En marche vers la pleine souveraineté?
Le 4 novembre prochain, les Kanaks devront répondre, par oui ou par non, à une question simple et précise: «Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » La simple organisation de ce référendum est déjà un succès pour les Kanaks.
D’une part, ce référendum c’est la reconnaissance du fait colonial par la France. En effet, rappelons que la Nouvelle-Calédonie, tout comme la Polynésie Française, le Sahara Occidental ou Gibraltar par exemple, est sur la liste de l’Organisation des Nations Unies (ONU) des « territoires non autonomes », comprenez à décoloniser ! Ce référendum s’inscrit donc dans un processus de décolonisation que la France n’a jamais pleinement reconnue. D’autre part, ce référendum démontre que la République française n’est ni « une » ni « indivisible », expression qui n’existe nulle part d’ailleurs si ce n’est dans la tête des pires jacobins. En effet, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit universel, imprescriptible et inaliénable reconnu par l’ONU et la Cour Internationale de Justice. Il est supérieur au droit constitutionnel français. Ce vote ouvre donc la possibilité de quitter la République, une première depuis plus de 40 ans !
Enfin, ce référendum est une victoire pour le peuple kanak qui a dû, pendant des décennies, employer tous les moyens existants pour contraindre l’État français à reconnaître son droit à vivre sur sa terre. Et ce n’est pas un hasard si c’est Michel Rocard, tout juste nommé Premier Ministre qui, le 26 juin 1988, débloque la situation côté français après les tragiques événements d’Ouvéa. Rocard ayant été le premier, et peut-être le seul, homme politique français à comprendre et à entendre les revendications des peuples de France.
Les Kanaks majoritairement pour l’indépendance 30 ans ! Il aura néanmoins fallu attendre 30 ans, quasiment jour pour jour pour qu’ait lieu ce référendum. 30 ans se sont écoulés entre le référendum sur l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie, qui a eu lieu dans toute électoral par une politique de colonisation de peuplement, à l’instar de ce que fait le Maroc au Sahara occidental, par exemple. De plus, les premiers sondages ne sont pas très bons pour les Kanaks. Ils donnent le « non », « rester dans la République», largement devant (54,2%) et le « oui », « accéder à la pleine souveraineté », loin derrière avec 24,4%. Le reste étant composé d’indécis (21,4%).
Mais ce qui est intéressant, ou plutôt inquiétant, c’est de voir que dans le sud, à Nouméa, la capitale et aux alentours, là où vivent les Caldoches, les populations européennes installées sur place, le «non» est majoritaire (63%) quand dans le nord et les îles Loyauté, là où vivent majoritairement des Kanaks, le «oui » est largement en tête. Une autre statistique confirme le poids des Caldoches. Les Kanaks seraient majoritairement pour l’indépendance quand les Caldoches seraient quasiment unanimement contre faisant basculer le scrutin dans le camp du « non ».
Vers une partition de l’île ?
Mais il y a des questions qui restent en suspens.
La France va-t-elle rester neutre dans ce référendum? Va-t-elle essayer d’influencer le vote directement ou indirectement ? Respectera-t-elle le choix des Kanaks si le « oui » l’emporte ? Rien n’est moins sûr, si on en croit le passé et le passif de la France en la matière !
Prenons l’exemple des Comores, le 22 décembre 1974, 95% des Comoriens votent pour l’indépendance mais 63% des habitants de Mayotte, dans un scrutin qui ne brille pas par sa transparence votent pour rester dans la République française. Et dans une île où vivent les fonctionnaires et militaires français, en violation du droit international (le principe d’indivisibilité des entités coloniales promues à la souveraineté internationale), la France va scinder les Comores en 2, acceptant l’indépendance de 3 des 4 îles, en conservant illégalement la quatrième, Mayotte, devenu illégalement un département français depuis. À l’époque, la France avait argumenté que la loi prévoyant le référendum aux Comores et la Constitution française (article 53 «Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées ») parlaient «des populations » des Comores et non « d’une population », donc indivisible. Autrement dit, la partition de l’archipel était légale selon le gouvernement français.
Avec le même raisonnement, on pourrait finir avec une partition de la Nouvelle-Calédonie, en novembre prochain. En effet, l’article 53 de la Constitution existe toujours et l’article 76, relatif au statut particulier de la Nouvelle Calédonie, parle « des populations » de la Nouvelle-Calédonie. Autrement dit, la France pourrait bien scinder l’île en deux, entre une population autochtone, les Kanaks, majoritairement pour l’indépendance et une population caldoche européennes et unioniste.
En tout cas, quel que soit le résultat du 4 novembre, les Kanaks ont déjà gagné car la question de la décolonisation et de la pleine souveraineté est au coeur des débats. Vive la Kanaky libre !
Roccu Garoby.