De l’éthique en politique

Après une année 2017 électoralement éprouvante (primaires, élections présidentielles, élections législatives, élections territoriales corses), 2018 doit être une année politiquement productive pour les élus en responsabilité comme pour les partis politiques qui préparent l’avenir.

 

L’imaginaire. Le rôle d’un parti politique est de définir un projet, une vision, un imaginaire qui permettent de définir, à long terme, l’objectif ultime à atteindre mais aussi la façon, les moyens, le chemin à emprunter afin que le peuple, qui pourrait, le temps d’un mandat lui donner sa confiance, sache comment atteindre cet imaginaire, cette utopie, au premier sens du terme. Pour définir un projet, il faut d’abord travailler le « fond », comme on dit parfois.

C’est-à-dire analyser la société à travers une grille de lecture qui permette de comprendre les peurs qui l’effraient, les tensions qui la traversent et les espoirs qui la nourrissent.

Cette analyse doit ensuite être maltraitée par un débat contradictoire, souvent au sein des partis, parfois à travers des rencontres publiques, mais toujours dans un travail collectif afin de vérifier si elle est correcte ou, du moins, si elle correspond à une réalité sociale et non à une interprétation personnelle.

Enfin, cette analyse doit être mise en parallèle avec l’imaginaire porté collectivement par le parti. De l’écart entre la réalité et l’imaginaire naît le projet, celui qui définira la première étape vers l’imaginaire, celui qui rendra le rêve possible, l’utopie réelle.

Une fois collectivement débattu et adopté, le projet doit être porté publiquement, lors des élections, par des candidats. Et du fond nous arrivons à la forme.

Les élus. Aussi longtemps que la vie démocratique sera menée par des femmes et des hommes, il y aura des candidats et des non-candidats, des élus et des non-élus, des heureux et des déçus. Pourtant, les candidats, au moins pour ceux et celles désignés par des partis politiques, ne sont que les vecteurs, désignés collectivement par leur parti, comme les porteurs de ce projet, de cette vision, de cet imaginaire.

Certes, ils ont pour mission d’incarner le projet et de convaincre les électrices et les électeurs mais ils ne sont pas pour autant détenteur -indéfiniment- d’un quelconque mandat ou d’une quelconque position. Les mandats appartenant au peuple, et les candidatures aux partis politiques, sauf pour les candidatures individuelles, les élus ne doivent jamais oublier qu’ils sont responsables et non propriétaires de leur mandat.

La réalité politique est malheureusement souvent tout autre. Combien d’exemples avons-nous de personnes toujours en lice pour la prochaine élection alors qu’elles sont élues depuis 30 ans ? Combien d’exemples avons-nous de personnes persuadées qu’un poste, une fonction, une position est la leur ad vitam aeternam ? Combien d’exemples avons-nous de personnes persuadées qu’elles valent mieux que les autres ?

Si « la guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires » (Clémenceau), la politique est une chose trop sérieuse pour être (dé)laissée aux politiciens. Bref, être élu c’est une profession mais il devrait être interdit d’y faire carrière.

L’éthique. Le seul moyen pour que le fond (le projet, la vision, l’imaginaire) l’emporte sur la forme (l’élu), c’est d’instaurer des règles qui permettent de s’assurer que l’élu est toujours au service de l’intérêt général et non au service du sien.

Dans ce cadre, la première des règles à instaurer c’est le non-cumul des mandats dans le temps (pas plus de 3 mandats) et dans l’espace (pas plus d’un mandat électif en même temps). En effet, un élu qui sait qu’il ne pourra pas se représenter sera plus enclin à transmettre son savoir, à passer le relais, à aider son successeur au lieu de créer un système qui lui permette de conserver le pouvoir.

De plus, un élu, aussi surhomme soit-il, n’a que 24h dans ses journées. S’il veut mener à bien sa mission, il ne peut en assumer d’autres, au risque de tomber dans le conflit d’intérêts ou de délaisser un des mandats que les électeurs lui ont confiés.

La deuxième règle à mettre en place c’est la «maison de cristal », c’est-à-dire la transparence à tous les étages de la part des élus, notamment dans l’utilisation des moyens mis à leur disposition, que ce soit dans la plus petite des mairies ou au plus haut niveau, comme au Parlement européen. Le citoyen doit toujours pouvoir contrôler ses élus et les élus ont le devoir d’être transparents et de rendre des comptes publiquement. La troisième règle à adopter c’est le statut de l’élu. Car, si on veut éviter que les mandats électoraux soient détenus par une (petite) partie de la population, les cols blancs pour simplifier, il faut créer un statut de l’élu pour que chaque citoyen puisse quitter son emploi, ou sa situation, avec la garantie de les retrouver ou, au minimum, la certitude d’avoir un droit à une allocation chômage à la fin de son mandat. Sinon, quel salarié du privé ou quel ouvrier démissionnera pour un mandat sans garantie de réélection, par essence, ni de retrouver son emploi ou de bénéficier d’une période de chômage à la fin de son mandat ?

Le système actuel est taillé sur pièce pour les professions libérales qui rémunèrent bien (avocat, médecin, journaliste), pour les (grands) fonctionnaires qui ont la garantie de l’emploi, une fois leur mandat terminé, et pire, pour ceux qui sont déjà dans le système, les élus, renforçant ainsi le sentiment, au sein de la population, d’une forme d’endogamie chez les élus.

Bref, si le projet, la vision, l’imaginaire sont essentiels en démocratie, l’élu est indispensable. Et si ce dernier est indispensable, l’éthique est, elle, primordiale.

Car c’est elle qui garantit que le pouvoir n’appartient jamais à l’élu mais toujours au peuple. Gageons qu’en cette année sans élections, nous puissions travailler le « fond» et renforcer l’éthique en politique.

Pour les élus, ne doutons pas, il y aura toujours trop de candidats…

Roccu Garoby.

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