Italie

Victoire de l’Extrême droite

Giorgia Meloni
La victoire de Giorgia Meloni participe de la continuité de l’Histoire de l’Italie. La future cheffe du gouvernement italien incarne une droite étatique rigide, héritière de Mussolini. Au siècle dernier, l’Europe était dominée par la montée du nazisme et Mussolini entraîna l’Italie dans la spirale de la seconde guerre mondiale. Rien de comparable aujourd’hui, mais l’Europe devra savoir gérer cette résurgence désuète d’une Italie que l’on croyait révolue, dans un contexte de crise économique et politique profonde.

 

La droite en Italie a historiquement deux facettes : celle d’une droite autoritaire étatiste incarnée par Fratelli d’Italia aujourd’hui, et dont la filiation avec Mussolini est clairement établie. L’autre facette est celle d’une démocratie chrétienne autrefois toute puissante, appuyée sur des baronnies régionales, dont Mario Draghi était un lointain héritier. C’est cette dualité historique qui avait permis à Giorgia Meloni de s’installer dans l’opposition à Mario Draghi, alors que le reste de l’Italie était fédérée autour de lui, y compris ses alliés de la coalition victorieuse du scrutin de dimanche, la Lega (Matteo Salvini) et Forza Italia (Silvio Berlusconi). Aussi, au moment de tourner la page Draghi, elle a été la mieux placée pour lui succéder.

Son élection marquera-t-elle pour autant un virage historique pour l’Italie ? Et ce virage pourrait-il être anti-européen ? Il y a fort à parier que ce ne sera pas le cas. Certes l’Europe est beaucoup décriée par le parti de Giorgia Meloni et ses alliés très à droite du Parlement européen, qui sont notamment les Polonais au pouvoir à Varsovie, ou les Suédois qui viennent de remporter eux aussi un important succès électoral. Mais, depuis deux ans et demi, l’Union européenne a été largement renforcée par les événements, principalement la crise du Covid et la guerre en Ukraine. Aussi, elle n’a pas grand-chose à craindre du nouveau pouvoir italien.

En effet celui-ci ne pourra pas se passer du soutien économique que lui apporte l’Union européenne à travers le Plan de relance massif adopté après l’épidémie Covid, dont l’Italie est la plus grande bénéficiaire. Quant à la guerre en Ukraine, elle crée une incertitude économique et politique telle qu’elle contribuera elle aussi certainement à consolider la participation de l’Italie à l’Union européenne.

 

Si l’Italie est une préoccupation pour l’avenir de l’Europe, cela tient surtout à sa situation économique au sein de la zone euro. Mais cette fragilité est ancienne et structurelle et elle ne dépend pas de la conjoncture de son gouvernement. Son endettement est très élevé alors que les taux d’intérêt progressent fortement, tandis que la crise énergétique créée par l’arrêt des livraisons du gaz russe pourrait étrangler son économie. Mais que pourrait faire Giorgia Meloni que n’aurait pas fait Mario Draghi ? Pas grand-chose à vrai dire.

La seule rupture prévisible porte sur les questions de société (migrations, droits des minorités, politique familiale) où l’Italie de Giorgia Meloni pourrait rejoindre le peloton des pays en rupture avec les principes de l’État de droit en Europe, principalement la Hongrie et la Pologne. Mais le principe de « conditionnalité des aides » mis en œuvre au niveau de la Commission européenne est, là encore, un levier puissant dont la Hongrie de Viktor Orban fait actuellement les frais, l’argent promis par l’Europe étant conditionné au rétablissement des principes de base de l’UE : respect des décisions des cours européennes de justice, respect de la charte des droits de l’Homme et de tous les textes de base des traités qui lient les Etats-membres au plan des valeurs.

Et cela d’autant plus que la société italienne est beaucoup moins conservatrice que la société polonaise par exemple, qui, notamment, multiplie les politiques anti-LGBT sans retenue. On imagine mal l’Italie suivre le même chemin.

 

Reste la question délicate de l’immigration. Globalement la société italienne, placée aux premières loges des flux migratoires, a fait preuve d’une tolérance plutôt rare en Europe, avec une forte implication des collectivités locales dans l’accueil des migrants. Mais la concentration délibérée des flux migratoires dans les pays de première ligne crée des conditions potentiellement explosives. Et on ne sait pas où les prochaines crises, politiques ou écologiques, pourraient conduire dans ce domaine.

En fait parmi ceux qui pourraient être menacés par la nouvelle cheffe d’État italienne, les plus concernés sont les minorités nationales d’Italie. La minorité germanophone du Sud Tirol, proche de l’Autriche, est d’ores et déjà en conflit avec celle qui veut poursuivre la politique d’italianisation menée en son temps, à toutes forces, par Benito Mussolini. Les autonomies spéciales du Frioul, du Val d’Aoste, de la Sardaigne et de la Sicile seront elles aussi attaquées. Car pour Fratelli d’Italia, le récit national italien doit impérativement être monoculturel, et elle n’hésitera pas devant les politiques les plus répressives.

À l’Alliance Libre Européenne, il va falloir serrer les rangs ! •