C’est un incendie effroyable qui a détruit l’édifice emblématique de la ville de Paris. Cette catastrophe répand la désolation. Comment réparer une telle blessure ? N’aurait-on pu l’éviter ?
La cause serait accidentelle, et le feu est parti d’un chantier d’où s’est embrasée la toiture. L’intervention des pompiers n’a pu empêcher les flammes de détruire la charpente, et la flèche emblématique s’est effondrée sur elle-même. Les images passent en boucle sur les télévisions, nous n’arrivons pas à nous en détacher.
L’édifice pourrait être réhabilité, du moins cela semble possible, grâce à la rapidité d’intervention des secours. C’est bien sûr un défi lancé au peuple français qui devra montrer qu’il réagit vivement au coup du sort qui vient de le frapper. Ce sera un message fort d’ouvrir à nouveau la cathédrale une fois réhabilitée, en ayant bénéficié du concours des plus grands artistes, avec l’éclat et l’apparat qui sied aux évènements les plus importants, ceux qui démontrent que la vie l’emporte sur la mort.
Un monument comme la Cathédrale de Paris sort de l’ordinaire. Elle est plus qu’une œuvre précieuse du passé, elle représente le génie d’un peuple à travers les siècles. D’ailleurs elle n’a pas de « créateur » qui aurait laissé son nom dans l’Histoire. Elle est une œuvre collective, par delà les générations. « L’homme, l’artiste, l’individu s’effacent sur ces grandes masses sans nom d’auteur ; l’intelligence humaine s’y résume et s’y totalise. Le temps est l’architecte, le peuple est le maçon. » (Victor Hugo, à propos de Notre Dame de Paris)
Les grandes civilisations ont laissé derrière elles des monuments emblèmes dont la majesté en impose à tous les autres, des pyramides d’Egypte aux monuments grecs et romains, des temples aztèques aux grandes pagodes indoues. Ainsi en est-il de la cathédrale de Paris qui domine la chrétienté et sa magnifique profusion de cathédrales en Europe. Elle en est un des monuments-phares, dont l’harmonie des formes et la magnificence des décors est reconnue par tous ceux qui l’ont visitée. C’est ce qui explique pourquoi le désastre de sa destruction par un gigantesque incendie a provoqué une émotion aussi forte et unanime à travers le monde. Il est des malheurs qui font que les gens s’unissent spontanément.
Un tel événement nous fait aussi nous interroger sur l’importance et le soin que l’on apporte à la préservation du patrimoine millénaire qui exprime l’identité des peuples. Est-il possible qu’un tel accident survienne dans un tel lieu ? Et, même s’il est accidentel, un tel sinistre est-il acceptable, tant il témoigne d’une coupable absence de considération pour ce patrimoine, eu égard à son importance exceptionnelle ?
En Corse apportons-nous suffisamment d’attention au patrimoine dont nous avons le devoir de conservation et de mémoire ? Faisons-nous ce qu’il convient à Filitosa et dans les autres hauts lieux de la civilisation mégalithique ? Sommes-nous conscients de la valeur d’un site comme Aleria, vestige exceptionnel d’une civilisation étrusque qui a laissé beaucoup moins de sites majeurs en Méditerranée que Rome et Athènes ? Mettons-nous assez de soin à la préservation et l’entretien du patrimoine dans lequel chaque communauté villageoise puise sa fierté et son identité ? Quelle éducation donnons-nous pour que toutes ces valeurs essentielles entrent dans tous les cœurs et tous les esprits ?
Après un incendie traumatisant comme celui de la Cathédrale Notre Dame de Paris, chacun doit faire l’examen de ses carences et rechercher les moyens d’y remédier. Dans chaque village et en Corse en général. Et aussi dans toutes les vieilles civilisations d’Europe qui donnent à ce continent un éclat et une richesse patrimoniale exceptionnels.
L’incendie de Notre Dame de Paris doit sonner le tocsin : d’autres chefs d’œuvre européens parmi les plus précieux sont probablement menacés. L’Europe doit prendre l’initiative d’une politique vigoureuse pour aider chaque pays, et chaque peuple, à préserver son patrimoine. Pour que l’on puisse être certains que pareil désastre ne se reproduira pas.
François Alfonsi.