Changement de la position française sur le Sahara Occidental

Un mauvais réflexe colonial

Durant l’été 2024, Emmanuel Macron a pris la décision de remettre en cause la position française sur le Sahara Occidental, et de se ranger derrière celle du Maroc qui occupe militairement ce territoire depuis 1975, et qui veut en faire une partie intégrante du royaume du Maroc à travers un régime d’autonomie piloté depuis Rabat, en le privant de son droit à l’auto-détermination pourtant reconnu par l’ONU.

 

Tout le droit international qui a accompagné la décolonisation de l’Afrique dans les années 60 et 70 s’est construit sur la base des frontières acquises durant la période coloniale qui a précédé. Seule colonie espagnole établie en Afrique, le territoire du Sahara Occidental est donc un territoire aux frontières juridiquement définies, et les populations de ce territoire ont revendiqué, à compter du départ de l’Espagne en 1975, leur droit à l’autodétermination. Après plusieurs années de conflit entre le Front Polisario et l’Espagne, puis contre le Royaume du Maroc, un projet de referendum avec constitution d’un corps électoral légitime et accepté par les parties du conflit et par l’ONU a été envisagé en 1991. Mais sa tenue a été empêchée par une nouvelle offensive militaire de l’armée marocaine.

Face à l’invasion militaire marocaine, les dirigeants du Front Polisario, et de très nombreux civils saharaouis, ont dû s’exiler hors de la frontière de l’ancien Sahara espagnol et se sont établis à Tindouf, en Algérie voisine. L’Algérie, en soutenant très fortement le Front Polisario, s’est imposée comme un des protagonistes de ce conflit qui, depuis des décennies désormais, est un enjeu majeur de la rivalité entre Algérie et Maroc.

Depuis 1991, l’état de fait colonial créé par le Maroc grâce au recours à la force armée a perduré sur le terrain, alimentant un conflit juridique et diplomatique international qui est toujours pendant, notamment devant les tribunaux de l’Union européenne où les autorités saharaouies ont eu gain de cause contre Rabat. L’affaire doit être jugée en appel d’ici quelques semaines.

 

Pour Régions et Peuples Solidaires

1/ L’Histoire des territoires africains n’a pas commencé avec leur colonisation par les Européens. Tout le Sahara est un espace où de nombreux peuples nomades ont légitimement établi leur culture au fil des siècles et des millénaires. Dont certains sont d’expression berbère, comme les Touaregs, et aussi comme les bergers berbères qui utilisaient les ressources du désert du Sahara Occidental pour nourrir leurs troupeaux. En aucun cas ces peuples ne sont « arabes », et la République du Sahara Occidental est ainsi abusivement appelée République Arabe Saharaouie Démocratique par le Front Polisario. Cette orientation étatique arabisante ne respecte pas la culture, l’Histoire et les choix de l’ensemble des habitants du Sahara Occidental. Il en est d’ailleurs de même pour tous les peuples berbères qui vivent en Algérie et au Maroc.

 

2/ Dans l’Histoire, la décolonisation a été conduite dans le cadre du droit international, à l’intérieur des frontières établies par la colonisation. Toute entorse grave à ce cadre juridique et diplomatique est une atteinte au droit international, et une atteinte à la Paix. Le Sahara Occidental a droit à un processus d’autodétermination, et faire respecter ce droit est d’autant plus crucial aujourd’hui dans le contexte des conflits qui embrasent la planète.

Pour le conflit palestinien, où les colonies de peuplement sont installées par le moyen de la force militaire d’Israël, la légalisation de l’occupation marocaine du Sahara Occidental par la communauté internationale conduirait de facto à reconnaître celle d’Israël en Palestine. De même en Ukraine dans le cas de la Crimée, du Donbass et de tous les territoires ukrainiens annexés par la Russie. Et bien d’autres situations à travers le monde, à commencer par la Kanaky qui figure sur la liste des territoires à décoloniser établie par l’ONU.

 

3/ En changeant sa position diplomatique traditionnelle d’un simple trait de plume pour satisfaire des intérêts immédiats, le président de la République française, à la suite du Premier ministre espagnol, porte un coup très dur au droit international et accompagne les dérives que cette décision va entrainer dans d’autres situations à travers le monde. Pour se rendre maître d’un territoire, il suffirait donc de disposer d’une supériorité militaire écrasante. Quelle Paix un tel comportement peut-il construire ?

 

4/ Chacun sait que la solution dite « d’autonomie » que propose le Maroc n’est qu’un rideau de fumée, un subterfuge visant à annexer définitivement ce territoire. Ce dernier, bien que réputé être un « désert », recèle de nombreuses richesses minières et ses côtes sont un enjeu majeur pour la pêche, notamment la pêche européenne. La Cour de Justice de l’Union européenne a plusieurs fois condamné les accords passés complaisamment par l’Union européenne au profit de Rabat dans les eaux territoriales du Sahara Occidental. Une récente décision de la CJUE est intervenue récemment qui a bloqué ces agissements, et il est démontré que le scandale de corruption qui a touché le Parlement européen en 2023 (Qatargate ou Maroccogate) est directement lié aux agissements de l’État marocain sur ce dossier.

En « choisissant son camp » de la sorte, la position française vient alimenter ces dérives et favoriser une annexion qui ne donnera aucune garantie quant au respect des droits des Saharaouis. Emmanuel Macron a agi dans la continuation du passé colonial de la France.

Pour R&PS, il est impératif de revenir au droit international qui est la seule boussole possible pour espérer en finir avec ce conflit de 50 années. Et, en premier lieu, le droit à l’autodétermination du peuple saharaoui. •

François Alfonsi, président de R&PS.