Le barnum présidentiel

Le barnum de l’élection présidentielle n’a jamais mérité autant son appellation. Depuis que la campagne est lancée, les pronostics sont systématiquement déjoués et, à trois mois du premier tour, tout est encore imprévisible.

Exit François Hollande, battu Manuel Valls, écarté Arnaud Montebourg : c’est le quatrième choix des sondages, Benoît Hamon, qui a fini par emporter la primaire à gauche. Il y a six mois, personne ne l’imaginait à pareille fête !
Les ténors de la gauche ont ainsi rejoint les barons de la droite, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, qui avaient mordu la poussière face au « troisième homme », François Fillon. Fort de sa victoire, ce dernier a été intronisé, au lendemain de la primaire à droite, large favori de l’élection présidentielle.
Mais voilà qu’un troisième tour politico-judiciaire vient faire irruption qui pourrait bien éjecter François Fillon à son tour. Ce dirigeant politique au look austère, auto-proclamé sourcilleux gardien de la déontologie « républicaine », a eu des années durant un souci constant : s’accaparer l’argent public par les moyens de la cupidité la plus mesquine.
Sur fond d’un « tous pourris » qui est devenu l’antienne favorite parmi les électeurs, et d’une Marine Le Pen en embuscade, le feuilleton Penelope Fillon n’en a pas fini d’alimenter le populisme. Le million d’euros indûment tombé dans l’escarcelle du couple tout au long de dix années, y compris quand il était ministre, en dit long sur la moralité de « premier choix » du cycle des primaires. Les électeurs s’en éloignent massivement, sa dégringolade dans les sondages est vertigineuse, la route du pouvoir lui est désormais barrée. Pour retrouver un second souffle, la droite devra changer son candidat. Mais le scandale Fillon laissera des traces, et le statut de favori ne sera pas facile à retrouver.
A gauche, les participants à la primaire ont choisi un candidat « frondeur », c’est à dire en rupture avec le bilan de François Hollande. Benoît Hamon redonne une identité au PS, mais, dans le même temps, il fait exploser le pacte tacite scellé quand a été décidé le retrait de François Hollande. Cependant, du côté de la gauche, on sait la victoire hors de portée. Benoît Hamon veut avant tout que le PS reste la première force au sein de la gauche, devant Mélanchon notamment. Une fois évitée la faillite, une cure d’opposition après s’être recentré sur ses fondamentaux en attendant que les vents porteurs se lèvent à nouveau : c’est le lot commun des dirigeants socialistes qui se sont succédés à la tête du PS depuis l’après De Gaulle. A condition de ne pas trop céder aux sirènes de la surenchère, sur l’Europe notamment, le PS peut ainsi espérer sauver le navire du naufrage.
Mais François Hollande et ses partisans ne voudront certainement pas assister impuissants au déchaînement des critiques à leur encontre. Emmanuel Macron sera le recours de nombre d’entre eux. Sa capacité à attirer les foules est un fait établi, qui accompagne une montée en puissance continue dans les sondages. Son discours fleure la démagogie, mais, de Jean Luc Mélanchon à Marine Le Pen, celle-ci est dans l’air du temps. Progressivement, le franc tireur solitaire prend rang de favori potentiel pour aller affronter l’extrême droite au second tour de l’élection. Encore faudra-t-il que la décomposition des structures politiques françaises dont il bénéficie n’ait pas fait entre temps définitivement le lit d’une extrême droite plus forte que jamais.
Cette élection présidentielle est devenue très incertaine. Une seule certitude s’impose désormais : aucun des favoris n’a mis une once de régionalisme dans son discours, et pour la Corse, l’avenir ne se construira en aucune façon à travers ce débat électoral somme toute assez insipide. Le seul véritable enjeu qui reste est l’enjeu européen que l’arrivée au pouvoir d’une Marine Le Pen ou d’un Jean Luc Mélenchon mettrait en grande difficulté, avec pour la Corse des conséquences mécaniques d’enfermement dans le tête à tête avec Paris.
Et, quelle que soit l’issue, nous aurons une priorité : nous renforcer pour affronter la future relation avec le nouveau pouvoir au sommet de l’Etat français.


François ALFONSI