Les six premiers mois de cette année 2017 ont été un tournant pour la marche du monde.
Les six mois à venir le seront pour l’avenir de la Corse.
L’élection de Donald Trump a sonné une ère nouvelle pour les relations internationales entre les alliés qui depuis 1945 forment « l’alliance atlantique ». Le sommet du G7 de Taormina en Sicile a montré une fracture profonde entre les États Unis et l’Europe, et les déclarations inhabituellement sévères d’Angela Merkel n’ont pas dissuadé Donald Trump d’annoncer le retrait des USA de l’accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique.
Ce clash est le point de départ d’une nouvelle ère qui place l’Europe dans l’obligation de relancer son projet politique pour peser efficacement face à l’attitude agressive de l’actuelle administration américaine.
L’Union Européenne sort d’une période politique délicate. Elle craignait, après le Brexit, la montée en puissance des populismes antieuropéens aux Pays Bas puis en France. Le péril est conjuré, et les votes survenus, dans un cas comme dans l’autre, ont montré un point essentiel : c’est sur la question de l’euro et de l’Europe que les forces populistes ont fini par chuter.
Comment se manifestera la « grande divergence » entre l’Europe et les USA? Car il ne faut pas sous-estimer le fossé qui mois après mois va se creuser entre les deux entités majeures de l’Occident. Conduire ces deux mastodontes économiques et politiques est comme piloter des pétroliers géants : l’éloignement qui s’amorce aujourd’hui est un changement de cap, et revenir en arrière, si Trump est battu demain, demandera de longues et lourdes manœuvres. Ce qui a été décidé par l’Amérique aujourd’hui rompt la continuité de 70 années d’alliances politiques et économiques. C’est un « grand virage ».
La recomposition du monde va donc se faire sur une base nouvelle : la lutte contre le réchauffement climatique. L’Europe devra rallier un maximum d’acteurs à sa cause écologiste en faveur d’une politique de long terme pour la sauvegarde de la planète, quand les USA proposeront une alternative fondée sur l’économisme du court terme et le climato-scepticisme. Le match est lancé, mais la victoire des « progressistes » est loin d’être acquise : trop d’exemples historiques nous l’enseignent.
L’Europe devra donc serrer les rangs, solder sa crise, notamment en Grèce, et renforcer sa cohésion si elle veut réussir.
Ce qui se passe en Corse n’est certes pas à l’échelle de ces enjeux mondiaux, mais cela y participe. Notre projet d’« autonomie en Europe », fondé sur le droit à l’autodétermination, est le seul qui nous garantisse un avenir comme peuple corse, et, réciproquement, avec toutes les autres nations sans États de l’UE, c’est le seul modèle qui garantisse l’arrimage de tous les peuples au projet européen. En Catalogne, dès cet automne, comme en Écosse au moment où se négocie le Brexit, une route se dessine qui modifiera les bases de l’Union actuelle. La Corse doit s’inscrire dans le même mouvement.
Les six mois à venir seront déterminants pour nous. L’Exécutif qui gouverne les institutions corses défendra en décembre prochain son bilan, et les résultats de l’élection législative en cours donneront un signal fort qui lancera la campagne. Il faut faire l’analyse de nos atouts – une position forte de l’Exécutif de la CTC dans l’opinion corse- et celui de nos faiblesses, particulièrement un appareil politique éclaté et traversé de contradictions mal régulées.
Arritti a plaidé depuis un an et plus pour que Femu a Corsica se structure en un parti de gouvernement crédible, capable de capitaliser la confiance que les Corses portent à notre projet politique en Europe, et susceptibles de représenter la Nation Corse sur la scène européenne, à l’instar des grands partis écossais ou catalan que nous avons la chance de côtoyer au sein de l’ALE. La fenêtre est étroite entre la fin des législatives et le mois d’août.
Après la campagne électorale sera lancée. Il faut donc la saisir impérativement.
François ALFONSI.