Arritti donne la parole à des jeunes corses engagés. Ils nous expliquent la façon dont ils s’investissent pour l’île.
Lisa Pupponi a 25 ans. Originaire de Santa Lucia di Tallà, elle a étudié l’urbanisme et l’aménagement à l’Institut de Géographie de Paris avant d’entreprendre une thèse à l’Université de Corse sur le sujet de la résilience des territoires.
Après ses études à Paris, Lisa a choisi d’habiter entre son village et Aiacciu. À sa manière, elle s’investit pour le développement de sa microrégion et de la Corse.
Après tes études tu as décidé de vivre au village, est-ce que c’est un choix militant ?
Un choix militant non. C’était juste une aspiration que j’avais depuis plusieurs années parce que le village réunit des conditions de vie qui me plaisent. J’ai surtout fait le choix de ne pas m’en priver.
Tu es présidente du comité d’animations culturelles tallanais qui organise des évènements au village. Est-ce que dynamiser les villages passe par la création d’une offre culturelle et évènementielle ?
Le dynamisme dans le rural est devenu quelque chose d’assez abstrait selon moi. Les comités des fêtes y participent d’une certaine façon mais je dirais qu’ils jouent un rôle non-négligeable dans le maintien des formes de sociabilité qui s’étiolent. Les modes de vie évoluent, l’interconnaissance diminue mais on a encore ces événements qui sont des sortes d’interstices de vie où les générations se retrouvent.
Plus généralement, comment pourrait-on rendre les villages plus attractifs pour la jeunesse selon toi ?
Il n’y a pas de secret, c’est l’emploi et il se trouve aujourd’hui à Aiacciu et Bastia. Les petites villes de Corse ne jouent plus le rôle d’entraînement économique qu’elles auraient dû jouer pour maintenir la vie dans les villages. Alors créer de l’emploi à proximité ou favoriser la flexibilité du travail, je pense que ça pourrait constituer l’une des conditions favorables pour que des jeunes qui le souhaiteraient viennent davantage au village.
Avec Anne-Laure Nesi, tu es également co-présidente du Réseau d’urbanisme, de géographie et d’aménagement de Corse. Quel est le but de ce réseau ?
L’urbanisme c’est une profession plutôt récente qui est montée en puissance au cours des dernières années, du fait des enjeux d’aménagement et de planification territoriale. Beaucoup de jeunes sont partis se former sur le Continent et sont ensuite revenus en Corse sans forcément connaître les structures et les professionnels de l’île. Alors on a décidé de se recenser par le biais du RUGA pour rendre le monde de l’urbanisme et de ses acteurs un peu moins opaques. C’est un réseau qui est fondé sur l’entraide professionnelle et le partage de connaissances avec un rôle pédagogique fort puisqu’on organise des ateliers dans les établissements de l’Académie de Corse.
On pense en effet qu’il y a un enjeu important d’apprentissage et de formation vis-à-vis des métiers de l’aménagement qui sont largement sous-représentés.
Quels sont les défis relatifs à l’aménagement du territoire en Corse pour les prochaines années selon toi ?
D’un point de vue technique, sans aucun doute le rattrapage à opérer en termes de planification réglementaire. D’un point de vue politique, je dirais la nécessaire mise en cohérence entre les aspirations de développement – où personne n’arrive à se mettre d’accord – et les contraintes imposées par l’État avec lequel les marges de négociation s’amenuisent.
Quel regard portes-tu sur la façon dont nos collectivités et nos politiques impliquent la jeunesse dans le développement de la Corse ?
Il y a d’une part une volonté d’implication dans un cadre très institutionnalisé, qui prétend avancer sur le plan des idées mais qui pêche sur le terrain local et surtout rural. Parallèlement, les mouvements politiques de jeunes se font et se défont sans imprimer une vision commune et durable.
Somme toute, c’est peut-être inhérent à la jeunesse qui est hétéroclite et n’est pas faite pour durer. Je miserai plutôt sur la culture de l’engagement personnel et de l’abnégation. •