Un annu dopu

Petr’Antò Tomasi

Il est le plus jeune de l’hémicycle et – symbole fort – c’est lui qui tenait l’exemplaire du XVIIIe siècle de la Ghjustificazione della rivoluzione di Corsica, lorsque les membres du gouvernement de la Corse ont prêté serment de dévouement devant le peuple corse le 17 décembre 2015. Du haut de ses 28 ans, Petr’Antò Tomasi a pris des responsabilités au sein de la majorité nationaliste. Président du groupe Corsica Lìbera à l’Assemblée de Corse, il est aussi président de la Commission des Affaires Européennes.

Un an après l’accession des nationalistes aux responsabilités… quel premier bilan peut-on faire?

Ce fut une première année d’activité intense. Si l’on s’essaie à l’analyser de façon globale je dirais qu’elle se caractérise par deux éléments complémentaires: poursuivre la lutte historique du peuple corse pour son droit à l’existence et commencer à changer en profondeur le pays avec les moyens limités qui sont les nôtres pour le moment, ceux d’une collectivité territoriale décentralisée. Par conséquent chaque acte que nous posons aujourd’hui est une pierre supplémentaire à l’édifice d’une Nation corse souveraine.

Dans un registre plus concret, en seulement un an notre majorité peut s’enorgueillir d’un vrai bilan: les finances de la CTC sont en voie d’assainissement, la justice et l’équité sont au cœur des politiques publiques, la compagnie maritime maitrisée par les institutions corses est actée. Le développement économique, le soutien à l’entrepreneuriat et la justice sociale sont au cœur de nos actions alors que nos adversaires nous ont souvent reproché, à tort, de nous désintéresser de ces sujets. J’en veux pour preuve l’adoption du schéma de développement économique (SRDE2I) piloté par l’ADEC, auquel nous avons participé en intégrant par amendement la création d’un organisme de microcrédit ou la mobilisation de l’épargne corse au service du développement, ou encore les initiatives de la Présidence de l’Assemblée de Corse concernant la mobilité des retraités les plus modestes et le projet de statut fiscal et social pour la Corse.

 

Plus jeune élu de l’Assemblée, vous avez semblé immédiatement à l’aise… comment avez-vous pris vos marques?

 Ce qui a vraiment changé avec notre victoire de décembre 2015 c’est le cadre dans lequel nous portons nos revendications, ni le sens de notre combat, ni le fond de notre discours politique. En ce sens, il y a une vraie continuité entre ce que nous faisons dorénavant au sein des institutions de la Corse et notre action militante de toujours. C’est, je crois, ce qui nous a permis d’être très vite opérationnels parce que nous avons bâti, durant ces années d’opposition, un projet global et cohérent pour la Corse.

La vie institutionnelle a ses usages qu’il a fallu appréhender mais l’enthousiasme qui nous a porté à la victoire nous a aussi permis de rénover le fonctionnement parlementaire. En restant fidèles à ce que nous sommes j’ai la faiblesse de penser que notre exercice du pouvoir est plus en prise avec les réalités du terrain. Comment cela fonctionne-t-il au sein du groupe Corsica Lìbera et entre les deux groupes?

Les difficultés qui pourraient être liées à l’apprentissage du mandat territorial sont compensées par le fait que notre groupe est composé de différentes générations de militants forts d’une expérience de terrain, pour certains de mandats électifs, et d’une cohérence politique.

Le travail parlementaire (interventions, motions, questions orales…) s’organise à la fois au sein des groupes et en commun dans le cadre de réunions de la majorité.

Il y a une vraie solidarité avec le groupe Femu a Corsica. C’est d’ailleurs, de mon point de vue, ce qui nous a permis de surmonter bien des obstacles en début de mandature.

La majorité territoriale n’a pas été épargnée par l’actualité et les difficultés du passif des gestions précédentes…

Il y a eu effectivement des pratiques qui ne correspondent pas à l’idée que nous avons du mandat démocratique et de son exercice. Aujourd’hui notre responsabilité en tant qu’élus est de mettre en place un système vertueux qui garantisse un fonctionnement conforme au bien commun. Le comité d’évaluation des politiques publiques créé à notre initiative, le suivi de l’exécution budgétaire devant la commission des finances, la sanction indemnitaire des conseillers absents y participent.

Et pour faire face aux défis nous avons besoin d’une mobilisation et d’une solidarité sans faille.

 

On a quand même l’impression, vu de l’extérieur, que le nationalisme s’institutionnalise… comment garder le lien avec le terrain?

Je ne crois pas que ce sentiment soit largement répandu. Pour autant, c’est un écueil qu’il faut absolument éviter. La force de notre famille politique c’est son enracinement au sein du peuple corse. Nous ne pouvons pas être des élus comme les autres car nous n’avons pas la même histoire. Collectivement, nous connaissons le prix des luttes. Notre victoire ne peut se résumer à une simple alternance, elle doit être alternative populaire. Nos mouvements politiques respectifs se redéploient sur le terrain et c’est très positif.

Ce fut le cas à travers la mobilisation de nos militants pour la terre à Siscu ou le combat pour la santé en Plaine orientale.

Quant aux élus nous devons pérenniser nos rencontres avec les Corses dans les différentes régions. Pour leur rendre compte et entendre leurs aspirations.

 

Ne faudrait-il pas être plus offensif sur certaines revendications, comme la langue, la terre, le peuple?

C’est l’essence même de notre combat !

Pour l’heure, le dialogue avec Paris pour une solution politique négociée est fermé.

À l’occasion des échéances électorales à venir il faudra porter de nouveau, et avec détermination, une plateforme revendicative autour de ces thèmes fondamentaux notamment. Et dès à présent commencer à activer les leviers dont nous disposons dans l’institution, pour la langue par exemple, et sur le terrain s’il le faut, c’est le sens du message délivré par Corsica Libera sur le statut de résident après l’affaire du couvent de Siscu.

 

Vous êtes en charge de la Commission des Affaires Européennes, quelles ont été vos initiatives en ce domaine?

 La réactivation de la Commission des Affaires Européennes a été un signal politique fort. Durant la mandature des Accords de Matignon elle avait mené un travail fécond sous la présidence de Jean-Guy Talamoni. Puis, à contre-courant de l’Histoire elle avait été supprimée en 2004 par la nouvelle mandature de droite.

Bien qu’ayant des désaccords profonds avec la construction telle qu’elle est actuellement menée, la Corse a une vocation européenne et elle doit défendre ses intérêts à Bruxelles.

Nous avons notamment travaillé sur des pistes pour renforcer le rôle de la CTC dans le processus de décision communautaire et en matière internationale qui ont été intégrées à l’avis de l’Assemblée de Corse sur les ordonnances pour la collectivité unique: circonscription corse au Parlement européen, siège de droit au comité des régions, renforcement de notre représentation diplomatique à Bruxelles, possibilité de négocier directement des accords de coopérations avec des Etats…

Nous examinons également la prise en compte des réalités corses par les politiques communautaires : nous travaillons actuellement sur le FEAMP, le fonds dédié à la pêche et aux affaires maritimes.

 

L’Etat souffle le chaud et le froid. Il apporte des moyens financiers, octroie quelques avancées au niveau institutionnel ou fiscal… mais il poursuit sa répression, notamment envers la jeunesse, en restant fermé aux fondamentaux du nationalisme.

Comment en sortir?

Notre majorité a eu raison de négocier avec conviction des avancées immédiates.

Alors que certains prophétisaient, ou espéraient, que nous n’obtiendrions rien: la prorogation de l’exonération sur les droits de succession, les transferts de fiscalité (TVA contre DGF et DGD), le statut d’île-montagne, la déspécialisation de l’enveloppe de continuité territoriale etc. sont autant d’acquis au bénéfice de la Corse et des Corses.

Sur les dossiers fondamentaux, l’Etat français n’a pas pris la mesure des enjeux. Un quinquennat s’achève mais ce n’est pas pour autant la fin de l’Histoire. La coofficialité, le statut de résident, ou encore l’amnistie pour les prisonniers et les recherchés seront demain une réalité. Aux Ghjurnate Internaziunale de l’an passé, par la voix de Jean-Guy Talamoni nous avons demandé aux Corses un délai de 5 ans pour changer les choses en profondeur. Il existe une majorité forte en Corse pour dire que le peuple corse existe et qu’il a le droit de décider librement de son destin.

La marche vers la souveraineté est inexorable.

C’est une question de temps.

 

N’y a-t-il pas un enjeu majeur à participer à l’élection législative pour les nationalistes?

En décembre 2015 nous avons remporté une victoire historique pour que vive la Nation. Mais à l’évidence une partie de la bataille pour la reconquête de nos droits se joue aussi à Paris. Alors qu’actuellement des parlementaires corses montent au Parlement français pour s’opposer aux délibérations majoritaires de l’Assemblée de Corse, les nationalistes doivent être présents. Pour nous, sous la bannière «Pè a Corsica » dans les quatre circonscriptions.

 

Vous-mêmes pourriez-vous être candidat?

C’est une possibilité. En tout état de cause je serai présent et mettrai toutes mes forces dans la bataille pour faire gagner le mouvement national. C’est là l’enjeu essentiel. La désignation viendra naturellement dans les prochaines semaines.

 

In stu principiu d’annu, chì messagiu à i naziunalisti? à u pòpulu corsu?

Campemu stonde stòriche è l’òpara di rialzu naziunale cummanda l’impegnu di tutti. Siamu uniti è cuntinuvemu à caminà nantu à a strada di a suvranità, senza scaglià. Inseme, apraremu e porte di e prigiò pè i nostri fratelli. Inseme, faremu di stu paese una Nazione di ghjustizia, di pace è di benistà. Inseme, pè a Corsica Nazione!