Méditerranée

Pour une meilleure sécurité maritime

L’Assemblée de Corse a voté à l’unanimité (moins deux non-participation)* une motion pour améliorer la sécurité maritime dans le Canal de Corse, et plus largement en Méditerranée, précieux berceau de notre île.

L’initiative du groupe Femu a Corsica, fait suite à la collision entre le roulier tunisien Ulysse et le porte-conteneur Virginia qui était au mouillage aux abords du Parc Marin international du Cap Corse, sans même que les institutions corses n’aient été mises au courant. Un accident incompréhensible, qui démontre que notre île n’est pas à l’abri d’une catastrophe maritime majeure. Les côtes varoises ont hérité d’une pollution dite « résiduelle » à la défaveur de la météo.

50 plages touchées, 34 communes sinistrées et des sites emblématiques souillés, Saint Tropez, Ramatuelle, l’île de Porquerolles, le Parc Naturel des Calanques à Marseille… bien plus que des « boulettes d’hydrocarbures » affectent la biodiversité. « La dépollution prendra plusieurs mois » selon les autorités qui ont mobilisé plusieurs centaines de personnes, sans parler des habitants et des associations également à la tâche.

 

Imaginons le désastre que serait un véritable naufrage… de la pointe du Cap Corse aux sites escarpés et inaccessibles jusqu’aux falaises calcaires de Bonifaziu, ou à la réserve naturelle de Scàndula, en passant par nos plages paradisiaques sur 1000 kms de côtes… la menace est directe. 12.000 navires empruntent chaque année le seul Canal de Corse.

Le Ulysse s’est encastré sans marin à la barre, le Virginia n’était pas davantage vigilant. Il mouillait depuis plusieurs jours, amarré sur un îlot rocheux qualifié par les pêcheurs corses de « lieu unique en Méditerranée, qui ressemble à ce que l’on peut trouver en Polynésie, une sorte de canyon unique qui abrite de nombreuses espèces d’habitats ».

«U Levante et FNE sont scandalisés par ces mouillages connus et tolérés sur une zone unique à l’échelle de la Méditerranée et par le silence des autorités sur ce point. Il s’agit d’un des deux secteurs où sont concentrés les « atolls de coralligènes », monuments naturels uniques qui constituent un haut lieu de biodiversité ». Comment cette autorisation de mouillage a-t-elle donc pu être donnée ?

La météo a cette fois-ci été clémente pour la Corse au détriment des régions du Continent pour lesquelles le Président du Conseil Exécutif de Corse a exprimé sa solidarité. Mais notre île n’est pas à l’abri. On ignore encore les dégâts sur place sur la faune marine, et les courants tournants peuvent aussi ramener vers nos côtes les restes de cette pollution qui continue à sévir, au point que le Président du Parc des Calanques a demandé le déclenchement du Plan Polmar. Cette motion est donc très importante pour anticiper l’avenir.

 

Depuis la loi sur la Biodiversité du 8 août 2016, en effet, les collectivités territoriales sont fondées à agir en matière de pollution maritime. Plainte contre les armateurs, demande d’information systématique de la Collectivité de Corse en pareille situation, renforcement des moyens de protection et de lutte, la motion interpelle l’État sur ses responsabilités. Mais aussi sur le système de « Sécurité Passive Embarquée » qui, s’il avait été prévu à bord des navires, aurait pu faciliter et accélérer grandement les opérations de secours, réduisant considérablement la pollution.

L’association bretonne Mor Glaz de prévention des risques hydrocarbures en mer alerte depuis longtemps sur la nécessité d’équiper les navires transportant des matières dangereuses de ce système de prévention. « 600 m3 d’hydrocarbure lourd à la mer : 500 personnes mobilisées, 96.000 heures de travail cumulées, 34 navires (Français et Italiens), 11 aéronefs (Français et Italiens) et enfin l’intervention sur place des plus grands experts mondiaux, tout ça pour en arriver à la pelle et au seau comme il y a 40 ans lors du naufrage de Amoco Cadiz » dénonce son président Jean-Paul Hellequin. « L’association MOR GLAZ défend depuis des années la Sécurité Passive Embarquée, si le CLS Virginia avait été équipé, les conséquences auraient été différentes. Plus de 80 navires dans le monde en sont équipés. Une telle collision, devrait remettre sur la table cette question à l’Organisation Maritime Internationale, les assureurs devraient aussi s’y intéresser ainsi que les responsables des Préfectures Maritimes et Terrestres, Administrations Maritimes et autres services ».

 

Pour mieux prévenir les risques, la Sécurité Passive Embarquée sur tous les navires, et les moyens opérationnels nécessaires, de prévention et de lutte, sont des mesures essentielles à arracher pour la Corse et pour la Méditerranée. Ci-dessous, la motion hors les considérants.

Fabiana Giovannini.

 

* Motion conjointement déposée par Fabienne Giovannini et Anne Laure Santucci qui a également alerté l’Assemblée par une question orale sur les moyens de lutte sur place. N’ont pas participé au vote les deux élus du groupe Valérie Bozzi encore présents dans l’hémicycle, estimant que la Collectivité n’a pas à intervenir sur le Droit Maritime International…

 

 

A muzione

L’ASSEMBLEE DE CORSE CHARGE le Président du Conseil Exécutif de Corse de porter plainte pour préjudice moral et écologique contre les armateurs des navires du cargo-roulier tunisien « Ulysse » et du porte-conteneurs chypriote « Virginia ».

DEMANDE à l’Etat de faire respecter l’intégrité du territoire de l’île de Corse son environnement remarquable, son capital écologique et économique.

CHARGE le Président du Conseil Exécutif de Corse d’interpeller l’Etat et l’Organisation Maritime Internationale afin de renforcer les moyens de surveillance du Canal de Corse par :

– Le renforcement des surveillances aériennes ou satellites, pouvant déclencher une intervention immédiate, dès qu’un navire est à l’arrêt en mer, afin de mieux prévenir les risques de collision.

– Le renforcement des moyens de prévention sur place en Corse pour un déploiement immédiat de barrages anti-pollution et de moyens de lutte en cas d’accident ou de naufrage.

– La mise en place de systèmes de « Sécurité passive embarquée » à bord des navires croisant en Méditerranée, pour faciliter et accélérer les opérations de sauvetage.

– L’exigence de formation des marins à bord sous un label spécifique à la Méditerranée, et un renforcement des contrôles de leurs connaissances pour les marins de tout navire croisant en Méditerranée, afin de prévenir les défaillances humaines.

– L’exigence d’information de la Collectivité de Corse dès qu’un navire est au mouillage de façon anormale et/ou présente, par sa vitesse ou ses comportements, une menace pour la sécurité maritime.

 

Le concept de Sécurité Passive Embarquée est un ensemble de dispositifs à bord des navires (emplacement des cuves, tuyautage spécial, patches magnétiques pour colmater les brèches, vannes de ventilation, système anti-fuites, injection d’eau…) permettant de réduire le risque de marée noire en cas d’accident ou de naufrage en mer. Par exemple le FOR Système de la société française JLMD est un dispositif de récupération des hydrocarbures contenus dans les soutes des navires, adopté notamment en Chine par plusieurs armateurs et qui a fait ses preuves.

Les polluants sont contenus à l’intérieur du navire et leur évacuation facilitée lors d’opérations de sauvetage, y compris en mauvaise mer. La collision au nord-est du Cap Corse est l’exemple type de l’accident qui aurait pu être mieux géré avec un tel dispositif. Des spécialistes européens de ces technologies et du sauvetage en mer se sont regroupés au sein d’une Association de Sécurité Passive Embarquée, Maritime Passive Safety Association. L’idée fait son chemin. L’OMI réfléchit à l’appliquer aux navires croisant dans l’Arctique. Pourquoi ce concept ne serait-il pas également imposé en Méditerranée, mer fermée, à la biodiversité unique et extrêmement sensible ?