Umagiu à Màssimu Simeoni

A nàscita d’Arritti

Lors des 50 ans d’Arritti, Max Simeoni s’exprimait sur Via Stella. Il livrait son analyse sur la suite, 50 ans après les premières luttes. « Nous ne pouvons avancer que si nous sommes encore plus démocratiques que la moyenne lambda » disait-il. Pour lui, le nationalisme se devait d’être exemplaire en tout point. Un message qui témoigne de sa lucidité d’esprit, de son grand sens de la démocratie, et conditionne l’avenir de la Corse. À son peuple, et notamment aux nationalistes qui se revendiquent comme l’aile marchante, de l’entendre et de poursuivre son œuvre.

 

« J’arrive en Corse pour m’installer, je suis médecin avec ma thèse à Marseille, à la fin de mes études, et la Corse bougeait. Il y avait des mouvements économiques et protestataires, en gros le cri c’était « on est abandonné » avec l’exemple du pont de Casamozza à voie unique, construit par le génie américain à la sortie de la guerre, il était encore là ! Bref, quand je débarque en Corse, il n’y a plus rien. C’est le vide complet. Je cherche à comprendre pourquoi. Tout le monde se renvoyant la balle, il me faut un certain temps. Finalement, je comprends qu’ils ont tous fait une mauvaise analyse. À qui croyait qu’il suffisait de faire des dossiers économiques sérieux pour que Paris les prenne en compte, à qui croyait qu’il suffisait de crier dans la rue. Parce qu’il y a eu des manifestations monstres à l’époque ! Le Mouvement du 29 Novembre mettait des milliers de personnes dans la rue. Ça suffisait, mais c’était la demande, le cri, « nous sommes les enfants abandonnés du foyer français »…  Ça n’était pas une analyse politique des réelles causes, des rapports du jacobinisme avec la Corse dans le contexte de l’époque, de la décolonisation d’ailleurs. Où beaucoup de Corses qui rentraient étaient très surpris de voir qu’on continuait dans l’Empire perdu à ouvrir des routes, à faire des hôpitaux et des écoles, alors qu’en Corse on ne faisait rien.

Voilà un peu le contexte de l’époque. Et donc, on s’est lancé. On a sorti d’ailleurs un petit opuscule en fondant le Cedic – Comité d’études de défense des intérêts de la Corse –, dans lequel c’était la Charte de la défense de l’ethnie corse.

En 1964, on fonde donc ce Cedic. On sort cet opuscule en 1966. Et déjà, si vous le consultez, vous verrez qu’il y a toute la problématique d’aujourd’hui, photographiée à l’époque ! Parce qu’on a tiré la leçon des échecs des mouvements passés.

On n’était pas pris en compte dans la presse, qui était engagée dans des combats claniques et politiques nationaux, droite et gauche, pour ou contre De Gaulle… Et donc, nous, il fallait que l’on se fasse entendre. Par déduction logique, on se dit « il nous faut notre journal ». Je voulais un quotidien. On m’a démontré tout de suite que ça n’était pas possible, il fallait aligner tant de centaines de millions à l’époque, en francs anciens, mais c’était beaucoup quand même. Je me suis contenté d’un hebdomadaire.

 

La Corse en 1962, il n’y avait que 160.000 habitants, tous corsophones à l’époque. Elle s’était vidée à la libération comme un réservoir, d’un seul coup, en 25 ans. On était attiré par l’extérieur, pour faire les études, pour le service militaire, et puis surtout pour les promotions, la reconstruction, le plan Marshall, les néons de Paris et de Pigalle faisaient que ça partait par wagons entiers avec le bateau, c’était l’exode. Donc, 160.000 habitants et un territoire complètement sans possibilité d’avenir. On défendait le développement de la Corse – il faut faire quelque chose pour nous. Et deuxièmement, il fallait défendre notre identité, parce qu’on vieillissait et il n’y avait pas de transmission générationnelle de notre culture, etc.

 

Après, tout ça s’est aggravé avec le tourisme. Parce que le tourisme, c’est l’ouverture, mais quand vous n’êtes pas en capacité d’accueillir, vous vous alignez sur le client. Vous devenez un peu folklo…

On a eu beaucoup de progrès. Ce qui a changé après 50 ans, à l’anniversaire d’Arritti, il se trouve qu’il y a une équipe de nationalistes on dira, cela englobe un peu tout, qui est aux commandes territoriales et à la mairie de Bastia. Ce qui est énorme. Il y a quelques années, il y a trois ans, personne n’aurait misé sur ça. Ces 50 ans ont abouti à être dans cette institution. Mais les pouvoirs qu’a cette institution, les compétences et surtout les financements croisés, entre les partenariats de l’Europe, de l’État, des collectivités qui n’ont pas beaucoup d’argent localement, font qu’on n’a pas les moyens d’un vrai développement. On peut infléchir un peu, boucher certains trous, mais on ne peut pas structurer un développement d’avenir. D’autant plus que les gens sont pris dans l’immédiatisme – il y a 60.000 personnes en dessous du seuil de pauvreté – dans l’assistance, ils ont besoin des lois sociales etc, et les pouvoirs politiques doivent pouvoir répondre d’abord à cette demande-là, qui est une demande en fait individuelle, électorale, en échange… On est un peu piégé parce qu’il faut du temps, de l’investissement, du travail, pour pouvoir engager des réformes de structures suffisantes qui dépassent le cadre actuel. Il faut davantage de pouvoir, davantage d’autonomie bien sûr, pour pouvoir structurer un développement durable, comme on dit maintenant. Le fameux Padduc…

 

 

Nous avons été un préalable, mais tout reste à faire. Il faut obtenir les réformes structurelles, il faut davantage d’autonomie, c’est à négocier. Nous sommes pour la démarche démocratique, pacifiste, donc il faut convaincre davantage de Corses et il faut que l’on fasse un front commun dans nos demandes par rapport à Paris. C’est en train un peu de s’esquisser dans certains dossiers… c’est un début. Nous, on était au niveau de la gestation…

On était dans le combat contre, mais on ne refusait jamais un dialogue. On a participé à des dialogues. J’ai participé au statut Joxe, plusieurs d’entre nous ont participé au dialogue chaque fois que c’était possible. Mais on s’est rendu compte, et ça continue, que si l’on n’a pas une masse de Corses qui ne partagent pas entièrement nos idées, mais qui sont d’accord sur quelques points essentiels, comme la langue par exemple, comme le développement durable aussi, si on n’a pas un certain nombre de Corses qui pensent comme nous sur quelques points essentiels, Paris peut nous faire attendre tant qu’il veut. Nos agitations sur place ne le menacent pas. C’est une mauvaise barque quelque part, surtout qu’avec l’Europe et les actions des députés européens dont François Alfonsi et moi-même avant, nous avons fait connaître un peu plus la réalité. Et puis les gens commencent à connaître. Ils savent qu’il y a des statuts, le statut de la Catalogne, du Pays Basque, de la Sardaigne, du Val d’Aoste, alors que quand j’ai commencé, on l’ignorait. Il n’y avait que Paris, c’était le méridien. Après, on avait des œillères pour tout ce qui était latéral…

 

Le journal aujourd’hui sert à continuer, à préparer les esprits dans ce sens-là… Une sorte de pédagogie en fait pour nos idées, d’illustrer l’actualité à travers notre prisme à nous. Il apporte des arguments à nos propres militants qui sont mieux armés… il sert… Et puis surtout, ce qui nous intéresse, c’est ce qui vient après. C’est-à-dire le vrai début. Nous pensons que l’on va regrouper le plus possible de forces. D’abord du côté des natios, comme on dit. Ça se fait, il y a déjà l’hypothèque de la lutte armée qui est levée depuis un certain temps, ça a facilité les choses. Ça va se renforcer si plait à Dieu, du moins il faut travailler à ça, nous sommes plusieurs à le partager et à partir de là, à convaincre et adjoindre plus de gens. Mais notre démarche ne peut être que démocratiques. C’est-à-dire que nous ne pouvons avancer que si nous sommes encore plus démocratiques que la moyenne lambda. Et quand je dis « démocratique » c’est au niveau du combat des idées, pas forcément du bulletin dans l’urne… » •