L’organisation est la clef de toute démarche collective. Ce week-end à Corti Femu a Corsica franchira un nouveau seuil en concrétisant la fusion en un seul parti de gouvernement le courant politique qui, en arrimant le nationalisme à une démarche démocratique et ouverte, a largement contribué à créer les avancées politiques que l’on connaît aujourd’hui.
Chaque choix politique est lié à un objectif. Le choix de la démocratie renvoie à l’objectif de la majorité que l’on doit rassembler au sein de son peuple. Comment y parvenir de manière rapide et durable ? Tel est le défi que les dirigeants nationalistes, et particulièrement ceux de Femu a Corsica, doivent relever.
Ils doivent le faire pour plusieurs raisons. La première tient à l’Etat français dont l’immobilisme jacobin est légendaire. Pour que l’establishment étatique, classe politique comme haute administration omnipotente, consente à ouvrir la fenêtre constitutionnelle qui permettra un premier statut d’autonomie pour la Corse, il faudra remplir deux conditions : une nette victoire de la majorité territoriale en décembre prochain, et l’inscription de ce fait majoritaire dans le long terme. Ce n’est que s’il est acquis que le mouvement nationaliste structurera la vie politique insulaire pour les décennies à venir que l’Etat français consentira à dialoguer enfin avec lui pour des réformes de fond.
Pour cela les conditions favorables sont réunies. Tout d’abord, nous sommes favoris pour remporter l’élection territoriale, et le seuil de progression qu’a montré l’élection législative laisse espérer, prime majoritaire incluse, une majorité absolue au sein de l’hémicycle de l’Assemblée de Corse.
Cette progression se mesure en chiffres : le score nationaliste était de 20% environ au début des années 2000, ce qui nous renvoyait à une simple force d’opposition. En 2010, nous avons obtenu 29% au premier tour, puis 36% au second tour (26% Femu et 10% Corsica Lìbera). Mais sans fusion des listes entre les deux tours, ce score n’a pas permis la victoire. Il a fait alors du mouvement nationaliste la première force d’opposition sous la mandature Giacobbi.
Puis, en décembre 2015, au premier tour, nous obtenons un score de 26% : 18% Femu et 8% Corsica Lìbera. Mais, entre les deux tours, la fusion des listes, rendue possible par l’arrêt de la violence décidée par le FLNC, déclenche la dynamique et, avec plus de 35% des voix, nous donne la victoire et une majorité relative au sein de l’Assemblée de Corse.
Les résultats des élections législatives du mois dernier ont montré que notre niveau global de premier tour atteint désormais 30% des voix. Comment se répartissent-elles entre Corsica Lìbera et Femu a Corsica ? Difficile à dire, mais l’un et l’autre ont nécessairement profité de la progression globale observée, ce qui rend possible les deux options pour le premier tour de décembre 2017 : liste unique comme listes séparées. Puis, au second tour, création d’une majorité absolue forte par fusion des listes qui y participeront.
Doit-on se contenter d’une majorité absolue d’élus, ce que rend possible, à un peu moins de 40%, la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête ? Ou doit-on faire davantage, et profiter de la division actuelle, entre « progressistes » et « républicains », des autres courants politiques, droite et gauche, pour pousser l’avantage et rassembler une majorité absolue d’électeurs sur la base programmatique de l’autonomie de la Corse ? L’Exécutif que présiderait Gilles Simeoni aurait alors une légitimité largement renforcée pour imposer réforme constitutionnelle et autonomie interne de la Corse à l’agenda des discussions avec le pouvoir en place à Paris.
Il faut donner le temps aux débats internes et arrêter le moment venu la tactique électorale la plus adaptée. Mais l’objectif stratégique, lui, est clairement défini : créer durant la mandature qui vient le rapport de forces capable de faire fléchir les tenants de la France éternellement jacobine. Pour cela, des objectifs essentiels sont à portée de main : rassembler une majorité d’électeurs derrière un Exécutif dirigé par les nationalistes, et structurer une démarche politique puissante à travers Femu a Corsica, en créant un parti de gouvernement capable d’inscrire ce rapport de forces dans la durée.
Aiò, ch’hè ora !
François ALFONSI