Il a manqué deux petites voix au Sénat pour adopter le très important amendement de Paulu Santu Parigi pour élargir à l’ensemble des régions concernées les dispositions pour lutter contre la spéculation immobilière*, dispositions adoptées sous la forme d’un amendement des trois députés nationalistes corses dans le cadre du débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de Finances 2023. L’amendement a été maintenu dans le cadre de la procédure accélérée de l’article 49.3 mise en œuvre par le gouvernement pour imposer la globalité du PLF, mais son examen au Sénat ce 18 novembre avait la possibilité de l’améliorer. C’était sans compter sur le jeu trouble de la droite au Sénat. Explications.
Le dispositif adopté grâce au travail de nos députés à l’Assemblée nationale, visait à renforcer en Corse la taxation sur les plus-values immobilières (lire ARRITTI n°2768), à sécuriser juridiquement le dispositif et à contourner l’obstacle d’irrecevabilité devant le Conseil constitutionnel. En effet, durant le débat en première lecture, le risque constitutionnel a été évoqué, de même que l’intérêt de l’élargir à l’ensemble des régions qui souffrent de la difficulté à se loger comme en Bretagne, Pays Basque, Savoie, Provence, Catalogne…
Hélas, deux petites voix auront manqué pour permettre son adoption ! Autant dire qu’il s’en est fallu d’un rien pour convaincre le Sénat et que le combat a été rude.
Comme il l’avait fait à l’Assemblée nationale, le rapporteur du gouvernement s’est opposé à cet amendement, le jugeant « exagéré » et « hors norme » (sic).
« Plusieurs prises de paroles d’élus des régions concernées, ont montré combien cette problématique saillante dépassait notre seul territoire, a commenté le Sénateur Paulu Santu Parigi, le sénateur basque des Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson, membre de la majorité sénatoriale a d’ailleurs rappelé l’urgence de prendre des mesures concrètes sur ce sujet. De même le sénateur du Finistère, Michel Canevet, a défendu au nom du groupe centriste le besoin de prendre en compte les régions touchées. »
Remerciant ses collègues des groupes centristes, socialistes, communistes, et écologistes pour leur soutien et leur vote unanime, Paulu Santu Parigi a regretté le vote contre du groupe Les Républicains et plus particulièrement celui du Sénateur de Corse du Sud, Jean-Jacques Panunzi, « qui pourtant connaît les effets délétères de ce phénomène sur notre île et dans de nombreux autres territoires à forte attractivité touristique ».
Quid de la droite en Corse ?
On peut s’interroger sur le cynisme de la droite en Corse, comme de la majorité de droite au Sénat, toutes deux venues à la rescousse du gouvernement dans ce débat. Il faudrait parfois être une petite mouche pour comprendre ce qui se passe en coulisses… Jean Jacques Panunzi en effet a demandé une suspension de séance avant le vote. Au retour en séance, il a voté contre l’amendement, et Max Brisson, bien que se disant favorable, a voté également contre « par solidarité avec le rapporteur » !
Cet amendement instaurait « une taxe sur la spéculation immobilière dans les communes où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, des prix d’acquisition des logements anciens ou la proportion élevée de logements autres que ceux affectés à l’habitation principale. L’article ne concerne que la Corse. Il était proposé de l’étendre à toutes les régions et à la nouvelle cartographie des zones tendues telles que définies dans le projet de loi, permettant aux collectivités de récolter davantage de moyens pour le logement social et pour la construction d’équipements et d’infrastructures collectives. De même, il permettait à la Région de reverser aux communes ou aux intercommunalités tout ou partie du produit de cette taxe », déplore Paulu Santu Parigi.
Désormais, seul le gouvernement peut réintroduire cet amendement d’élargissement, d’où la nécessité comme à Ghetary le 19 novembre (lire par ailleurs) ou à Vannes le 12 novembre (lire notre article de la semaine dernière) de maintenir la pression dans les régions sur cette question cruciale du droit au logement face aux menées spéculatives dans les régions à forte pression touristique. •
ARRITTI.
* Prévues par ailleurs dans le projet de loi Jean Félix Acquaviva adopté en première lecture en février dernier.