Wahbi Khazri

La force d’une identité multiple

Le football est un formidable vecteur d’identité. C’est parfois vécu avec tension lorsque la passion l’emporte sur l’esprit sportif, mais il offre le plus souvent de grands moments de partage et de communion. Surtout quand l’identité se conjugue au pluriel avec de très beaux témoignages.

 

 

Au Sporting Club de Bastia, dont on fustige parfois les supporters qui s’identifient au maillot au point de le défendre comme on défend une Nation, on a coutume de dire « turchinu un jour, turchinu toujours »… Ils sont nombreux les joueurs à avoir conservé un si bon souvenir de leur passage au club, qu’ils en deviennent de fervents avocats.

C’est le cas de Wahbi Khazri né en Corse, à Aiacciu, il a grandi et s’est formé dans l’île pour devenir un footballeur professionnel de classe internationale. L’attaquant tunisien joue actuellement à Montpellier après être passé par Bastia, Bordeaux, Sunderland (première League anglaise !), Rennes ou encore l’AS Saint-Etienne.

Tout jeune il avait été repéré par le Pôle espoir d’Aiacciu où il évoluait au sein de la Jeunesse Sportive Ajaccienne (JSA), au point d’être sélectionné au sein du Pôle Espoir France. C’est dire !

 

« J’ai la chance de représenter la Corse »

Le SCB lui a donné sa chance au niveau professionnel, avec à la clé deux titres de champions de France (Nationale en 2011 et Ligue 2 en 2012).

Il ne l’a pas oublié. En 2018, il a fait un don de 10.000 € au Sporting lorsque le club rétrogradé en National 3 se débattait dans les difficultés. Deux ans plus tard, il faisait un don de 17.000 € à l’hôpital de Bastia pour aider la Corse à lutter contre le coronavirus… C’est dire son attachement à notre île !

Avec pas moins de 74 sélections en équipe nationale de Tunisie, deux coupes du monde, cinq coupes d’Afrique et le statut de second meilleur buteur de la sélection avec 25 buts, il a bouclé sa carrière internationale avec brio. Affrontant la France lors de la coupe du monde 2022, il déclarait en affichant son identité multiple : « Je pense que je suis plutôt aimé. J’essaie de représenter la Tunisie en France tous les week-ends en étant performant. Après, j’ai aussi la chance de représenter la Corse, car je suis né là-bas. J’ai pas mal de drapeaux sur mes épaules, c’est agréable. Quand on parle de moi, j’aime bien entendre “Wahbi, le Corse, Wahbi, le Tunisien”. Je trouve que c’est plaisant de voir ses origines être mises en avant. Je suis tunisien à 100 %, français à 100 % et corse à 100 %. »

Ce jour-là c’est lui qui offrait la victoire à son équipe face aux bleus de Deschamps !

 

« Je n’ai jamais senti de racisme en Corse »

Le 6 janvier dernier Wahbi déclarait encore en parlant de sa vie en Corse : « J’étais heureux, je ne manquais de rien. On était une bande de copains. Souvent, j’allais jouer avec les plus grands, ils tapaient à la porte pour savoir si je pouvais venir avec eux… Je me sens corse,

je suis né en Corse. J’ai les racines tunisiennes par mes parents mais je suis né là-bas, j’ai la culture de là-bas… Je n’ai jamais senti de racisme en Corse. C’est une terre très accueillante, très chaleureuse ».

Au moment de la crise au Sporting il avait dit encore : « Ce que le Sporting représente pour la Corse est énorme. Et je n’oublie pas que tout ce qui m’arrive, je le lui dois… Certaines soirées vécues à Furiani sont à jamais gravées au fond de moi. On joue au football pour connaitre ça !… Il était impensable d’imaginer une carte de France du football professionnel sans le Sporting. Notre place se situe au minimum en Ligue 2. Je dis “notre” car c’est resté MON club et cela ne changera jamais. Un jour je reviendrai d’ailleurs au Sporting pour lui rendre tout ce qu’il m’a donné. »

À Bastia, on nourrit ce secret espoir parmi les supporters de le revoir sous le maillot bleu…

È perch’è micca ? •

Fabiana Giovannini.