De l’Alsace à la Bretagne, de la Corse à la Savoie, en passant par le Pays Basque, la Catalogne et l’Occitanie, partout en France où les langues régionales sont opprimées, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées pour demander la modification de la Constitution « maintenant » et la reconnaissance de ces langues pour qu’elles puissent vivre et s’épanouir. Tour d’horizon des différents rassemblements.
En Bretagne, plus de 1500 personnes se sont rassemblées pour dénoncer la situation faite aux langues régionales, et notamment au breton. À Brest, Quimper, Morlaix, Guingamp, Lannion, Saint-Brieuc, Vannes, Lorient, Pontivy, Rennes, Nantes, Redon… les militants de la langue ont manifesté dans les cinq départements bretons. Ils dénoncent « une interprétation restrictive de l’article 2 de la Constitution systématiquement opposée à chaque avancée possible pour nos langues ». C’est vrai dans l’enseignement public comme dans l’enseignement associatif. Et les bretons s’inquiètent pour Diwan, les écoles immersives en langue bretonne, mises en difficultés par les attaques incessantes de l’administration française. « Nos langues ont besoin que ce qui a été construit jusqu’à présent ne puisse pas être remis en cause… le breton comme les autres langues régionales a besoin de sécurité juridique ».
« Les ambitions politiques linguistiques publiques et les moyens sont en recul. Les langues régionales sont oubliées dans les réformes du collège, du lycée et dans la formation des enseignants ; elles ont quasi disparu des épreuves du bac ; la généralisation de leur enseignement à tous les élèves d’un territoire qui le souhaitent n’a pas été suivie d’effet et le principe de l’enseignement du breton par immersion n’est pas définitivement acquis sur le plan juridique » dénonce le collectif Pour que Vivent Nos Langues.
Au Pays Basque, avec une dizaine de rassemblements, ce sont plus d’un millier de personnes qui ont manifesté « pour la modification de la Constitution ». À Arbona, Azkaine, Baiona, Beskoitze, Donibane Garazi, Hazparne, Hendaia, Itsasu, Maule et Ziburu, les militants ont dénoncé « les recours déposés, via les préfets, contre les délibérations locales visant à développer l’utilisation des langues territoriales ».
Pour Euskal Konfederazioa, qui regroupe les associations culturelles et de promotion de la langue basque, « la revitalisation de nos langues et le respect des droits des locutrices et locuteurs passent inévitablement par l’élaboration d’un cadre législatif adapté, nos langues doivent être sécurisées juridiquement. Mais la mise en place d’un tel cadre requiert un préalable indispensable : la modification de la Constitution française, et notamment de l’article 2 ».
En Catalogne, la date du 1er juin coincidait avec la 19e édition de la Bressolada, la fête des écoles et collèges de Bressola, les écoles immersives en langue catalane. Un rassemblement de plusieurs centaines de personnes où tous les élèves de tous les établissements, leurs familles, leurs enseignants, et les militants se réunissent, débattent et fêtent leurs écoles. Chants et rires des enfants catalans ont résonné tout au long de la journée. Pour marquer le soutien aux rassemblements du collectif Pour Que Vivent Nos Langues, une banderole a été déployée par les militants de la Bressola pour demander la modification de la Constitution et manifester « le droit de vivre dans nos langues ».
En Occitanie, plusieurs centaines de militants de la langue se sont rassemblés à Nîmes, Montpellier, Toulouse, Lavaur, Lescar, Narbonne, Périgueux, Carcassonne, Cintegabelle, Pibrac, Cournonterral, Gaillac, Agen, Leguevin, Pau, Béziers, Félines Minervois, Artix, Gignac, Albi, Mèze, Saint Céré… « Nous demandons une révision constitutionnelle garantissant l’enseignement immersif en langues régionales » ont déclaré les responsables du collectif un peu partout dans l’ensemble occitan, « nous réclamons la réintégration de l’occitan au baccalauréat, la possibilité n’existe aujourd’hui que pour le brevet. Et nous souhaitons pouvoir appeler nos enfants avec un prénom régional, ce n’est pas possible aujourd’hui à cause de l’orthographe non reconnue dans la langue française ». L’accent aigu sur le ú, tout comme le ñ tildé, typiques de la langue occitane, sont systématiquement rejetés par l’administration française.
En Savoie, une motion adoptée par la Fédération des groupes de langues savoyarde, qui compte 25 associations en Savoie et Haute-Savoie, a été adressée au président de la République. Elle dénonce le fait que, malgré la circulaire du ministère de l’Éducation nationale de 2021 qui fait entrer le francoprovençal dans la liste des langues régionales pouvant être enseignées et présentées aux examens, « trois ans plus tard, cette offre n’existe que de façon marginale dans quelques établissements scolaires là où elle existait déjà avant la circulaire ». Autant dire que rien n’a changé. Les militants dénoncent aussi l’inexistence de la formation initiale des enseignants en francoprovençal, et la formation continue qui débute à peine. Il n’existe ni Capes, ni agrégation de francoprovençal.
Une autre motion, s’associant à l’action du collectif Pour Que Vivent Nos Langues, a été adoptée pour demander « la révision de l’article 2 de la Constitution ». •
F.G.