« Limiter les locations afin que les résidents puissent encore se loger : une excellente initiative de 11 communes du Cap Corse » commente sur son site internet l’association de défense de l’environnement U Levante.* On apprend ainsi que « les derniers actes administratifs de la préfecture 2B contiennent 11 arrêtés préfectoraux pour 11 communes du Cap autorisant les changements d’usage des locaux d’habitation ». Intéressant.
Conformément à l’article L631-7 du code de la Construction, il est possible en effet pour une commune (inférieure à 200 000 habitants) de faire la demande auprès de la préfecture de changement d’usage d’une habitation. « Il s’agit d’éviter que, dans les secteurs très attractifs au plan touristique, il n’y ait plus assez de logements disponibles pour les résident permanents » explique U Levante. Et c’est ce qu’a donc fait la Communauté de Communes du Cap Corse pour 11 de ses communes (sur 18), de Barrèttali à Siscu, en passant par Cagnanu, Cànari, Ogliastru, Olmeta di Capicorsu, Luri, Morsiglia, Nonza, Petracurbara et Pinu.
Dans les agglomérations de plus de 200.000 habitants, le « changement d’affectation » des locaux à usage d’habitation, « c’est-à-dire, en pratique, leur conversion en meublés de tourisme commercialisés sur les plateformes Internet de type AirBnB », précise U Levante, doit faire l’objet d’une autorisation de la commune dans les conditions fixées par le conseil municipal. La loi prévoit que ce dispositif peut être rendu applicable aux communes ne dépendant pas d’une agglomération de 200 000 habitants, sur demande du conseil municipal et sur décision du préfet. C’est ce qu’on fait nos 11 communes corses !
« À Paris, par exemple, un tel changement d’affectation n’est possible que si le propriétaire compense cette conversion en transformant en locaux à usage d’habitation des locaux commerciaux d’une superficie jusqu’à 3 fois plus importante que celle du logement considéré. Autant dire que c’est très dissuasif » commente U Levante.
La ville de Paris estime en effet à 20.000 la fuite des logements du marché locatif traditionnel vers la location en meublés touristiques ou en locaux commerciaux. Ce qui provoque une raréfaction des logements proposés à la location permanente, et donc une inflation du coût du logement. En s’appuyant sur l’article L631-7 la ville tente de bloquer cette spéculation. Désormais les propriétaires doivent donc « compenser » en vouant à usage d’habitation une superficie de locaux jusqu’à trois fois plus grande que celle qui est supprimée pour l’habitat permanent. Et cette compensation doit se faire dans le même quartier administratif que celui où s’opère la demande de suppression d’un logement. La règle peut s’assouplir (1m² voué à la location permanente pour 1m² supprimé) lorsque la compensation se fait au profit de logements sociaux. Et la possibilité de transformer des logements permanents en locaux commerciaux ou en location touristique est plus restrictive dans les zones à fort déficit de logements. Une mesure intéressante donc, qui devrait être applicable au moins dans toutes les régions à forte pression foncière et immobilière. Or ça n’est vraisemblablement pas le cas.
Au Pays Basque, le 5 mars dernier, les élus de la Communauté de communes du Pays Basque ont adopté une mesure offensive pour rééquilibrer l’offre de logement en faveur des résidents permanents, en posant comme conditions aux propriétaires désireux de faire de la location saisonnière, de louer à titre de résidence principale au moins la même surface que celle vouée à la location touristique. Une manière de lutter contre la prolifération des résidences secondaires et une mesure prise à la quasi-unanimité des 158 communes que compte la Communauté de communes du Pays Basque**. « Le droit au logement doit primer sur le droit à deux logements » revendique Nikolas Blain de Euskal Herria Bai (Pays Basque Oui). L’objectif pour nos amis basques étaient de pouvoir récupérer au moins 20.000 logements au profit des habitants qui ne parviennent plus à se loger dans leur région. Hélas, propriétaires et lobbies de locations touristiques se sont élevés contre cette mesure et ont porté plainte devant le Tribunal administratif qui a étrangement suspendu la mesure. « Les propriétaires et entreprises de location de meublés touristiques privilégient leurs intérêts privés et n’ont qu’un objectif, dénonce EH Bai, continuer à jouer au Monopoly pourvu qu’ils puissent se faire le plus d’argent possible. En déposant un recours ces propriétaires et ces lobbies de location touristique avides s’engagent dans une bataille contre le droit des habitant.es du Pays Basque à disposer d’un logement. Cette bataille nous la gagnerons car nous sommes de plus en plus nombreu.ses et déterminé.es à vouloir changer les règles du jeu. »
C’est quand même un comble que ce qui se passe à Paris ne puisse pas s’appliquer en Pays Basque !
En Corse, la préfecture a accordé à 11 communes de pouvoir bénéficier de ces mesures permettant de réguler la transformation des logements en meublés touristiques et donc aux résidents locaux de trouver un logement dans leur village. L’objectif est avant tout d’avoir une meilleure connaissance de cette location privée, car une anomalie dans le reversement des taxes de séjour avait été constatée. Mais le dispositif permettra aussi de mieux réguler l’importance de cette location saisonnière, et « c’est un progrès ! » se réjouit U Levante. Effectivement, il faut s’en féliciter. On aimerait voir cette mesure s’appliquer dans des régions à fortes tensions comme la Balagne ou l’Extrême Sud. « On ne peut qu’espérer que l’exemple de ces communes du Cap soit suivi par l’ensemble des communes littorales de Corse » commente U Levante. La Collectivité de Corse ne pourrait-elle pas délibérer en ce sens ? n Fabiana Giovannini.
* Paru le 5 juin 2022 : www.ulevante.fr
** La Communauté de communes du Pays Basque compte 158 communes et 312.278 habitants sur une superficie de 2968 km². C’est dire sa légitimité ! Surtout avec, comme cette fois, des votes à 95 % favorables !