La véhémence des attaques portées sur les réseaux sociaux ces dernières semaines contre U Levante et le Garde s’inscrit dans le contexte d’une offensive plus large contre le Padduc et la loi Littoral, ou encore dans celui créé par la répétition d’attentats ou d’incendies criminels contre le Parc marin du Cap Corse ou d’autres cibles liées à la protection des sites et de la nature. En fait c’est contre l’existence même de lois protectrices, et contre leur mise en application, qu’une contestation hétéroclite se met en place.
La condamnation qui a frappé la famille Peretti à Coti-Chjavari est le dossier sensible qui a rassemblé largement autour du sort de cette famille réputée exempte de projets immobiliers pharaoniques, mais condamnée à démolir par les tribunaux plusieurs constructions illégales, érigées sur un terrain familial aux caractéristiques d’un grand site naturel.
Cette décision est celle d’un tribunal, mais la vindicte frappe avant tout les associations de défense du littoral qui ont activé la procédure qui a conduit à cette condamnation, à savoir U Levante et Le Garde. Avec un leitmotiv : mener campagne contre l’agrément qui leur permet d’ester en justice.
On peut penser que la condamnation qui frappe la famille Peretti est excessive, au regard d’une infraction avérée mais limitée, et apporter une solidarité à ce titre. Mais ceux qui instrumentalisent le dossier vont beaucoup plus loin et voudraient, en s’appuyant sur ces réactions, arriver à disqualifier toute possibilité de s’opposer à la bétonisation du littoral, en attaquant les associations, en remettant en cause le Padduc, et en vitupérant contre les lois de protection en vigueur.
Le discours du sénateur Jean Jacques Panunzi à Coti Chjàvari lors du grand méchoui de soutien à la famille Peretti a bien résumé les intentions : haro sur l’agrément des deux associations phares de défense du littoral, de façon à les désarmer dans leurs combats futurs, puis attaques virulentes contre le Padduc, et, dans la foulée, contre l’Exécutif de l’Assemblée de Corse qui en défend l’existence pour la protection des espaces naturels remarquables et la préservation des espaces stratégiques agricoles.
On sent bien derrière la mobilisation de Coti Chjàvari les mêmes ressorts que ceux qui ont été activés pour la défense des propriétaires du Domaine de Mùrtuli à Sartè, aux intérêts économiques bien plus considérables, avec d’ailleurs les mêmes hérauts plus ou moins intéressés portant haut le verbe accusateur.
L’affairisme patent qui entoure cet autre dossier polémique éclaire sur les intentions réelles des acteurs de ces mobilisations ; ouvrir des brèches dans les dispositifs de protection des sites et favoriser ainsi l’émergence de nouveaux projets qui dorment dans les cartons.
À côté de cet activisme à ciel ouvert, surgissent aussi d’autres manœuvres. En quelques jours, on a enregistré des dégradations contre la maison du Grand Site de Patrimoniu, l’incendie du navire de surveillance du Parc marin du Cap Corse, et d’autres méfaits dont la fréquence augmente de façon inquiétante.
Les forces économiques qui ont poussé par le passé, et qui poussent encore et toujours, à la bétonisation de la Corse n’ont pas désarmé, loin s’en faut. La spéculation immobilière est de loin l’activité économique qui suscite le plus de convoitises, et qui abrite aussi de nombreuses intentions mafieuses. Face à elles, il ne faut certainement pas désarmer les dispositifs de protection qui sont en place, bien au contraire.
On peut s’interroger sur telle ou telle attitude de la justice, qui, ailleurs qu’à Coti Chjàvari, a fait preuve de plus de mansuétude, par exemple sur les hauteurs de Rundinara où l’on a édifié un palace finalement légalisé en plein cœur d’un des sites les plus remarquables de Corse. Mais on ne peut certainement pas donner la main à une campagne virulente dont l’objectif est en fait de démanteler tout ce qui fait que la Corse a encore, en Méditerranée, une réputation préservée pour la protection de ses sites remarquables. •