Pendant la campagne présidentielle, vous avez défendu un ”pacte girondin”. Dans le dossier corse, comme dans d’autres, être ou ne pas être girondin, telle est la question désormais clairement posée.
Le ”pacte girondin” et ”l’autonomie”
Le 6 février prochain, vous viendrez en Corse pour la première fois depuis votre élection et votre parole sera attendue et entendue. Certains craignent que faire sa première visite en Corse pour le 20ème anniversaire de l’assassinat du Préfet Erignac ne soit un signe de fermeture, d’autres imaginent qu’elle peut être le point de départ d’une nouvelle relation entre la Corse et la France, le début de la nécessaire réconciliation entre le peuple corse et l’État français. Et c’est ce dernier chemin que nous souhaitons emprunter. Serez-vous avec nous ?
Le 6 février, votre parole sera donc attentivement écoutée et votre discours sera minutieusement scruté car ils définiront les relations entre l’État et la Corse pour les 3 prochaines années, au minimum. Par vos mots, vous pouvez apaiser la situation, par vos mots, vous pouvez clore 50 ans de conflits, par vos mots, vous pouvez ouvrir les portes de la réconciliation. Nos représentants légitimes qui ont rencontré votre gouvernement l’ont clairement et simplement expliqué.
Pendant la campagne présidentielle, vous avez défendu un ”pacte girondin”, expression courageuse dans un paysage politique français ultra-jacobin mais depuis votre élection, force est de constater qu’il est difficile de voir la traduction de ce ”pacte girondin”. Le 6 février, en venant en Corse où il y a une majorité qui défend ”une autonomie de plein exercice et de plein droit”, vous aurez une occasion rêvée de donner du contenu à votre parole et de décliner votre pacte.
La recherche du compromis
En Corse, en l’espace de 2 ans et à 3 reprises, les Corses se sont majoritairement exprimé pour être reconnus en tant que peuple. En décembre dernier, pour la première fois de l’histoire politique corse, une liste a obtenu la majorité des sièges (41 élus sur 63) mais aussi des voix (55,6%) aux élections territoriales !
La liste Pè a Corsica, menée par Gilles Simeoni, qui a clairement fait campagne pour une ”autonomie de plein exercice et de plein droit” a, en obtenant la majorité absolue, le devoir de réussir la Collectivité unie créée au 1er janvier de cette année mais a surtout obtenu le droit de négocier cette autonomie avec Paris. Ne pas le reconnaître serait un déni de démocratie, comme serait un déni de démocratie de rejeter le fait que vous avez été élu, entre autres, pour refonder l’Europe. Pourtant, dans les 2 cas, qu’on partage ou non les idées défendues, des compromis seront nécessaires. C’est pourquoi le dialogue ouvert sans tabous, ni préalables est nécessaire entre Paris et la Corse.
Certains opposent la Constitution, voire le droit européen, aux demandes des Corses mais cet argument constitutionnel n’est pas valable pour plusieurs raisons. D’une part, vous souhaitez réviser la Constitution, il est donc possible d’inclure les revendications de la majorité territoriale dans celle-ci. D’autre part, tout ce qui est ”inenvisageable” pour certains existe déjà en France ou dans l’Union Européenne. L’autonomie ? Elle est inscrite à l’article 74 de la Constitution et est la norme dans l’Union Européenne. La co-officialité ? Elle existe dans de nombreux pays de l’UE. Le statut de résident ? Il existe ailleurs en Europe. Bref, nos revendications ne sont pas extraordinaires au regard de nos voisins et le compromis nécessaire pas si difficile à trouver si la volonté politique existe.
Rocard, Zapatero ou Blair plutôt que Rajoy
Monsieur Macron, quoi que l’on puisse penser de votre politique, force est de constater que votre parcours politique ressemble en de nombreux points à celui de Michel Rocard, de José Luis Zapatero ou de Tony Blair. Comme eux, vous venez de la famille sociale-démocrate. Comme eux, vous avez choisi le libéralisme économique. Comme eux, vous avez la volonté d’approfondir le projet européen. Comme eux, vous avez voulu renouveler la vie politique. Mais la question qu’on se pose aujourd’hui est de savoir si, comme eux, vous allez réformer profondément les structures de l’État central afin de répondre aux besoins et aux demandes légitimement exprimées.
Rocard, en homme d’État, a su répondre à la crise en Nouvelle-Calédonie et à la situation en Corse, Zapatero, a su répondre aux demandes catalanes. Blair a su répondre aux attentes des Écossais, des Gallois et des nord-Irlandais.
À chaque fois, ce fut un compromis, imparfait pour certains, trop ambitieux pour d’autres mais il a eu le mérite d’avoir été mis en place. Et à chaque fois, il y a eu des conservateurs qui s’y sont opposé, des Rajoy ou Valls en puissance, qui ont mis de l’huile sur le feu, qui ont voulu pourrir la situation et qui ont voulu jouer contre la démocratie.
Dès lors, votre discours du 6 février ne sera pas simplement un discours pour commémorer le 20ème anniversaire de l’assassinat du Préfet Erignac mais il pourrait aussi être un discours pour clore 40 ans de conflits, pour ouvrir une période de dialogue sans tabous, ni préalables, un discours pour définir la future relation entre la Corse et l’État. Alors, M. Macron, la balle est dans votre camp !
Roccu GAROBY
Vice-président de l’Alliance Libre Européenne Jeune