La Commission des Iles de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes a tenu son assemblée générale à Bastia et a réélu Gilles Simeoni à sa présidence. Face à une Commission européenne sourde aux revendications insulaires, c’est un lobbying qu’il faut développer ensemble pour faire prendre en compte d’évidents intérêts communs jusqu’ici ignorés.
Certes, le Traité de Lisbonne sur le Fonctionnement de l’Union Européenne dispose en son article 174 que, « pour renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale, (…) une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s’opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population, et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne. »
Mais, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, il n’y a jamais eu «d’attention particulière » pour les îles de la part de la Commission européenne. Actuellement le Cadre Financier Pluriannuel 2021-2027 qui encadrera les crédits européens toutes ces prochaines années est en débat et l’année 2019 sera capitale pour son contenu. Auparavant, il y a eu le CFP 2014-2020 qui n’avait rien donné de concret en termes de prise en compte du fait insulaire.
Si les îles ne veulent pas être à nouveau les «oubliées » des politiques européennes, c’est le moment ou jamais de se faire entendre avec force pour obtenir une application effective de l’article 174 du Traité européen.
Car le contexte européen n’est pas des plus favorables pour les îles. Le Brexit a un double effet négatif. D’une part les îles européennes perdent le contingent des îles britanniques, pour la plupart écossaises, qui étaient très engagées dans la CRPM et d’un grand apport politique à la démarche des Iles en général.
D’autre part, avec une amputation nette de 5 milliards d’euros du budget européen, en raison du départ du Royaume Uni, les dépenses seront beaucoup plus contraintes, tandis que plusieurs crises importantes comme par exemple celle des migrants, vont mobiliser des crédits jusqu’ici disponibles. Dans un tel contexte de tensions budgétaires, obtenir que s’ouvre un espace nouveau de négociation pour les régions insulaires sera certainement ardu.
Les termes du débat sont constants depuis 2009 : aux défenseurs des îles qui exposent leurs difficultés communes, la Commission oppose que les réalités observées sont très différents d’une île à l’autre, et elle conteste toute nécessité d’un traitement commun. Elle s’ingénie au contraire à « diviser » les autorités insulaires, en les coupant notamment des « Régions Ultra- Périphériques », françaises (Antilles, Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane), portugaises (Madère et Açores) et espagnole (Canaries) qui bénéficient d’un traitement particulier lié à leur « très grand éloignement ».
Et si la Commission est peu réceptive, elle est appuyée dans son attitude par plusieurs Etats, beaucoup plus nombreux désormais depuis l’élargissement aux pays d’Europe de l’Est, qui sont presque exclusivement continentaux.
À l’Autriche, le Luxembourg et une Allemagne très peu maritime, se sont ajoutés la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, et même Pologne, Roumanie et Bulgarie qui n’ont pas d’enjeux insulaires.
Par contre, ces États voient que leur intérêt n’est pas que le critère de l’insularité, dont ils ne bénéficieront pas, soit pris en compte dans la répartition des crédits européens, puisque, à la fin, c’est de cela qu’il s’agit.
Pourtant, c’est de réalités bien concrètes dont on parle, et l’attractivité d’une économie insulaire appelle des différences de traitement qui permettent le rétablissement d’une équité économique face aux difficultés spécifiques objectives qu’elles rencontrent.
La question va même au delà de l’éligibilité aux aides européennes, car les règles européennes limitent aussi les « aides d’État » qui sont accordées à une île au sein d’un même Etat membre.
L’assouplissement de ces règles est une priorité.
La négociation d’ensemble s’engage.
Gilles Simeoni estime indispensable que les « États de rattachement » s’impliquent aux côtés de leurs Iles et appuient leurs démarches. Il a proposé à la Commission des Iles d’adopter cette stratégie. France, Italie, Espagne, Grèce, Suède, Finlande, Danemark, Portugal, Estonie, Chypre et Malte : tous ces États doivent s’engager pour leurs îles !
François Alfonsi.