Sguardu di giuventù

François Joseph Negroni : « Il faut que le processus aboutisse »

François Joseph Negroni hè l’ùltimu arrivatu in a squadra reddazziunale d’Arritti. Giòvanu inginiore di 25 anni, hè un pruduttu di l’Università di Corsica è a Scola d’ingeniore PaoliTech. Vole impegnassi pè u so paese è maturisce digià belle riflessioni per l’avvene.

 

 

Présente-toi à nos lecteurs…

Je suis San Lurenzincu. J’ai 25 ans. J’ai toujours vécu à Bastia mais l’accroche au village a toujours été plus importante. Je suis responsable du bureau d’études des deux aéroports de Haute-Corse, Bastia et Calvi. Je m’occupe de toute la partie développement et mise en conformité par rapport à l’Union européenne. Les aéroports en Corse représentent un énorme enjeu social, sanitaire, d’ouverture sur l’Europe. On réduit un peu l’aérien au tourisme mais ça n’est pas que ça. Tout le monde est obligé de passer par l’avion. Il faut trouver des solutions pour répondre aux enjeux énergétiques et environnementaux et c’est une grosse partie de mon travail.

 

Comment t’es-tu retrouvé à la Chambre de Commerce ?

J’ai fait mon stage de fin d’études dans les aéroports parce qu’ils travaillaient sur un gros projet sur les énergies renouvelables que j’ai dû mettre en place pour alimenter les avions à partir d’hydrogène et de photovoltaïque. On serait les premiers aéroports en Europe, et même au monde, à faire ça. Puis on s’est rendu compte que l’enjeu dépassait le simple stage et qu’il y avait énormément de choses à faire. Avec la fusion des deux chambres de commerce, on est en train de mutualiser sur les quatre plateformes. On a donc trouvé un accord pour qu’à la fois j’apporte mon expertise sur la partie aéronautique, et qu’en même temps j’ai une liberté d’action sur la partie développement durable.

 

Quelles études as-tu fait pour cela ?

Un bac Scientifique au lycée à Montesoru, puis une prépa intégrée Maths-Physique à Corti et j’ai enchaîné par l’école d’ingénieurs PaoliTech en spécialité énergies renouvelables.

 

Tu es donc resté en Corse ?

Oui. C’était un choix d’avoir une carrière professionnelle en Corse et de sortir de l’Université de Corse. Son histoire, le fait qu’on ait été privé d’université pendant trop longtemps, sa réouverture en 1982 après tant de luttes, je ne me voyais pas faire mes études ailleurs puisqu’elles étaient proposées à Corti.

Au final, ça a été un deal super gagnant. PaoliTech est une école très cotée dans ce secteur. Elle est en train d’acquérir une renommée nationale. On a les taux d’accréditation de titres d’ingénieurs les plus élevés. Il y a une énorme confiance dans l’école et nombre de nos jeunes ingénieurs rentrent dans de grosses boîtes comme EDF, etc. Elle s’ouvre à l’internationale, à l’Europe. Je n’ai donc aucun regret d’avoir fait mes études ici.

 

Une fierté ?

Exactement. On ne se rend pas compte de la qualité de cette université, c’est vraiment un axe que j’aime développer quand je discute avec de jeunes lycéens qui hésitent à faire leurs études ici. On a des professeurs qui sont renommés au niveau international sur l’énergétique, on a été les pionniers dans le développement de l’hydrogène vert, on a une école qui est à taille humaine, dix, douze par promo. On connaît les professeurs et les professeurs nous connaissent. Et puis surtout les cours sont adaptés au territoire, aux enjeux de la Corse et à son futur. C’est ce que j’étais venu chercher.

 

L’hydrogène, c’est le grand défi d’avenir au niveau énergétique ?

C’est un sujet un peu tabou, car c’est une solution qui se développe fortement, mais encore à un stade semi-expérimental, en ce sens où il y en a qui y croient, d’autres qui sont contre. Force est de constater que c’est vraiment une énergie d’avenir. L’Europe a misé des dizaines de milliards dessus, la France aussi. Moi j’y crois. L’avantage de ce vecteur énergétique, c’est qu’il peut servir de stockage comme de carburant, la production d’hydrogène vert a des fonctions et des enjeux multiples. Elle a toute sa place et un avenir vraiment radieux en Corse avec la production photovoltaïque.

 

Le stockage c’est justement un enjeu si l’on veut développer les énergies renouvelables et combattre le problème d’une production aléatoire…

L’étape suivante est de retranscrire Vignola à échelle opérationnelle. Pour prendre l’exemple des aéroports, un avion quand il arrive à quai, doit être rechargé électriquement. Aujourd’hui dans tous les aéroports de Corse, on a un groupe électrogène mobile au fioul qui est branché à l’avion. Avec les restrictions européennes, on doit se brancher au sol à une électricité plus conventionnelle. Si on se relie à EDF, on aura une électricité en grande partie carbonée et on alourdit davantage un secteur en tension puisqu’on sait que la production d’électricité en été c’est un sujet avec l’augmentation de la consommation. On est donc parti de ce postulat et de l’obligation de couvrir les parkings en photovoltaïque pour développer l’hydrogène comme moyen de stockage de l’électricité et permettre à l’ensemble des avions d’être alimentés électriquement : 100 % en énergies renouvelables et 100 % produits sur le site de Poretta ! Ça a été étudié, démontré, présenté notamment à France Relance qui est intéressé par le projet et à l’Union des Aéroports Français. De nombreux aéroports se sont intéressés à nous, notamment l’aéroport de Lyon.

 

Quels sont les objectifs ?

Ffaire de nos contraintes – couvrir en photovoltaïque et alimenter les avions – un avantage pour faire marcher les entreprises locales, faire du renouvelable, utiliser une méthode créée à l’Université de Corse à Vignola, et l’exporter au niveau national et européen.

On a énormément d’entreprises performantes dans ce secteur, une Université et une école qui sort une dizaine d’ingénieurs tous les ans depuis une dizaine d’années. Une dynamique est en train de s’installer. Si l’on arrive à voir les enjeux énergétiques comme un potentiel d’emplois, un potentiel social et économique pour la Corse, on va faire quelque chose de grand, parce qu’on a une petite avance. Si on le voit comme une contrainte, on créera des tensions.

 

Tu t’investis aussi en politique, quel est ton parcours de ce point de vue ?

Je suis membre de l’Exécutif de Femu a Corsica et président du groupe Socu Naziunalistu à l’Assemblea di a Giuventù.

J’ai toujours eu un attrait pour la chose publique, en m’intéressant à l’histoire de la Corse, à ses spécificités. En allant de plus en plus loin dans cette réflexion, on bascule dans le nationalisme et la recherche de plus d’autonomie. C’est comme ça vers 14-15 ans que j’ai commencé à m’y intéresser. J’ai attendu mes 20 ans pour véritablement franchir le pas et adhérer à Femu a Corsica. C’est un cheminement personnel qui m’a amené jusque-là.

 

Raconte-nous ton investissement au sein de l’Assemblea di a Giuventù ?

C’est une très belle expérience. Au lendemain des élections territoriales de 2021, quand les groupes se sont constitués, on a ressenti la tension des divisions du mouvement national. Chez les jeunes, on avait des réticences par rapport à ce qui se passait « chez les grands ». Plusieurs groupes nationalistes se sont créés mais on avait peur de ne pas pouvoir travailler ensemble, et on a démontré l’exacte contraire ! On a passé deux ans à sortir des rapports en commun, il n’y a jamais eu de problèmes, et on a fourni un travail collectif de grande qualité, reconnu par l’Exécutif, et par la présidente de l’Assemblée de Corse. On a démontré qu’on pouvait mettre de côté les étiquettes politiques.

 

Tu as suivi quels sujets plus particulièrement ?

J’étais dans les commissions économiques et affaires européennes. D’une famille d’agriculteur, j’ai toujours été impliqué dans ces questions-là, j’ai donc travaillé sur la question agricole.

 

Que penses-tu justement de la crise agricole ?

Il y a ici énormément de problèmes et les discussions actuelles au niveau français ne sont pas du tout adaptées à la Corse. Ça rejoint les discussions sur l’autonomie. On a des spécificités d’accès au foncier très différentes par rapport au Continent ou à l’Europe de manière générale. On a aussi des besoins de recherche d’autonomie alimentaire, des problèmes de transport, des complications au niveau de la politique agricole commune. La PAC a été créée au départ pour contrer les dynamiques de mondialisation et avoir une agriculture compétitive. Elle a été modifiée pour favoriser la spéculation foncière, la possession de terres au détriment de la production. Les agriculteurs corses essaient de produire mais ils ne sont pas bien accompagnés, contrairement à d’autres qui ont énormément de terres avec une production qui n’est pas à la hauteur des terrains qu’ils possèdent. Ici on milite pour qu’il y ait des changements de critères de PAC davantage axés sur la production. Il y a aussi la problématique du revenu évidemment, de la retraite, mais nos problèmes sont très spécifiques.

 

Que penses-tu du processus d’autonomie ?

Je suis d’une génération qui n’a pas connu les précédents processus. Aussi si on rate cette étape-là, on repart pour 20 ou 25 ans ! Bien sûr il y a des problèmes de calendrier, de méthodes, d’interlocuteurs, mais ça fait 60 ans que le mouvement national, s’est reformé autour des questions d’autonomie. Aujourd’hui on arrive à l’aboutissement d’un combat qui a duré trop longtemps, il faut que dans l’avenir nos enfants puissent voir l’autonomie comme quelque chose de normal et de banal. On y croit fortement. Tout ne fonctionne pas, on est d’accord. Mais il y a des avancées. Si en 2021, on m’avait dit à titre personnel qu’en 2023-2024, on discuterait de l’autonomie, j’aurais dit ça n’est pas possible. Parce qu’on a connu le déni démocratique. On a vécu les victoires de 2015, 2017, 2021, pour ne parler que des élections territoriales, avec l’espoir que la démocratie règne et qu’un processus naturel voit le jour. Puis on a vécu Macron et Chevènement, nos présidents de l’Exécutif et de l’Assemblée de Corse fouillés au corps, on a vécu à la fois le déni démocratique et ces discussions. Donc malgré les vents contraires, les contraintes, il faut aller de l’avant, et il faut que le processus aboutisse.

 

Que penses-tu de la jeunesse aujourd’hui ?

La jeunesse corse a une culture politique supérieure à ce qu’on peut voir sur le Continent, mais la dérive que connaît l’Europe au niveau des extrêmes et le monde au niveau des réseaux sociaux et des fake-news qui pullulent dans la société nous affectent aussi. Je milite pour qu’à l’école on puisse comprendre le fonctionnement des institutions, de la Collectivité, etc. Il faut combattre démocratiquement cette dérive des extrêmes mais par sa facilité de pénétration dans la jeunesse, en proposant des solutions qui ne sont ni faisables, ni réalistes, ils ont le pouvoir d’impacter facilement les jeunes.

 

Comment t’es-tu intéressé à Arritti ?

Arritti a toujours été présent autour de moi. Depuis petit, je l’ai toujours eu à portée de main. Il y a quelques mois, j’ai commencé à m’y intéresser de plus près, en discutant avec des contributeurs. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. Quand on publie quelque chose dans Arritti, ça reste, c’est lu, j’avais donc cette humilité face à l’écriture, et puis un jour on franchit le pas, et c’est ce que j’ai fait.

Aujourd’hui on a une équipe avec plusieurs jeunes dans la tranche d’âge entre 20 et 30 ans. Avec des personnes aussi qui ont plus d’expériences, qui sont là pour transmettre à cette nouvelle génération, qui a une vision nouvelle, qui sont là pour contribuer, apporter des choses. Je crois que ce journal a su véritablement s’inscrire à chaque fois dans l’histoire avec de nouvelles idées et une nouvelle génération. S’il est toujours présent aujourd’hui, c’est qu’il mérite d’exister. •