Le 14 octobre dernier, les australiens ont majoritairement rejeté la réforme des droits des aborigènes par référendum, qui devait recueillir une majorité de votes au niveau national mais également dans quatre États sur six pour être amorcée.
Le texte proposait la reconnaissance des Aborigènes comme les premiers habitants d’Australie et ainsi leur accorder des droits particuliers au sein de la Constitution de 1901. 55 % des électeurs ont voté contre. La création d’un conseil consultatif, « La Voix », pouvant émettre des avis sur les politiques du parlement et du gouvernement concernant les aborigènes et premiers peuples d’Australie, était porté par le Gouvernement travailliste en place. Ce vote constituait un moyen de faire union dans un pays dont l’histoire est profondément marquée par des injustices et du racisme d’État et aurait pu être un moyen de panser les plaies d’un passé de répression raciale. Les premières populations d’Australie représentent presque un million de personnes, plus de soixante-mille après leur arrivée sur l’île, et souffrent de situations de grande précarité, de niveau d’incarcération plus élevé, d’un accès à l’éducation plus faible et le taux de suicide et la mortalité infantile y sont deux fois supérieurs.
Un peuple divisé
La campagne, qui a divisé les australiens pendant des mois, a connu un retournement de situation dans ses derniers mois. Alors que les pro-réforme menaient, l’opposition conservatrice conduite par l’ancien ministre de la Défense Peter Dutton a réussi un tour de force en insistant sur la menace de l’instauration d’une différenciation de citoyenneté entre les aborigènes et les australiens blancs. La campagne a eu l’effet d’une division de la population australienne, entrainant de nombreux commentaires racistes et anti-aborigènes et de nombreuses fake news sur des sujets sensibles comme la remise en cause des titres de propriété ou encore la majoration des impôts pour les personnes descendantes de colons. La campagne a ainsi mis en lumière un système de presse plus que fragile en Australie.
Les représentants du peuple aborigène ont alors dénoncé dans une lettre ouverte dix jours après la tenue du référendum une « majorité honteuse » s’y étant opposé : « Nous n’acceptons pas un instant que ce pays ne soit pas le nôtre ». Les signataires évoquent la volonté de créer leurs propres instances de consultation, et ont organisé la tenue d’une semaine de silence largement non suivie par les australiens.
L’usage du référendum pose alors question lorsque l’on sait que les aborigènes ne représentent que 3,8 % de la population australienne et les australiens blancs représentent aujourd’hui l’immense majorité des habitants de l’île. Ce simulacre de démocratie et d’auto-détermination des peuples nous rappelle le récent échec néo-calédonien en 2021, dernier des trois référendums prévus dans le cadre de l’Accord de Nouméa de 1998. Même si la situation est sensiblement différente de celle des aborigènes, les kanaks ne représentent plus la majorité de la population de Nouvelle-Calédonie en n’avoisinant que 38 %. Ces échecs ouvrent une réflexion sur la pertinence des référendums d’auto-détermination sur des terres colonisées. •