Loin de démobiliser les Catalans, les événements tragiques de Barcelona et Cambrils les ont largement confortés pour penser que l’avenir de leur pays ne doit pas être laissé entre les mains de Madrid, et, qu’au contraire, l’heure est venue de conforter le processus d’indépendance.
Le terrorisme, par définition, veut marquer les esprits. De la promenade des Anglais de Nice à las Ramblas de Barcelone, en passant par Bruxelles, Paris, Berlin, Manchester ou Londres, il répand la haine et la mort au cœur des foules impuissantes, dans des lieux hautement symboliques.
La Catalogne a eu à subir le mois dernier, à son tour, la terrible épreuve de ce terrorisme islamiste. Un commando redoutable s’était constitué autour d’un imam enragé qui avait su enrôler une dizaine de jeunes. Deux attaques suicides ont fait quinze morts, des dizaines de blessés, et toute une population traumatisée par cette agression aveugle et barbare.
Il y a eu le choc et l’immédiate réaction d’une foule immense Plaça Catalunya, pavoisée de drapeaux catalans, rassemblée et exprimant son deuil et sa détermination à ne pas céder à la peur. L’Europe entière s’est alors portée en solidarité vers la Catalogne, d’autant que les victimes, en cette période estivale, étaient pour beaucoup des touristes venus des quatre coins du continent. L’émotion a été énorme et la réaction populaire a permis au peuple catalan de surmonter psychologiquement l’agression dont il était victime.
Puis, au fur et à mesure des découvertes de l’enquête, les Catalans ont réalisé que le commando aurait pu être encore plus dévastateur sans l’explosion accidentelle de son arsenal en préparation, et sans la détermination de la police catalane qui a intercepté le commando de Cambrils, grande station balnéaire de la côte catalane. En tuant les cinq terroristes dès la première victime du rodéo sanglant qu’ils avaient engagé au milieu de la foule, les Mossos d’Esquadra ont évité un second carnage. Les 15 victimes enregistrées en Catalogne auraient pu être plus de 100, comme lors des attaques de Paris et du Bataclan.
Cette police catalane, los Mossos d’Esquadra, a une appellation historique qui remonte au 18ème siècle. Par comparaison, la police de l’autonomie corse s’appellerait « i Naziunali ». Cette police a été (re-)créée à partir de 1983 et les tous premiers pas de l’autonomie catalane, puis, année après année, elle s’est progressivement substituée à la police espagnole cantonnée désormais à la surveillance des frontières. Pour la police espagnole, très anti-catalane, devoir céder le terrain à la police catalane est insupportable, et, quand est montée en puissance la menace terroriste, elle a tout fait pour écarter los Mossos d’Esquadra du dispositif policier européen anti-terroriste, au point de leur interdire l’accès au fichier Interpol et à la coopération internationale.
Aujourd’hui, les faits sont là : bien que privée de renseignements de façon délibérée par l’Espagne, c’est la police catalane qui a su mener une enquête éclair et qui a réussi à mettre hors d’état de nuire les commandos islamistes, préservant ainsi des dizaines de vies. Le scandale est immense car il apparaît que le responsable du groupe terroriste était fiché par Interpol sans que la police catalane n’en soit informée. Pour l’opinion catalane, ces révélations sont choquantes, et la conviction est largement répandue que, sans l’attitude irresponsable des chefs du service anti-terroriste espagnol, les attentats de Barcelona et Cambrils auraient pu être déjoués.
Cette polémique qui enfle doit être replacée dans le contexte politique actuel de la Catalogne. La Generalitat a convoqué le referendum d’autodétermination de la Catalogne pour le 1er octobre prochain, et le gouvernement espagnol veut à toutes forces l’empêcher. Ira-t-on jusqu’à l’épreuve de force ?
Car, de toutes façons, les 21.000 Mossos d’ Esquadra seront déployés pour en assurer le bon déroulement quand Madrid menace d’inculpations, de procès et même d’arrestations tous ceux qui contribueront à son organisation.
Comment cela va-t-il évoluer ? Une première réponse sera donnée le 11 septembre prochain, lors de « Diada », la grande journée nationale catalane, qui, depuis 2010 et la rupture provoquée par Madrid à propos d’un nouveau statut d’autonomie pour la Catalogne, déverse dans les rues des centaines de milliers de catalans lors de manifestations époustouflantes.
Depuis, le sentiment indépendantiste est passé de 20% à bien plus de 50% dans l’opinion catalane, faisant espérer un résultat du referendum positif pour l’indépendance.
En Catalogne, les semaines à venir seront capitales.
François ALFONSI