Depuis le mois de novembre 2020 et la défaite militaire de l’Arménie, la situation du peuple d’Artzakh, enclave de culture arménienne en Azerbaïdjan qui avait été appelée « oblast du Nagorno-Karabakh » du temps de l’Union Soviétique de Staline, est très difficile.
Militairement, la supériorité azérie, appuyée par ses alliés turcs, a permis à la dictature de Bakou d’occuper de nouveaux territoires, réduisant le lien entre le territoire enclavé et l’État d’Arménie à un seul lien routier, le corridor de Latchine, reproduisant dans les montagnes du Sud Caucase ce qu’a vécu la ville de Berlin-Ouest durant les années du rideau de fer.
Lors de l’accord de cessez-le-feu de 2020, la liberté de circulation dans ce corridor a été placée sous garantie de l’armée russe présente sur place et alliée historique de l’Arménie qui abrite une base militaire russe, face aux bases militaires américaines situées en Turquie.
Mais cette alliance historique, issue de l’ex-URSS dont l’Arménie était une des républiques, se retourne aujourd’hui contre le gouvernement arménien. Car la Russie, depuis le début de la guerre d’Ukraine, est en train de changer d’alliances stratégiques et s’est rapprochée de l’Azerbaïdjan comme de la Turquie.
Il est ainsi de notoriété publique que les contrats d’approvisionnement en gaz et en pétrole négociés par l’Union européenne avec Bakou servent en bonne partie de débouché à des hydrocarbures russes qui trouvent ainsi à s’exporter malgré l’embargo européen. D’un autre côté la Turquie, grâce à la maîtrise des détroits vers la Mer Noire, occupe une place stratégique pour les deux belligérants, Russie comme Ukraine, et les deux camps sont amenés à composer avec Erdogan dont la position n’a jamais été aussi forte sur la scène internationale.
Dans ce contexte très préoccupant, depuis le 12 décembre dernier, un blocus du corridor de Latchine a été mis en place à l’instigation de l’Azerbaïdjan qui empêche le ravitaillement de l’Artzakh depuis l’Arménie. Ce blocus est habillé du faux nez d’une « manifestation écologique » afin de mieux embobiner l’opinion internationale. Mais tous les observateurs sont formels : ce sont des agents du régime azéri qui campent depuis un mois sur le terrain sans que l’armée russe n’intervienne pour dégager la circulation dans le corridor placé sous sa responsabilité internationale.
Ces « manifestants » participent en faità un plan concocté à Bakou pour aller vers une épuration ethnique de l’Artzakh en provoquant l’exil d’un maximum d’arméniens qui y vivent, et en préparant ainsi le terrain pour une invasion totale du territoire et au remplacement de la population arménienne par une colonisation azérie.
L’impuissance de la communauté internationale à faire lever le blocus de Latchine est un scandale humanitaire total. L’Europe, tenue par ses nouveaux contrats gaziers avec l’Azerbaïdjan, et par des complaisances bien établies avec la Turquie en compensation d’accords sur les migrants, en reste à des communiqués sans lendemain. La seule intervention notable avait été l’envoi d’observateurs aux frontières qui ont permis que s’arrêtent les bombardements contre l’Arménie. Mais leur mission a été interrompue et rien n’est fait pour l’Artzakh et ses populations privées de gaz, d’électricité et de nourriture et médicaments en plein hiver.
La Russie a déserté ses responsabilités en tant que signataire de l’accord de cessez-le-feu, et les USA, liés par leurs accords avec la Turquie dans le cadre de l’Otan, ont une action diplomatique minimum, malgré le voyage officiel d’Anthony Blinken à Erevan.
L’Arménie cherche à obtenir de véritables solidarités pour éviter le scénario du pire, et se tourne vers l’Europe où les opinions publiques refusent que le scénario d’une nouvelle épuration ethnique contre un peuple qui a subi le tout premier génocide de l’histoire de l’Humanité en 1915. Le Parlement européen se mobilise dans ce sens. Je ferai partie le mois prochain d’une délégation de parlementaires qui ira à Erevan pour apporter leur solidarité politique. Mais la situation est grave et la mobilisation plus que jamais nécessaire en solidarité avec les Arméniens du Nagorno-Karabakh et d’ailleurs. •