Nouvelle-Calédonie

Le dégel électoral rouvre d’anciennes plaies en Kanaky

En 1998, l’Accord de Nouméa scelle une longue période de conflit en Nouvelle-Calédonie. Parmi les termes de l’accord, un gel du corps électoral déterminé en 2007 : seuls les citoyens présents au moment de l’accord et leurs descendants, ainsi que ceux justifiant d’une résidence de plus de 20 ans en continu sur le territoire pouvaient avoir accès au droit de vote aux élections concernant directement le territoire kanak. Le 2 avril dernier, le Sénat adopte un projet de loi constitutionnelle pour permettre aux résidents de 10 ans sur le territoire d’avoir accès au vote. Une modification qui risque de bousculer la société néo-calédonienne si le processus aboutit.

 

 

Depuis maintenant plusieurs jours, la Nouvelle-Calédonie est en proie à des mouvements de contestations dans les rues, de la part du peuple kanak principalement. En cause : le dégel du corps électoral dans la Constitution, dont la première étape a été validée au Sénat français le 4 avril.

Depuis 2007, seules les personnes inscrites sur les listes électorales au moment de l’Accord de Nouméa de 1998 ont le droit de voter aux élections provinciales. Et leurs enfants. Une clause dans l’accord de 1998 permettait une modification : celle de pouvoir accorder le droit de vote aux élections provinciales aux résidents justifiant de 10 ans de résidence sur le territoire. Cette clause a été gelée par les sénateurs en 2004, et ce malgré les nombreuses protestations des français de métropoles installés sur l’île. Pourtant, ce 4 avril, à l’initiative de Gérald Darmanin, le processus pour permettre la mise en place de cette clause a été amorcé. Le Sénat français a adopté le projet de loi constitutionnelle pour permettre aux 43 000 personnes de voter aux élections provinciales, qui s’ajouteront aux 150 000 personnes déjà habilitées à voter. Ce nombre va rebattre les cartes de manière inédite dans les prochaines décisions soumises aux citoyens, et, d’après les représentants des partis indépendantistes notamment, mettre en péril la paix fragile construite depuis l’Accord de Nouméa.

 

Décision condamnée par les partis kanaks

Sans surprise, cette nouvelle a été largement célébrée par le camp des anti-indépendantistes. Selon les différentes déclarations recueillies sur FranceInfo Nouvelle Calédonie, les partisans du dégel électoral avancent qu’il s’agit d’une « décision juste et démocratique, en accord avec les règles internationales » (Virginie Ruffenach, la présidente du groupe Rassemblement au Congrès à France Info Nouvelle-Calédonie).

Du côté des mouvements kanaks, on déplore un projet préparé dans l’urgence et sans consultation.

« On n’est pas contre travailler sur l’inscription des natifs mais le périmètre validé aujourd’hui est trop large » a déclaré Pascal Sawa, maire de Houaïlou et secrétaire adjoint de l’Union Calédonienne.

Réaction également de Jean-Pierre Djaïwé, chef du groupe Uni au congrès : « On aurait aimé qu’on nous laisse le temps entre Calédoniens et ne pas nous mettre la pression avec ce projet de loi constitutionnelle. Qu’est-ce qui va se passer ensuite ? Ça rend l’horizon un peu plus compliqué… »

Depuis ce vote, des milliers de personnes sont mobilisées à Nouméa en protestation de cette décision. Il est à craindre que de fortes tensions émergent ces prochains temps sur l’île.

Une question qui reste en suspens est celle de la raison de cette volonté soudaine de dégel de la part de Gérald Darmanin. Au moment où le processus de Beauvau est sur le point d’aboutir pour l’autonomie de la Corse, cette initiative aux relents de colonialisme de la part de l’État français n’annonce rien de bon pour les territoires revendiquant leur autodétermination. •

Léa Ferrandi.