Plan territorial de prévention et de gestion des déchets de Corse

Recours au Tribunal administratif de la coordination Corsica Pulita

Corsica Pulita est une coordination d’associations de défense de l’environnement et de collectifs citoyens* fondé à la suite du projet de Plan déchets de la Collectivité de Corse. Elle a mené campagne pour réclamer auprès de l’Exécutif territorial la modification de ce projet puis auprès du grand public lorsque l’enquête publique a été lancée. Elle n’a cessé de sensibiliser sur les enjeux et les dangers des choix opérés. Lors de l’adoption du plan en juillet dernier par l’Assemblée de Corse, elle avait annoncé porter plainte devant le Tribunal administratif. C’est chose faite et elle le fait savoir dans un communiqué à la presse ce 5 octobre.
Malgré la représentativité de ses membres, leur implication de terrain et surtout la pertinence des arguments déployés, malgré les 559 interventions citoyennes durant l’enquête publique, il est désolant et inquiétant de voir la Collectivité de Corse ne tenir aucun compte de toutes ces alertes. Plus désolant encore de la part des élus nationalistes qui jusqu’ici avaient toujours combattu sans relâche aux côtés des mêmes associations sur les mêmes enjeux : le rejet catégorique de toute incinération, la priorité à donner au tri à la source pour bâtir un vrai développement durable.

 

* U Levante, Pumonte Pulitu, ABCDE, A Spiriata, Passaportu ADN Rescue Life, Solidarité Droit Devoir Vivre Ensemble, Avvene Ghjustu è Resiliente, Global Earth Keaper, A Rimigna, Le Garde, Zeru Frazu, A Sentinella, Associu Si pò fà, A Maffia Nò a Vita Iè, Cullettivu Massimu Susini, La Ligue Corse contre le cancer Corse du Sud.

 

 

« La coordination Corsica Pulita soutient le recours, présenté, devant le Tribunal administratif par les associations Zero Waste France et A Spiriata, contre le Plan de prévention et gestion des déchets.

La coordination Corsica Pulita n’a cessé, notamment sur son site internet, dans une conférence de presse et dans le cadre de l’enquête publique, de mettre en garde les élus de la Collectivité de Corse, analyses et preuves à l’appui, contre les graves insuffisances et approximations de ce plan.

Au surplus, ce plan viole de nombreuses dispositions légales en ce qui concerne la hiérarchie des modes de traitement et valide des choix catastrophiques pour l’environnement en se fondant sur des données obsolètes.

Ainsi, de manière incompréhensible, le tri généralisé à la source a été sacrifié au profit de la très coûteuse filière des combustibles solides de récupération (CSR).

Et pour finir, le choix d’une véritable gestion publique des structures de traitement des déchets a été abandonné pour une gestion privée, opaque. Livrer l’économie des déchets à des groupes privés internationaux est inacceptable.

Les principales réserves et recommandations de la commission d’enquête ont été totalement ignorées.

En résumé, ce plan va entraîner des investissements ruineux pour les finances publiques et les citoyens au détriment de la sauvegarde de notre environnement et de notre santé.

Cette action en justice est naturellement légitime. Nous souhaitons l’annulation de ce plan pour revenir à un plan conforme aux intérêts communs de la Corse et des Corses. » •

 


Ce que dénonce Corsica Pulita

Le Plan de prévention et de gestion des déchets de Corse pose des problèmes graves qui forgent la détermination de Corsica Pulita à se faire entendre :

– non-respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Le plan ne répond pas aux objectifs de la loi qui impose qu’au moins 65 % des déchets soient recyclés et repose sur des chiffrages faussés. La valorisation matière est 44 % inférieure à celle annoncée par le plan. La valorisation énergétique 116 % supérieure (2,16 fois plus de déchets incinérés). Le total de valorisation des matériaux sera 34 % inférieur à celui annoncé (43,1 % au lieu de 65 %). Le plan ne respecte pas non plus le taux maximum d’enfouissement (22,2 % voire 23,3 % avec les refiom, au lieu de 10 % imposé par la loi). Il donne la priorité au CSR alors qu’elle doit être donnée à la valorisation des matières (80 % de valorisation si la priorité était donnée à une filière de tri et compostage non étudiée par le plan).

– choix de la filière Combustible Solide de Récupération. Les CSR comprennent une partie recyclable difficile à capter en centre de tri par leur taille, leur mélange avec d’autres produits ou leur état de saleté. La « chaudière » est en réalité un incinérateur qui produit des déchets toxiques, les refiom « classés hautement cancérigènes et neurotoxiques » et autres mâchefers difficilement traitables. Le tout à un coût colossal « entre 250 €/tonne avec une incinération en Corse (estimation du plan)… à 600 €/t avec une incinération sur le continent. Un marché annuel de l’ordre de 33 à 90 M€/t. Le tout avec des risques environnementaux majeurs et une augmentation sans précédent des transports de déchets ! »

– conséquence négative sur l’environnement et problèmes sanitaires. Certitude de l’augmentation des pollutions, des transports et des coûts, production de dioxines, de furanes, de composants bromés, le choix des CSR est une atteinte à l’environnement et à la santé, qui plus est inefficace et renonçant à l’obligation de réduction des déchets (loi AGEC 2020).

– risques d’emprise mafieuse. « La privatisation totale de l’économie des déchets favorise l’infiltration mafieuse. Le tout, au détriment de l’intérêt général de la Corse » dénonce Corsica Pulita qui rappelle le contexte insulaire : incendies criminels à répétition, rivalités et assassinats, « la mafia corse est associé à la gestion des déchets sur l’île » affirme la JIRS. Les Collectifs anti-mafia ont alerté à plusieurs reprises la CdC et les services de l’État et prônent la mise en place d’une réelle gestion publique, un plafonnement des coûts de transport et de traitement, la séparation des marchés (construction, traitement, transport) « pour éviter la consolidation de la situation oligopolistique ». « Le plan actuel fait tout l’inverse ! » dénonce Corsica Pulita.

– inconnue de l’impact économique de ce plan. Coûts d’investissement non maîtrisés, coût d’exploitation exponentiels non révélés, Corsica Pulita appelle à une autre gouvernance pour une réelle maîtrise financière. « Les élus des EPCI peuvent et doivent reprendre leurs prérogatives : garder une autonomie locale d’action tout en regroupant les moyens. Les grands équipements publics (centres de tri et centres d’enfouissement) doivent eux s’appuyer sur une organisation régionale pour laquelle la CdC doit prendre l’initiative. »