L’histoire de l’impasse actuelle est un épisode de plus de l’histoire de la Corse dans la République.
On pouvait espérer qu’avec les temps actuels, l’Europe en gestation, la Ve République essoufflée, un Président tout neuf, libre de toute opposition, des natios majoritaires «absolus » sans la violence clandestine, prêts à négocier un processus lent de sortie de l’impasse, on pouvait, oui, construire un avenir sûr pour l’hexagone et pour l’île.
Vite on dut déchanter. Avec des ministres yo-yo, ni oui ni non, « peut-être » Jupiter ?, manif Aiacciu pour prier le pouvoir suprême, en réponse la foudre tomba de l’Olympe sur les élus « locaux », là où était tombé le Préfet Erignac.
Une nuée inattendue de sauterelles jaunes s’abattit sur les Champs Elysées et ébranla la certitude olympienne. S’ouvrit un « grand débat » pour évaluer les risques et déceler les cartes possibles à jouer. L’oreille à l’écoute, le ton paternel. La préfectorale en uniforme l’imita. Le coeur de Paris, la cathédrale de l’île de France en feu, relativisa un instant les chapitres politiques et permis à l’Elysée de souffler. La relance est en cours et les risques demeurent.
Ils demeurent car le problème Corse est politique.
Côté Élysée, l’Olympe français, rendit une sentence en son temps, péremptoire, qui se voulait définitive, « il n’y a pas de problème Corse, il y a des problèmes en Corse»… sous entendu «on s’en occupe, faites confiance et mettez-y du vôtre» et un Liber Bou excédé finit par dire en écho « pas même 200.000 Corses ne pourront faire modifier la Constitution »…
Côté des clans relayant la voix du maître jacobin, on a rabâché « il faut utiliser mieux les moyens dont on dispose pour le développement économique, et ne pas faire une obsession pour toujours plus de réformes institutionnelles… »
Côté natios malgré les atermoiements et les rebuffades, la coalition forte de la légitimité conférée par le suffrage universel répète, sans trop y croire et ne sachant quoi d’autre dire, qu’elle est prête à commencer le dialogue.
Un calendrier électoral pressant d’issue incertaine amène tous les acteurs à manoeuvrer pour ne pas perdre le potentiel électoral dont ils disposent, ce qui revient à entamer celui de l’adversaire si possible. Autant dire que la bataille des municipales débute par des tirs d’artillerie autour des urnes municipales dont les résultats vont déterminer en grande part les territoriales et la Présidence de la République.
Le Président Macron en fin de tournée à Cozza malgré une participation faible des élus, a saisi l’occasion de lancer une bonne torpille : une Assemblée des maires en prise directe « de proximité » avec la Préfète, lui et son gouvernement. La majorité natio « absolue » est prise de vitesse pour la mise en place des intercommunalités qui sont destinées à combler le vide dans un autre schéma de feus les conseillers départementaux. Les élus, les maires devaient exprimer leur vue de développement de chacune interco après débat entre eux. Leurs propositions dépendant en général des moyens de la CdC et de l’État si besoin. L’Assemblée des maires change le jeu. L’État est en prise direct. Il peut répondre ou encourager les opposants insulaires, les minoritaires, les opportunistes de tout bord, et finalement enliser la majorité natio et la décrédibiliser.
Il a déjà pratiqué ce genre de manoeuvre pour freiner les avancées des natios. Exemples : « Peuple Corse » figure après insistance auprès de Joxe dans le projet de son statut. Le Conseil Constitutionnel sous Badinter l’annule. Même attitude cynique pour la co officialité de la langue Corse qui avait été admise comme « Peuple Corse » par la Collectivité territoriale. Et ça continue avec le Padduc pour lequel il avait fallu sous la houlette de Maria Guidicelli quatre années de discussions entre Corses élus pour le définir et le voter. Quatre années de perdues et combien d’autres en ajouter avant de dégager une alternative consensuelle des « locaux », la voter et la faire admettre par le pouvoir jupitérien de la Ve République.
Cette stratégie d’usure sur le long terme est dictée par un enjeu de fond idéologique : un seul pays édifié par la force des armes au nom de valeurs universelles, un seul État centralisé pour l’imposer, une seule langue pour effacer les cultures des soumis.
Tout l’édifice de la pyramide républicaine pour digérer les Régions en son sein et… pour justifier la soit disante Mission d’une France modèle d’universalité.
D’un côté le tout beau, grand et juste, de l’autre l’archaïsme, le nombrilisme ethnique, le passé révolu. L’Empire colonial perdu, la République repliée sur elle-même, doit participer à l’Europe en construction. Elle est pour une Europe sans les Peuples minoritaires, donc pour les États, du moins une Europe qui l’autorise à garder sa structure inspirée du jacobinisme.
Les déboires de la Catalogne sont l’exemple de l’adversaire étatique qu’il ne faut jamais sous-estimer.
Le Problème est politique. Il n’y a pas d’alternative à la disparition du Peuple Corse sans une autonomie véritable qui lui donne des moyens juridiques et financiers, sans sa reconnaissance légale de Peuple avec sa langue.
Ce combat est ardu. Il est forcément démocratique. Il nécessite la connaissance des causes pour choisir les solutions valables.
L’ennemi n’est pas le Peuple de France mais un jacobinisme que plus rien ne peut justifier si cependant on admet que pour la France quel que soit son régime comme pour l’Europe aujourd’hui, l’Île par son enjeu de proximité géopolitique ne peut être une menace pour leur sécurité. La garantie doit être très forte comme celle du droit du Peuple sur sa terre. Le réalisme l’impose autant que le droit imprescriptible du Peuple Corse n’est que justice.
Devant ce psychodrame historique que valent les minables jeux électoralistes. Ils ne sont que les témoins d’un retard de prise de conscience des Corses. On peut voir comment le pouvoir central parisien du moment en joue. Il passe d’Erignac pour exclure une majorité légitime natio, à l’écoute paternelle de quelques élus les plus « locaux ».
Les enjeux des municipales lui imposent d’éviter que ne fassent corps les méchantes secousses des gilets jaunes et les doutes des réformes des nouvelles entités territoriales à mettre en place. De la rigidité à la compassion.
Le pire est qu’au sein de la majorité « absolue », on ne tire aucune leçon. On cède à l’électoralisme à tout crin comme si il ne restait que ça à faire. La sortie ? Il n’y en a qu’une, un Peuple conscient et déterminé. Une majorité d’élus ne suffit pas. On est loin. Va-ton gâcher jusqu’au ridicule le peu d’acquis par les luttes et les sacrifices des cinquante dernières années. Un parti de terrain organisé, exemplaire et ouvert sur la société, hors de portée de l’électoralisme.
Tout passe par lui. Oui décidément quelqu’il soit, mythe ou acteur en scène, « Jupiter veut rendre fous ceux qu’il veut perdre ».
Max Simeoni.