Les élections sardes ont eu lieu dimanche 24 février 2019, elles ont rendu leur verdict et il a été très clair par son ampleur et il peut se rapprocher du vote qui a porté au pouvoir les nationalistes corses en 2015 et 2017 même si en apparence les formes peuvent être diverses car l’histoire des deux îles est diverse. Il est cependant nécessaire de faire quelques rappels historiques sur la Sardaigne tant l’ignorance de l’île soeur est encore grande chez nous et la lecture se fait souvent et paradoxalement sous le prisme politique français.
Le Partito Sardo d’Azzione qui est arrivé au pouvoir avec la coalition de centre droit est un parti qui fut créé en 1922 par Emilliu Lussu capitaine et héros de la Brigata Sassari qui regroupa une grande partie des 17 000 sardes mobilisés durant la première guerre mondiale.
Lussu est le Petru Rocca sarde, qui d’ailleurs s’inspira de l’exemple sarde pour fonder deux ans plus tard le Partitu Corsu d’Azzioni. Avec l’arrivée de Mussolini au pouvoir ce dernier proposa à Lussu d’intégrer le parti fasciste au nom de la fraternité des anciens compagnons d’armes. Ce fut le début d’une scission de fait au sein du Psdaz ou des opinions contraires se firent entendre. En 1925, après l’intégration, Lussu quitta l’Italie et fonda Ghjustizia e libarta une revue antifasciste en exil. En 1943 Lussu et d’autres membres du Psd’Az revinrent en Sardaigne où le parti joua tout de suite un rôle dans l’après-guerre qui s’affirma avec le statut d’autonomie de 1949. Toutefois on ne peut comparer la situation en Sardaigne par rapport à l’Italie à celle de la Corse par rapport à la France. La nature conflictuelle est prégnante pour la Corse elle ne l’est pas pour la Sardaigne. Le Partito Sardo d’Azzione participa a diverses Giunta depuis 1949 essentiellement avec la démocratie chrétienne qui fut à la tête de la région de 1949 à 1982, avec une influence plus ou moins importante (allant de 15% des voix jusqu’à être une marginalité presque groupusculaire avec 3%). Ce fut avant tout un parti de gestion de l’autonomie sarde qu’il avait d’ailleurs contribuer à obtenir dans l’après-guerre et d’accompagnement du miracle économique sarde qui d’une île considérée comme pauvre notamment en Corse dans les années 60 à une île nettement plus développée que sa voisine du nord dans les années 90. Ce parti de gestion a oscillé au gré des alliances au centre droit ou au centre gauche dans l’Italie post 1990. À partir des années 70/80 de nouveaux mouvements dits autonomistes ou indépendantistes naissent souvent à partir de l’exemple corse (tel Sardinia nazioni) mais leur influence reste très limitée. Les plus radicaux prônant ouvertement l’indépendance mais demeurant dans une marginalité politique importante. Des scissions se firent jour au sein du Psd’Az donnant naissance à d’autres mouvements comme le Partito dei Sardi ou sur des bases plus idéologiques Rossomori qui refuse l’alliance avec Forza Italia.
Mario Melis a été leader du Partito Sardo d’Azzione (1982-1989) ; comme dirigeant de la Région de 1984 à 1989, il incarne cet autonomisme de gestion ancrée au centre gauche et pro-européen.
C’est d’ailleurs en partie avec Melis que Max Simeoni fonda l’ALE. Il marqua l’ancrage au centre gauche d’un parti plus souvent lié au centre droit et à la Démocratie Chrétienne (DC). L’année 1990 marqua la chute de DC et de la première république Italienne. De nouvelles forces apparurent comme Forza Italia de Berlusconi et la Lega Lombarda d’Umberto Bossi. Paradoxalement la Lega Lombarda s’inspira du Partito Sardo d’Azzione de Melis et de son discours régionaliste. Il y a une lettre publique où le député européen Melis explique à ses « amis » de la Lega les dangers qu’il pense percevoir dans leur discours. C’est d’ailleurs, semble-t-il, sous son influence que la Ligue du Nord intégra brièvement l’ALE vers les années 90…
Denis Luciani.