Le samedi 30 novembre se sont tenues à Aiacciu les « Assises du vivre-ensemble – Faire société en Corse » organisées par l’association Avà Simu. La matinée a été consacrée à un temps d’échange autour de plusieurs témoignages de personnes venues d’horizons différents, notamment du milieu culturel avec le témoignage de Jean-Claude Acquaviva du groupe A Filetta engagé sur ces questions, ou encore d’Antoine-Marie Graziani, historien, qui a fait part à l’assemblée de son expertise historique de la notion de vivre-ensemble en Corse. Divers acteurs associatifs ont aussi témoigné d’après l’expérience acquise par leur implantation et leur engagement sur leur territoire respectif. Important aussi de noter la présence de Didier Leschi, directeur général de l’office français de l’immigration et de l’intégration. Tous ont donné leurs points de vue sur les causes et les potentielles solutions à apporter face au fléau du repli sur soi et du rejet de l’autre. Arritti en a discuté avec François Casabianca, président d’Avà Simu.
Pourquoi était-il important pour vous, d’organiser ce type d’événement ?
Notre association de lutte contre les discriminations en Corse, Avà Simu, étant relativement récente (elle a été créée fin 2022), s’est lancée dans une période où on a vu fleurir tout ce racisme, toute cette xénophobie, tout ce rejet de l’autre. Cela nous a paru évident de ne pas nous cantonner seulement à travailler sur l’accès aux droits, sur les primo-arrivants, sur la pauvreté en milieu rural et toutes ces thématiques cruciales qu’on avait déjà identifiées. On s’est dit qu’il fallait vraiment avoir une réflexion autour d’une meilleure intégration des flux migratoires qui semble être un des points d’achoppement majeurs de la société corse à l’heure actuelle.
On a choisi aujourd’hui avant tout un format réflexif avec, le matin, six témoignages importants qui couvrent une mosaïque de situations et de trajectoires de citoyens, culturels, historien. Notre volonté est de rendre compte de l’intérêt de multiplier les points de vue sur le même objet, pourquoi et comment construire le vivre-ensemble en Corse, parce qu’on sent bien qu’il est complexe et qu’il est nécessaire de l’aborder sous plusieurs angles.
L’après-midi, la réflexion s’est faite par ateliers thématiques qui ont vocation à être davantage dans la construction et dans l’élaboration d’outils pour réussir le vivre-ensemble, et essayer de passer à des formes plus opérationnelles.
Pensez-vous à l’avenir renouveler l’expérience ?
Évidemment on n’atteindra sans doute pas nos objectifs du premier coup, l’idée est donc que ces ateliers puissent être répétés dans le temps. Probablement, dans les semestres qui viennent, on se redonnera rendez-vous pour pouvoir approfondir, mettre à l’épreuve un certain nombre de propositions et avancer, progresser.
L’objectif principal de cette première journée est donc de dresser un bilan partagé et d’ouvrir des pistes. Notre intention est d’élaborer un document de mémorisation à travers la rédaction d’un « livre blanc du vivre-ensemble » et à partir de là, tracer des perspectives.
Le but de la démarche étant de trouver des solutions pour remettre en marche la machine à produire des Corses, pensez-vous avoir une partie de la réponse et connaître une partie des mécanismes à mettre en œuvre pour y arriver ?
Il y a trois points qui nous servent de trame dans notre exploration. Il faut déjà s’entendre sur le fait que le but n’est pas la reproduction à l’identique de ce que « le corse » a pu être il y a plusieurs siècles, mais d’avoir, au contraire, une prise en compte pleine et entière de formes d’enrichissement, c’est à dire une identité dynamique et non pas une identité crispée ou une identité de rejet de l’autre. Le but étant de construire les conditions pour que tous les habitants soient à l’aise dans leur culture, dans leur identité et non pas complètement repliés et inquiets.
Il faut donc trouver une forme décrispée pour cultiver l’identité corse, l’épanouir en la partageant et en recevant des apports nouveaux. Faire en sorte qu’elle ne soit pas toujours posée en opposition aux autres mais au contraire qu’elle puisse, comme la très bien dit Jean-Claude Acquaviva ce matin dans une vidéo, montrer que c’est en s’enrichissant que l’on fait vivre cette identité et pas en essayant de la purifier, de faire comme si elle était figée.
C’est une transformation à effectuer dans les esprits qui va prendre du temps, en sachant qu’il y a des forces en face qui sont organisées pour promouvoir très précisément le contraire.
Il y a cependant une pression migratoire en Corse…
Le deuxième point effectivement c’est la question des flux migratoires, essentiellement de continentaux en Corse, qui modifie en profondeur la démographie de la Corse et engendre des peurs, des craintes et des angoisses existentielles. Il faut vraiment les prendre au sérieux en stimulant les processus d’intégration. C’est important de regarder devant, de se projeter vers l’avenir et d’arrêter de regarder dans le rétroviseur, car une société qui se projette sans cesse vers le passé ne peut pas arriver à construire sa trajectoire.
Et le troisième point ?
Le troisième point est de faire en sorte que les forces politiques présentes en Corse s’inscrivant dans cette démarche ouverte, d’enrichissement, globalement de respect et de partage, ne passent pas pour des « wokes » ou pour des gens qui ne seraient plus vraiment des Corses. L’idée serait peut-être d’arriver à convaincre une majorité silencieuse qui observe et qui, pour l’instant, est grignotée au quotidien par ces points de vue d’exclusion et de rejet de l’autre. Notre conviction est de réunir nos forces avec tous ceux qui promeuvent le vivre-ensemble, et qui souhaitent, sinon inverser complètement, au moins endiguer cette tendance au maximum parce qu’elle est délétère pour la Corse et nous empêche de faire société. •
Propos recueillis par Florian Riolacci.
Avà Simu
Créée en 2022, l’association Avà Simu a pour but de « promouvoir la solidarité et les droits humains, favoriser l’accès aux droits, à la culture, aux loisirs, contribuer à renforcer les liens entre communautés de cultures différentes, dénoncer les actes et propos racistes, lutter contre les violences intrafamiliales, agir contre toutes les formes de discrimination ».
Offusqué par la montée du rejet de l’autre, Avà Simu s’est manifesté lors des élections législatives de juillet dernier, en faisant appel aux Corses épris de liberté, de justice et d’équité pour faire barrage au Rassemblement national en déclarant notamment : « que ce soit en raison de leurs origines, couleurs de peau, religions, genres ou orientations sexuelles, tous ceux qui subissent des discours ou actes xénophobes, d’exclusion, de pauvreté ou de précarité, peuvent compter sur l’appui et l’aide d’Avà Simu ». •
Puesìa
Sò eiu l’emigrante chì và à la pidiccia
À l’orlu di u stradone à mez’a pulvariccia
Sò eiu u spaisatu cusì vole u destinu
Chì tocc’à i figlioli d’un populu mischinu
Mà so prontu à stantà senz’alcuna rincori
Per pascià la me ghjente à colpa di sudori
À colpa di sudori
À colpa di sudori
À colpa di sudori
Vengu da isse pianuri ind’è u sole si strascina
Natu in’una casetta culori di calcina
Culori di calcina
Culori di calcina
Culori di calcina
Sò di li facci neri ò di li musgincati
Di quelli chì per voi in guerra sò cascati
È chì ci possu dì chì ci possu fà eiu
Sì di lu vostru Dìu ùn possu fà u meiu
Ùn possu fà u mèiu
Ùn possu fà u mèiu
Ùn possu fà u mèiu
Sò chì quandu a sorte in lu mondu hè crudele
Pisemu tutti l’ochji ver di u stessu celu
Ma intantu postu chì dite chi site umani
Stringhjite l’ancu è purghjimuci una manu
Purghjimuci una manu
Purghjimuci una manu
Purghjimuci una manu. •