L’offensive armée lancée par le mouvement palestinien Hamas depuis les territoires qu’il contrôle dans la bande de Gaza a bénéficié d’un effet de surprise total. Plusieurs centaines d’Israéliens ont péri, pour beaucoup des civils sans défense qui ont été la proie d’une violence déchaînée. Lui a répondu une vague de représailles qui a fait, et qui fera, elle aussi, de nombreuses victimes civiles. Une fois l’effet de surprise surmonté, Israël fera à nouveau la preuve de la supériorité indéniable de ses capacités militaires. La question est : où, et quand, s’arrêtera l’escalade ?
Comme toujours, l’escalade politique a précédé l’escalade militaire. Le Hamas cultive les messages les plus extrêmes appelant à la destruction d’Israël, et alimente par là-même la surenchère permanente qui empêche tout espoir de solution négociée.
De son côté, le nouveau gouvernement d’Israël formé après les élections de novembre dernier est le plus réactionnaire qu’Israël n’ait jamais connu, incluant les extrémistes religieux et sionistes les plus radicalisés.
Ce gouvernement d’extrême droite a fait l’objet de nombreuses contestations en Israël même où des manifestations de très grande importance se sont déroulées pour en contrer les orientations. Il encourage comme jamais les colonisations de peuplement dans les territoires de Cisjordanie que les accords d’Oslo avaient destinés à la constitution d’un territoire palestinien viable, pour déboucher sur une solution à deux États donnant aux deux peuples une égale dignité quant à leur reconnaissance par les institutions internationales.
Trente ans après, le conflit paie cash l’échec du processus de paix accepté par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, ce faiseur de paix que les extrémistes sionistes ont abattu en 1995. Cet acte terroriste a fait alors basculer le conflit dans l’escalade permanente, et, vingt-huit ans plus tard, la guerre resurgit avec encore davantage de violence aveugle.
Les morts répondront aux morts, mais les vivants devront bien continuer à vivre, et ils ne pourront le faire demain qu’en arrivant enfin à la Paix. La route vers la Paix, nous le savions, sera longue. Elle le sera encore bien davantage, et le Hamas, par son acte de guerre, a créé les conditions de prolonger la guerre qui frappe son peuple comme celui d’Israël. Car l’heure désormais est celle de l’escalade militaire.
Sur le terrain le Hamas a réussi à déployer son offensive avec une facilité qui déconcerte tous les observateurs. Sans doute était-il mieux armé cette fois, grâce à ses soutiens internationaux (Iran, Qatar), et surtout avec ses volontaires qui ont réussi à bousculer le blocus militaire de la bande de Gaza, et à se rendre capables de coups militaires à l’intérieur même du territoire israélien.
Mais l’explication de ce succès inattendu tient aussi, et surtout, aux faiblesses manifestes des défenses israéliennes. Tous les secteurs ont été défaillants, à commencer par celui du renseignement inexplicablement resté inerte alors que des centaines de palestiniens se sont mis en action, dans un mouvement d’ensemble concerté et commandé par un état-major à la fois mystérieux, totalement étanche et faisant la preuve d’une intelligence tactique inédite.
Outre le bilan des pertes militaires et civiles, qui dépassera certainement le millier, Israël devra tenir compte de la centaine au moins de prisonniers/otages que le Hamas détient et dont il va se servir pour dissuader toute controffensive militaire.
D’autres difficultés sont prévisibles, en Cisjordanie où le Hamas est en train de supplanter les dirigeants du Fatah qui sont à la tête de l’Autorité palestinienne au fur et à mesure que les israéliens extrémistes poursuivent, avec l’appui du gouvernement, une colonisation de peuplement qui vise à étouffer toute possibilité d’une solution à deux États. Un autre front potentiel peut surgir aussi à la frontière libanaise face au Hezbollah qui a les mêmes soutiens que le Hamas. Cependant le récent accord sur le partage des ressources gazières conclu lors de pourparlers directs entre le Hezbollah et Israël incitera certainement à la retenue de ses dirigeants dont l’entrée dans le conflit signifierait aussitôt la fin de cet accord.
Mais tout est devenu instable désormais alors que la certitude était largement répandue qu’Israël était en sécurité derrière son armée et son bouclier anti-missiles. Les régimes arabes qui avaient parié sur cette domination absolue de Tel Aviv en signant les accords d’Abraham vont être sous la pression de leurs opinions publiques qui y voient une trahison des Palestiniens, alors que l’action d’éclat du Hamas inspire des manifestations populaires. Si peu est à craindre en Arabie Saoudite et dans les Emirats où les dictatures semblent immuables, cela sera beaucoup plus agité au Soudan qui est en guerre, et au Maroc où l’opinion est très majoritairement pro-palestinienne.
Au Moyen Orient la guerre est donc repartie de plus belle. On le doit à l’échec des tentatives d’arriver à une Paix acceptable par tous qu’avaient fait espérer les accords d’Oslo. Mais, quelle que soit l’issue de ce nouveau conflit, il faudra bien conclure, un jour ou l’autre, la paix. Et elle se fera obligatoirement entre Israéliens, dont l’État devra être enfin reconnu par les dirigeants du peuple palestinien, et Palestiniens, dont la présence et la reconnaissance en droit dans des frontières viables devra être admise par Israël et la communauté internationale.
On en reviendra nécessairement, un jour ou l’autre, à la solution à deux États définie par les accords d’Oslo. •