Monseigneur Bustillo, évêque d’Aiacciu

Son message à la Corse

« Corse, lève-toi ! O ? Corsica, arrizzati ! » Sous ce titre Monseigneur Bustillo, évêque d’Aiacciu, lance un message aux Corses. « Aux heures clés de l’histoire contemporaine de la Corse et de son peuple, la parole de l’église a toujours été importante. Ça l’est aujourd’hui encore avec le message de paix et d’espérance de Mgr Bustillo » a commenté le président du Conseil exécutif sur les réseaux sociaux. Arritti relaie à son tour ce message. À noter qu’il a été rédigé également en langue corse par l’évêché.

 

 

« Voici maintenant le temps favorable » (2 Co 6, 2)

Les joies et les peines du peuple corse sont les joies et les peines de son évêque. Cette année nous gardons dans la mémoire deux morts tragiques qui ont blessé la Corse, celle du préfet Erignac et celle d’Yvan Colonna. En Corse, on honore les défunts. Nous ne pouvons pas oublier l’histoire. J.Green le dit : ignorer le passé, c’est raccourcir l’avenir. Ces drames douloureux contribuent à éveiller les consciences.

Je crois arrivé le temps d’honorer les vivants. Nous, nos jeunes, nos enfants, nos familles. Il ne faut pas répéter l’histoire mais la réparer. C’est le moment favorable pour ne plus subir l’histoire en passant des pages sombres aux pages lumineuses.

C’est le moment de sauver l’âme de ce peuple, selon la tradition biblique, pour qu’il garde sa dignité et ne se transforme pas en masse. Les Grecs disaient : quand le peuple se transforme en masse l’instinct est partout et la raison nulle part.

 

« Voici que je fais toutes choses Nnouvelles » (Ap 21,5)

Nous avons traversé une période d’hiver tragique où les protagonistes étaient la peur, la violence, la rage, l’incompréhension, le mépris, l’injustice, la douleur, la mort. La Corse a souffert. Elle doit se libérer des signes mortifères pour épouser le mouvement d’une nouvelle vie. Pour les chrétiens, les difficultés et les obstacles ne sont pas des impasses mais des passages. Nous sommes les fils de la Résurrection.

L’espérance des Corses veut sortir d’un coma paralysant pour ne pas s’installer dans le pessimisme. La Corse veut vivre un printemps où les protagonistes de la nouvelle étape seront tous les Corses : les forces politiques et économiques, le monde sportif et culturel, les confréries, les mouvements associatifs, tous les croyants et les Corses de bonne volonté.

Le changement vers l’espérance a besoin de l’engagement de tous.

Ce printemps corse ouvre un nouveau cycle, une opportunité pour faire du neuf. J’ai senti en vous écoutant le désir de changer, de rêver, d’évoluer et de bâtir. Pour cela il faut la foi et la volonté ; seulement alors, on ressuscite l’enthousiasme qui n’est pas la naïveté.

 

« Je vous ai écrit, jeunes gens parce que vous êtes forts » (1 Jn 2, 14)

J’ose imaginer une Corse où l’on peut vivre en paix. Une société où les uns sont avec les autres et non pas les uns contre les autres. J’encourage les jeunes à une révolte des intelligences pour libérer leur potentiel et ne pas céder au fatalisme. J’ai rencontré des jeunes solides qui ont envie de participer activement à la construction d’une société meilleure.

Chers jeunes de Corse réparez la confiance, créez un tsunami d’espérance, imaginez une société libérée, pacifiée et réconciliée. Vous méritez d’être écoutés. Vos aspirations légitimes partent de vos idées, tendent vers l’idéal et s’éloignent de l’idéologie. Vous le savez, un peuple divisé s’autofragilise. Vous avez la sublime et noble responsabilité de conserver et de transmettre un patrimoine humain, culturel et spirituel unique. Engagez-vous pour que le génie corse soit exploré et exploité.

Dans cette démarche, l’enjeu de la paix pour les futures générations n’est pas une option mais un principe moteur.

Je vous le dis à tous, mes amis Corses, sortons des combats douloureux entre éros et thanatos, il faut que l’amour l’emporte. Je ne parle pas d’un amour romantique artificiel et superficiel, je ne parle pas d’un amour mou et flou mais de l’Amour puissant qu’on trouve dans l’Évangile. Un Amour capable de transformer les vies et de rendre l’être humain heureux parce que respecté dans sa dignité profonde.

C’est le temps de risquer. Celui qui ne risque rien ne fait rien, n’a rien, n’est rien, disait soeur Emmanuelle. Oser une nouvelle étape dans la vie sociale corse nous permettra d’être fiers d’avoir lutté et aimé pour ouvrir un horizon lumineux aux nouvelles générations.

Je vous propose un geste en ce temps particulier. Le dimanche des Rameaux, le 2 avril, participez aux messes dans nos superbes églises de Corse et portez en vous l’intention de contribuer à la paix par votre présence. Les branches d’olivier seront le signe de notre volonté de pacifier les esprits.

Que Marie, Reine de la Corse, éclaire nos consciences et nous donne la force intérieure d’avancer dans la confiance. » •

Mgr François Bustillo, Evêque d’Aiacciu pour la Corse.