Il y a 68 ans, jour pour jour, et au lendemain du cinquième anniversaire de l’armistice de 1945, dans un discours fondateur et historique, Robert Schuman a fait naître le rêve européen en le bâtissant sur une triple promesse : assurer la Paix sur un continent dévasté et meurtri par des décennies de guerres, partager une prospérité retrouvée pour donner une chance à chaque Européen de vivre dans la dignité et reconnaître la diversité linguistique et culturelle qui fait la force de notre vieux continent.
Cette triple promesse révolutionnaire qui a permis le rapprochement des peuples d’Europe, n’a malheureusement pas été tenue, ou plutôt n’est plus tenue, par les États membres qu’ils soient dirigés par des partis politiques de droite comme de gauche.
Certes, la Paix est assurée entre les peuples de l’Union Européenne. Certes, le vieux continent est le plus riche du monde et détient le plus haut niveau de protection sociale. Certes, 24 langues sont officielles dans l’Union, mais les États membres sont incapables d’agir pour que la Paix soit assurée à nos portes, que ce soit dans les Balkans occidentaux, dans l’Europe de l’est ou au Proche Orient. Les États membres sont incapables de lutter contre l’accroissement des inégalités sociales ou que les richesses soient de plus en plus concentrées entre les mains de quelques-uns. Enfin, les États membres soutiennent toujours la discrimination linguistique et culturelle contre les langues régionales et minoritaires. Bref, si le rêve européen demeure et doit demeurer d’actualité, les États membres ont failli à leur mission de tenir leur promesse.
L’autre Europe !
Cette Europe, qui n’a pas été construite par et pour les nations sans État, les peuples et les minorités, est paradoxalement ce qui nous est arrivé de mieux en neutralisant les volontés hégémoniques des gros États. De plus, par notre histoire, notre géographie, notre culture, notre langue et tout ce qui fait ce que nous sommes, nous, peuple corse, cette ‘‘communauté historique et culturelle regroupant les Corses d’origine et les Corses d’adoption’’, nous sommes profondément et assurément un peuple européen – et méditerranéen- qui a des droits inaliénables et imprescriptibles, y compris celui de s’autodéterminer. Et notre place est au cœur de l’Europe et au milieu de la Méditerranée. C’est pourquoi, l’urgence n’est pas de sortir de l’Europe mais d’en construire une autre car l’Europe a toujours été notre maison et doit demeurer notre horizon.
Cependant, 68 ans après le discours de Robert Schuman, nous devons faire face à deux visions de l’Europe qui ne nous conviennent pas. D’un côté, nous avons les eurobéats qui adulent le marché et sa toute puissance et, de l’autre, nous avons les eurosceptiques qui adorent les États-nations et toutes leurs violences. La première vision, le statut quo, n’est plus tenable et la seconde, le retour en arrière, serait mortel pour notre peuple avec un retour au face à face avec Paris.
L’Europe des peuples !
C’est pour cela que nous devons porter fièrement l’idée, l’espoir, le rêve qu’il existe une autre voie qui mène vers une autre Europe. Une Europe qui préfère écouter le cri du cœur d’un Grec à qui on impose une austérité démesurée plutôt que de se laisser bercer par le cliquetis des calculettes des banquiers à Bruxelles. Une Europe qui préfère soutenir un peuple qui lutte pacifiquement pour ses droits à Barcelone plutôt que de soutenir la violence policière d’une Espagne en pleine dérive autoritaire. Une Europe qui soit véritablement démocratique, socialement durable et pleinement diverse : une ‘‘Europe des peuples’’.
En ce 9 mai, jour de la fête de l’Europe, plaçons-nous résolument dans le camp de ceux et celles qui défendent le rêve européen qui, au-delà de la triple promesse initiale qui doit être pleinement tenue, doit permettre l’émancipation des peuples, assurer une solidarité entre les citoyens européens et garantir un développement harmonieux des territoires dans le respect des limites de notre planète.
En ce 9 mai, bonne fête à toutes les européennes et tous les européens et que le rêve (d’une autre Europe) ne meure jamais !
Roccu GAROBY
Corse, Européen et fervent défenseur d’une Europe des peuples