « chiche » ministériel et la voilà véhiculée par le drone de l’amendement à la Loi NOTRe, maniable mais peu stable dans les vents contraires. Il fait la navette, commissions, amendements, votes dans les Palais Bourbon et du Luxembourg, suivi sur les écrans du Palais de l’Élysée.
Le Sénat le bloque. Le Palais Bourbon devrait le confirmer en le revotant après la commission mixte des deux chambres. Y aura-t-il d’autres amendements pour le lester encore plus ? Baylet tonne, il a fait oublier Lebranchu et Cazeneuves. L’espoir reste fragile, le suspense reprend comme dans une série télévisée : tout doit être bouclé avant le 7 janvier, sinon tout s’arrête.
On aura perdu 5 ans pour repartir à zéro. Le temps travaille contre le peuple corse, si rien ne vient.
Entre-temps, les enjeux électoralistes font office d’une boue abondante dans un match de catch à plusieurs. L’Assemblée unique attend les Ordonnances pour exister.
Les primaires ont éclairé à quel point les « grands » partis hexagonaux étaient disloqués après le retrait de François Hollande à plat sans le moindre ressort. La droite semblait bien partie, avoir pris de l’avance quand un exocet judiciaire a brutalement stoppé son capitaine qui vacille. Comment peut se faire le « regroupement » pour affronter la gauche ? Avec qui ou gouvernail ?
Benoit Hamon a fait la surprise,un peu comme Fillon en son temps. Jusqu’à quel point peut-il regrouper ? Marine Le Pen se frotte les mains et Mélanchon retrouve de la voix. Pourtant ces « extrêmes » minoritaires de gauche et de droite sont eux-mêmes non homogènes. Macron allonge le pas en solo.
Bref des morceaux dans tout le champs politique hexagonal, un jeu démultiplié de combinaisons, une infinité de coups tordus possibles…
Dans le clanisme corse c’est le tournis. Camille de Rocca Serra, filloniste, s’est accroché à une branche qui cède. Il est au même niveau, c’est-à-dire au tapis comme les autres prétendants de la droite claniste.
Le clan de gauche n’a pas d’amarre où s’accrocher, simples bouées qui flottent, de sauvetage ?
Pas de « chef » à Paris capables de rassembler les troupes éparpillées, de même dans l’île. La pluie de météorites judiciaires achève le déglinguement du système. La Giacobbie est devenue « una bastella ». Une telle confusion ressemble à une crise finale de régime. La Ve République prend fin ? Mais pas la République sans doute. Le clanisme convulse, avant le coma peut-être.
Alors tout est pour le mieux pour les « natios » ?
Eh bien non. Ils s’unissent tout en gardant leurs différences. Les autonomistes avec les indépendantistes grâce à la suspension de la lutte armée, c’est un mieux. Les «modérés » restent en fourche à trois dents divergentes et unies uniquement sur le manche pour les élections. Ils ont pu gagner des voix et aller aux commandes de l’institution. Pour le moment, c’est un leurre. Malgré le peu déjà intéressant réalisé en tenant compte d’une seule année pour le faire, ils n’ont pas les moyens de mettre le train de la réforme des structures sur les rails allant dans le sens du sauvetage du peuple corse. Ils sont embarqués dans un esquif insuffisant, un statut plutôt de gestion, sans pouvoir législatif et fiscal.
Gagner des élections publiques locales dans ces conditions internes et générales, est tout au plus le fait d’un effondrement de leurs adversaires, mais ils flottent sur des épaves. Cela pourrait être une opportunité si on comprend qu’il y a surtout à gagner plus de Corses édifiés sur les risques, les causes et donc les remèdes pour faire céder cette République qui nie tout du problème de l’existence du peuple corse.
Oui à la transparence, oui à l’exemple démocratique, à la présence sur le terrain, au sein du peuple corse ! L’autonomie c’est la liberté et donc la responsabilité. Les deux vont de paire pour faire marcher la démocratie sans boiter. Il manque pour le moment au jeu institutionnel, un parti organisé et ouvert où l’autodiscipline démocratique est la règle. Des alliances électorales ne suffisent pas. Les élections absorbent l’énergie disponible sans un parti démocratique qui assure le changement révolutionnaire pacifique nécessaires à l’avenir du peuple corse.
Un parti démocratique majoritaire contre une République qui est une démocratie inachevée, néfaste.